Projet de loi Travail, emploi et pouvoir d’achat

Des allégements fiscaux qu’il faudra bien financer

17 juillet 2007

Les députés terminaient hier en première lecture l’examen du projet de loi Travail, emploi et pouvoir d’achat. Plus connu sous le nom de "paquet fiscal", ce projet concrétise les premiers engagements de Nicolas Sarkozy.

Votés par un Parlement réuni en session extraordinaire, visé par la procédure d’urgence, ce texte a pour objectif de relancer le pouvoir d’achat par le biais d’exonérations fiscales.

Mais force est de constater que ce sont d’abord les personnes les plus nanties qui sont les principaux bénéficiaires de ce "paquet fiscal".

C’est en tout cas ce qu’il ressort de l’analyse de quelques mesures.
Par ailleurs, le coût du texte a attisé la grogne, jusque dans les rangs de la majorité. Les 11 articles du projet de loi sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat, dit "paquet fiscal", sont en effet évalués à 10,1 milliards d’euros en 2008 et 13,5 milliards en année pleine, selon l’hôte de Bercy. Un montant jugé colossal dans un contexte budgétaire tendu, alors même que Nicolas Sarkozy s’est rendu en personne à Bruxelles lundi pour faire passer la pilule amère du déficit public français.

Lors de son audition à l’Assemblée nationale, le premier président de la Cour des comptes a souligné que l’ensemble des finances publiques "semble se détériorer en 2007". Se basant sur les chiffres fournis par l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques), qui a annoncé une hausse de 33,7 milliards d’euros de la dette publique au premier trimestre 2007, il a observé que le taux d’endettement de la France est passé par conséquent de 63,7 à 65% du PIB pour cette année. Et d’après lui, l’application dès le 1er octobre des mesures du paquet fiscal vont alourdir la dette de l’État envers les régimes de sécurité sociale par le biais de nouvelle exonérations fiscales. Montant de la facture : plus de deux milliards d’euros.
Il ne faudrait pas que cela soient les plus démunis qui paient cette facture. L’annonce pendant le débat de la suppression de 51.000 emplois aidés est à ce sujet inquiétante.


Un nouveau cadeau fiscal pour les plus riches

Le "bouclier fiscal" existait déjà depuis le 1er janvier 2007 et permettait de plafonner l’ensemble des impôts payés par un contribuable à 60% de ses revenus. Etaient pris en compte l’impôt sur le revenu, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et les impôts locaux. Or, le nouveau "bouclier" voulu par Nicolas Sarkozy abaisse le curseur à 50% et, surtout, ajoute la CSG (contribution sociale généralisée) et la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) à la liste des impôts pris en compte dans le calcul.

Un ajout outrageusement généreux pour la gauche et le Nouveau centre (allié de l’UMP), qui ont tenté en vain de l’annuler en dénonçant une suppression masquée de l’ISF. Coût total de la mesure : 810 millions d’euros pour 234.400 contribuables, soit en moyenne plus de 20.000 francs d’économie pour ceux qui ont le plus les moyens de s’en passer.

Il fat rappeler qu’en France selon le magazine "Challenge", 500 familles se partagent 15% de la richesse nationale. Au moment de prise de fonction du gouvernement dirigé par le PS en 1997, ces 500 familles ne possédaient que 6% de la richesse de la France. Au cours de ces dix dernières années, un des résultats les plus marquants de la politique menée par les différents gouvernements qui se sont succédé est l’enrichissement spectaculaire de la classe des plus nantis en France.
Le "bouclier fiscal" prolonge cette logique inégalitaire : « donner plus à ceux qui en ont le moins besoin ».


Des incertitudes sur les coûts

Autre mesure phare et beaucoup plus coûteuse, le "travailler plus pour gagner plus". Afin d’augmenter leur pouvoir d’achat, les salariés ne paieront plus de charges sociales ni d’impôt sur le revenu sur leurs heures supplémentaires. La durée légale du travail restera à 35 heures et la mesure s’appliquera sur la base du volontariat à partir du 1er octobre. Tous les salariés sont théoriquement concernés, ceux du privé comme du public, à temps plein comme à temps partiel, ou les cadres au forfait.

Reste que le coût de cette mesure est incertain : Christine Lagarde a avancé le chiffre de « 6 milliards d’euros en année pleine », soit "49%" du coût du "paquet fiscal". Le rapporteur UMP Gilles Carrez a parlé, lui, de 6 milliards sur trois ans.

Auditionné par l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen du projet de loi, le Premier président de la Cour des Comptes a fait part de ses critiques. Il est étonnant que le gouvernement souhaite défiscaliser les heures supplémentaires alors que l’État n’a pas remboursé 9 milliards d’euros qu’il doit toujours payer à la Sécurité sociale. Une dette due en partie à un engagement non tenu : celui de régler les cotisations sociales des entreprises qui grâce à la loi bénéficient de mesures dérogatoires à leur devoir de solidarité sociale.

Ainsi, rien que pour 2006, l’Etat n’a pas encore remboursé à la Sécurité sociale les 600 millions d’euros d’exonérations de cotisations qu’il a consenti aux entreprises sur les salaire les plus bas.

Par ailleurs, chacun sait que le volontariat n’est qu’une illusion. A-t-on déjà vu une entreprise où un salarié décide de faire des heures supplémentaires ?


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