Continuité territoriale

Aucun bénéfice pour l’outre-mer

Un rapport décortique le système mis en place par le gouvernement

10 novembre 2003

La continuité territoriale continue à faire parler d’elle. Après les grandes discussions au moment de la loi de programme, puis le recours devant le Conseil constitutionnel, les mouvements des Domiens dans leurs îles, les actions des originaires des DOM en France et principalement à Paris, les déclarations faites lors du vote du budget ’outre-mer’ à l’Assemblée nationale, les deux propositions de loi déposées à ce sujet par deux groupes de députés, voilà que c’est maintenant au tour du Sénat de se pencher sur la question. Le dispositif mis en place par le gouvernement est décortiqué par un sénateur qui estime que la construction budgétaire était « complexe », « juridiquement incertaine » et « économiquement contestable » tout cela faisant que « les bénéfices de la continuité territoriale sont presque annulés »...

Le sénateur Du Luart, dans son rapport sur l’outre-mer, rappelle que le coût global de la continuité territoriale est estimé à « 30 millions d’euros en rythme annuel ». Mais il précise tout aussitôt que la mise en œuvre de ce dispositif est rendue complexe par l’article 53 du projet de loi de finances.
« La solution choisie par le gouvernement pour financer la continuité territoriale n’a pas été la budgétisation, et donc la création d’une ligne spécifique sur les crédits de l’outre-mer », dit-il. Et il se réfère au rapport rédigé par le sénateur Yvon Collin, sur les crédits de l’aviation civile.
Celui-ci soulignait que « l’année 2003 avait été marquée par deux événements d’importance majeure : d’une part, la faillite de la société "Air Lib", qui a entraîné une crise sociale d’une grande portée ; d’autre part, les bons résultats de la compagnie "Air France", qui lui permettent aujourd’hui d’envisager des fusions à l’échelle européenne ».
Et le sénateur Collin a bien évidemment abordé la question de la structure du FIATA (Fonds d’intervention pour les aéroports et le transport aérien -NDLR) pour 2004, en indiquant ceci : « afin de financer la dotation de continuité territoriale, inscrite à l’article 60 de la loi de programme pour l’outre-mer, le gouvernement avait majoré le taux de la taxe de l’aviation civile ainsi que la quote-part du FIATA, ce qui entraînait une hausse de plus de 66% de ses crédits ».
Il a estimé que ce mode de financement n’allait pas « sans soulever un certain nombre d’interrogations », qu’il était « complexe et revenait à faire financer par une taxe générale une politique de subvention en direction de certains territoires ».
De plus, il a montré que « ce schéma posait des problèmes économiques, la DGAC ayant été obligée d’augmenter le tarif de certaines redevances dont la redevance pour services terminaux en outre-mer, qui verrait son montant doubler ».

« Construction budgétaire complexe »...

Premier point abordé par Yvon Collin : la construction budgétairement complexe. « On peut remarquer que, par construction, le BAAC et le FIATA sont structurellement liés, via la répartition de la taxe de l’aviation civile. Or si les ressources que tire le BAAC de cette taxe sont en baisse non négligeable avec 19 millions d’euros en moins par rapport à 2002, et ce malgré la hausse du taux de la taxe, le budget global augmente de 0,7%, suite notamment à une hausse modérée de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne, et un doublement de cette redevance pour l’outre-mer (les taux exacts seront déterminés par décret au mois de décembre). En conséquence, une partie au moins de la perte de recette fiscale du budget annexe est compensée par la hausse d’une redevance, au bénéfice d’un compte spécial du Trésor », écrit-il.
Et Yvon Collin d’expliquer le mécanisme choisi par le gouvernement : « la taxe de l’aviation civile augmente de 13,07% (article 27), permettant des recettes supplémentaires de l’ordre de 33 millions d’euros ; la quotité consacrée au FIATA passe de 23,96% à 36,56% (article 28). (...). Ces deux mouvement se traduisent par une hausse des recettes du FIATA, de 70 à 118 millions d’euros, qui permet de financer notamment les 30 millions d’euros de la continuité territoriale (article 53 du projet de loi de finances), et une baisse des recettes que le BAAC tire de la taxe de l’aviation civile de 19 millions d’euros en 2004 ».
Et Yvon Collin de conclure : « Pour compenser cette perte de recettes au niveau du BAAC, les tarifs de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne pour l’outre-mer sont multipliés par deux, permettant ainsi au BAAC de dégager 15 millions d’euros supplémentaires qui viennent compenser la perte de ressources dû à la baisse de quotité de la TAC ».
C’est très, très complexe : c’est en quelque sorte le système des vases communicants, et l’on peut dire que l’État n’investit pas grand chose dans le système : bien au contraire....

