Contrôle judiciaire levé pour Saïd Larifou

Le RIDJA retrouve la parole

5 juin 2004

Son contrôle judiciaire levé, Saïd Larifou remercie les Réunionnais de leur soutien (voir encadré) et appelle les partis progressistes de la région à se rassembler pour évoquer l’avenir du Sud-Ouest de l’océan Indien. Le président du RIDJA milite pour les respect des institutions de l’Union des Comores, afin de rassurer la population et les investisseurs dans la perspective de sortir du sous-développement.

Saïd Larifou, président du Rassemblement pour une initiative de développement avec une jeunesse avertie (RIDJA), a retrouvé la parole. Le contrôle judiciaire dont il faisait l’objet a été levé le 27 mai dernier par la Chambre d’accusation de Moroni à la suite d‘une procédure de saisine d’office. "C’est une décision forte. Je me retrouve libre de circuler et de m’exprimer. Et donc de reprendre mon activité politique", explique-t-il.
L’avocat saint-pierrois en profite pour remercier la population réunionnaise qui l’a soutenu massivement dans son épreuve. "Cela m’a beaucoup aidé et m’a permis de surmonter les pressions et la répression dont j’ai été victime, avec le mouvement que je préside et les Comoriens qui partagent mes idées".
Il voit dans ce soutien "l’expression d’une culture francophone et indocéanique dont l’émergence ne fait pas de doute". Il inscrit d’ailleurs son combat politique dans le renforcement de cette culture qui est aussi "une culture humaniste et un nouveau concept de l’Homme et du respect des différences qui sont des richesses dans les îles de l’océan Indien".
À travers ce qu’il a vécu, Saïd Larifou estime que les partis progressistes de la région doivent se réunir pour réfléchir à l’avenir de la région. "Il y a une culture démocratique à conforter pour éviter que notre région ne devienne pas comme ces régions du monde frappées par le racisme, le terrorisme, le sous-développement... et toutes sortes d’injustices". Il souligne que le RIDJA s’inscrit dans cette démarche, avec d’autres partis politiques avec qui il est en contact.

Respect des institutions

Abordant la situation intérieure de l’Union des Comores, il affirme avec force que le RIDJA s’inscrit dans le respect des institutions issues de la Constitution de novembre 2001. Son mouvement assurera "toutes ses responsabilités dans le cadre de ces institutions". Des institutions qu’il convient de laisser fonctionner jusqu’au bout de leurs mandats. "C’est l’intérêt des Comoriens. On ne peut pas développer un pays sans la stabilité institutionnelle. Elle est indispensable pour permettre aux Comoriens de réfléchir enfin aux réponses à apporter aux problèmes du sous-développement qui frappent le pays. Ce sous-développement n’est pas une fatalité. Mais il y a des étapes à franchir pour en sortir". Et la première étape, c’est, pour Saïd Larifou, de respecter les institutions pour rassurer la population et les investisseurs.

Lilian M.


Un Institut des cultures de l’océan Indien

Lors d’une interview, Me Saïd Larifou a précisé la nécessité d’approfondir le co-développement régional avec l’Union des Comores, afin de sortir le pays du sous-développement et fraterniser, "dans un espace de tolérance", "les cultures de l’océan Indien".

o Durant votre assignation à résidence à Moroni, la double nationalité française et comorienne a été mise en cause. Qu’en pensez-vous ?

- Saïd Larifou : La double nationalité, c’est le fruit de l’Histoire. C’est moi. C’est tout ce que j’incarne : la culture comorienne innée, la culture française, la culture réunionnaise. C’est ce métissage que je n’ai pas demandé, mais que j’ai acquis. C’est mon histoire. Je la revendique. J’ai appris en France les valeurs de la République, le partage, la tolérance... Ce sont des valeurs fortes, mon idéal que j’essaie de partager avec mes concitoyens comoriens. C’est aussi une culture francophone que je m’efforce de faire émerger partout dans le monde et aux Comores. Loin de constituer une tare ou une contrainte, c’est une richesse. À La Réunion, en France et partout dans le monde où je suis appelé, j’exprime ma citoyenneté et je fais fructifier ces valeurs aux Comores dans des actions plus fortes, plus politiques. Il n’y a pas d’incompatibilité à ce que j’exerce mon activité d’avocat à La Réunion et que je fasse de la politique aux Comores.

o À La Réunion, les populations venues de l’archipel des Comores - la presse s’en est fait encore récemment l’écho pour des problèmes de logement - vivent difficilement. Comment lutter contre ce mal-vivre ?

- Je pense qu’il y a un problème social qui touche toute la population fragile. La population émigrée d’origine comorienne est la première victime de cette crise. Je crois qu’il faudrait que le tissu associatif - qu’il soit dirigé par des Comoriens ou par des Réunionnais - qui travaille dans le secteur social, interpelle davantage les politiques. Qu’il les oblige à prendre conscience de cette crise qui ne touche pas seulement le logement, mais également d’autres secteurs puisque les deux tiers de la population d’origine comorienne est au chômage. Il devrait être possible pour cette population de bénéficier d’une formation professionnelle qualifiante qui permettrait à ses membres de définir un projet d’insertion au pays. Ils pourraient alors être des ambassadeurs de La Réunion dans l’archipel des Comores.

o Une association porte actuellement le projet d’une Maison des Comores. C’est une bonne initiative ?

- Une très bonne initiative. C’est un projet que je caressais moi-même, lorsque que j’étais responsable de la communauté comorienne. Cela ne s’est pas fait car je n’ai pas eu le temps de définir le projet. Les Comores doivent avoir à La Réunion une présence sociale, culturelle voire économique. Il y a dans ce pays de jeunes réunionnais d’origine comorienne qui ont un parcours universitaire. Ils ont besoin de repères pour mieux s’intégrer. Je pense même qu’une Maison de La Réunion aux Comores serait une bonne initiative.

o Est-il nécessaire d’approfondir le co-développement avec l’Union des Comores ?

- Il faut favoriser les conditions adéquates pour l’émergence d’un vrai co-développement. Il devrait, à mon avis, reposer sur des projets concrets d’échange dans différents secteurs : agriculture, pêche, éducation, culture, sport, littérature... Ce sont des éléments qui permettront l’émergence d’une culture francophone dans la zone indocéanique. Nous devons sortir des discours officiels, entrer dans le concret. Les gens ont envie d’échanges. Dans le Sud de la Grande Comore, à Foumbouni, on est en train de créer un Institut des cultures de l’océan Indien. Ce sera un espace d’expression de toutes les cultures de l’océan Indien. Un espace de tolérance. Incontestablement, les Comoriens ont beaucoup à apprendre des Réunionnais. Mais ils ont aussi beaucoup à donner aux Réunionnais. Nous appartenons tous à un même espace. Et le rêve dans les espaces culturels, géographiques et économiques, c’est que les gens puissent fraterniser.


Repères

Le 24 septembre 2003, Saïd Larifou, président du RIDJA, est arrêté sous la triple accusation d’avoir porté atteinte à la sûreté de l’État, de déstabilisation et d’incitation à la violence, à la suite de manifestations organisées contre l’augmentation du coût de la vie. Une accusation qui repose sur l’enregistrement d’une conversation présumée entre un officier comorien et un des accompagnateurs français de l’avocat saint-pierrois. Il est libéré le 15 octobre 2003, placé sous contrôle judiciaire et assigné à résidence.
Un mouvement de solidarité se dessine dans l’océan Indien, notamment à La Réunion où un comité de soutien est mis en place. Des interventions diverses sont diligentées auprès des autorités comoriennes et françaises. Malade, il est hospitalisé à l’hôpital El-Marouf de Moroni. Un cardiologue et le directeur de l’hôpital demandent son évacuation sanitaire. Ce qui leur vaudra de graves ennuis. Il est finalement autorisé à regagner La Réunion pour se soigner et arrive dans l’île le 19 janvier 2004. La levée du contrôle judiciaire du 27 mai dernier ne clôt cependant pas l’affaire. Mais Saïd Larifou estime que "la Justice comorienne finira par se rendre compte de la réalité de cette affaire et déclarera mon innocence".


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