« .... juridiquement incertaine... »

L’analyse du sénateur Collin ne s’arrête pas à la complexité du montage financier mais démontre que, juridiquement, la solution proposée par le gouvernement est « juridiquement incertaine ». « L’article 60 de la loi de programme pour l’outre-mer dispose que la dotation de continuité territoriale doit évoluer comme celui de la DGF. Or il n’y a pas de lien entre les ressources tirées de la taxe de l’aviation civile, qui finance le FIATA, avec les critères d’évolution de la DGF.

... et « économiquement contestable »

Dans le dernier volet de l’analyse, le sénateur Collin explique que la construction est « économiquement contestable ». « La hausse du taux de la taxe de l’aviation civile sera répercutée sur l’ensemble des prix des billets d’avion, avec des hausses de 51 centimes d’euro pour le trafic intra-communautaire et de 87 centimes d’euros pour le trafic extra communautaire, écrit-il.
Deux éléments doivent être soulevés :
cette hausse des tarifs frappe un secteur qui traverse à l’heure actuelle une conjoncture difficile, suite aux événements du 11 septembre 2001, à la guerre en Irak et à l’épidémie de pneumopathie en Asie ; les effets recherchés par le gouvernement sont, selon la loi de programme pour l’outre-mer, de faciliter la continuité territoriale, donc de rendre plus attractif le prix des transports aériens.
Or les services de la DGAC ont été tenus, afin de compenser la chute des ressources de la TAC, de doubler les taux de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne pour l’outre-mer. Le surcroît de recettes est estimé à 15 millions d’euros, qui seront donc supportés par les voyageurs en direction de l’outre-mer. Cette hausse spécifique à l’outre-mer est renforcée par la hausse générale de la taxe de l’aviation civile. En conséquence, les bénéfices de la continuité territoriale sont presque annulés
 ».

Faute de la part du ministère ....

Le rapporteur spécial des crédits de l’outre-mer, Roland du Luart, dit partager les interrogations exprimées. Mais il tient « à souligner que, dans un contexte budgétaire difficile, et faute de la part du ministère d’avoir pu trouver par redéploiement les 30 millions d’euros correspondants au coût de la continuité territoriale, une solution alternative n’est probablement pas envisageable à court terme ».
En clair : le sénateur du Luart estime que le gouvernement, malgré les promesses sans fois réitérées, n’a pas su trouver 30 millions d’euros pour financer la continuité territoriale, pourtant l’une des priorités du gouvernement pour l’outre-mer. Et qui plus est, ce n’est pas trouver 30 millions d’euros en "levant" un impôt supplémentaire, mais l’exercice s’est révélé impossible en "redéployant" les crédits.
Or l’une des satisfactions de Brigitte Girardin, c’est bien justement d’avoir opté pour le redéploiement des crédits ; elle l’a expliqué pour le FEDOM, par exemple. En clair, elle "redéploie" pour masquer la baisse, mais ne peut "redéployer" pour financer d’autres priorités.
Oui, comme le disait Huguette Bello à l’Assemblée nationale : l’outre-mer n’est vraiment plus une priorité pour le gouvernement.


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