Échos de débat Paquet fiscal : des cadeaux ciblés ...

... financés par ceux qui n’auront même pas droit à l’emballage

17 juillet 2007

Mardi soir, Alain Bédouet recevait pour son émission “Le téléphone sonne”, sur France Inter, Michel Sapin, député PS de l’Indre, et Hervé Mariton, Député UMP de la Drome, tous deux membres de la Commission des Finances, pour répondre aux questions des auditeurs relatives aux quatre mesures qui constituent le paquet fiscal du gouvernement (heures supplémentaires, bouclier fiscal, déduction des intérêts d’emprunts immobiliers et droits de succession). Des auditeurs avisés dont les inquiétudes exprimées rejoignent celles d’une grande partie des Français.

Hervé Mariton, Député UMP de la Drome.
Michel Sapin, député PS de l’Indre

Bouclier fiscal : « gagner plus d’argent, ça n’est pas tabou »

L’une des auditrices, Josette, a par exemple rappelé qu’en 2004, Nicolas Sarkozy, alors Ministre des Finances, se prononçait contre les exonérations de charges patronales. On peut même ajouter qu’il dénonçait, au même titre que la Cour des Comptes, le fait qu’elles ne généraient les créations d’emplois escomptées et donc que l’équation gagnant-gagnant qu’il aime à avancer n’y était pas. Un positionnement qui, à l’époque, aura su séduire la classe populaire. Mais c’était sans compter sur la campagne de la Présidentielle durant laquelle, sous couvert de freiner les délocalisations et la fuite des fortunes à l’étranger (le ramdam médiatique autour du cas Johnny Hallyday tombant à point), le fameux bouclier fiscal est apparu. Une mesure qui bénéficiera aux revenus les plus élevés, une « manière détournée », pour Michel Sapin, de supprimer purement et simplement l’impôt sur la fortune. Un auditeur, Luc, intervient pour souligner que si le gouvernement attend du bouclier fiscal un retour des capitaux en France, on peut donc alors espérer une répercussion en termes de création d’emplois. Porte grande ouverte pour Hervé Mariton qui parle d’une « continuité dans cette direction-là ». Le bouclier fiscal va, selon lui, encourager « la relocalisation », « à gagner plus d’argent, ça n’est pas tabou ». Plus pour qui ? Combien d’emplois attendus ? On ne le dit pas, évidemment. Plus loin dans le débat, Hervé Mariton se contredit pourtant face à Alain qui souligne que si on accorde un nouveau cadeau aux plus nantis, « on est au moins en droit d’attendre le même investissement en retour ». Le bouclier fiscal ne serait plus là une mesure dont on peut attendre des retombées en termes d’emplois, d’investissements, etc... « Il n’y a pas de contrepartie au bouclier fiscal », défend alors l’Umpéiste qui dévoile que le gouvernement souhaite mettre en place en 2008 un impôt minimal alternatif pour que « les plus aisés, souvent les plus avisés, n’échappent pas totalement à l’impôt. C’est une mesure de justice ». Michel Sapin accuse quant à lui une politique de la « course au moins » (moins d’impôts, moins de services publics) dangereuse socialement et qui ne s’offre pas forcément comme une aubaine favorisant le retour des plus riches qui peuvent, dans d’autres pays du monde, toujours trouver à payer moins d’impôts, de cotisations sans pour autant bénéficier des services publics que l’on retrouve en France. Pour financer ce cadeau fiscal, il faudra bien trouver l’argent, et c’est chez l’ensemble des Français qu’on ira le chercher avec la TVA.

Droits de succession : « une manne pour le gouvernement »

Sur la question des droits de succession, Odile, une autre auditrice, souligne que sa maman va être imposée à hauteur de 45% du bien familial transmis suite à un décès et 59% pour les neveux et nièces, qui vont aller directement « dans les caisses de l’Etat ». Remettant en cause les retombées de cette mesure fiscale pour les Français qui en auraient le plus besoin, Odile la considère surtout comme « une manne pour le gouvernement ». Et Michel Sapin de rappeler qu’elle ne concernera que 15% des successions, donc les biens à forte valeur, sachant que 85% des droits ne sont déjà de fait pas payés en France, exonérés d’impôt. Il reconnaît néanmoins que la transmission de biens entre conjoints pose problème, mais que la publicité faite autour de ce dispositif est excessive. Ce à quoi Hervé Mariton répond que « c’est un progrès concret pour un paquet de Français, sans que ce soit de grandes fortunes ». Il faudra voir à l’usage.

Parachutes dorés : promesse non tenue

Mais quant à la promesse du candidat Sarkozy de « supprimer » les parachutes dorés, ces grosses enveloppes remises aux directeurs d’entreprise lors de leur départ en retraite, ce n’est pour l’instant qu’une promesse ? Un auditeur souligne à raison qu’il n’est plus à l’ordre du jour de les supprimer, mais de les encadrer, et demande un point de précision lexicale. Une remarque très pertinente face à laquelle Hervé Mariton, il faut le dire, tente de s’en sortir comme il peut pour justifier cette promesse de campagne non tenue. Supprimer ces conséquents avantages serait, selon lui, « difficile », sachant que le problème se retrouve à l’échelle mondiale et qu’apparemment, la France ne peut se distinguer sur cette question, au grand dam des électeurs qui plébiscitaient beaucoup cette fermeture de parachutes. Ils ne seront donc pas supprimés, mais « encadrés », « limités », en faveur d’une plus grande « transparence », « vers une moralisation du procédé », comme le défend encore Hervé Mariton. Un leurre pour Michel Sapin, averti sur la question (NRLD : “loi Sapin” de janvier 1993 visant à lutter contre la corruption), qui soutient que « dans le secret des Conseils d’administration, des parachutes dorés continueront à être attribués (...), et ça ne sera pas toujours lié à la performance ». De nouveaux scandales médiatiques sont donc à attendre... c’est peut-être là que se situe la seule vraie transparence sur ce dossier !

Heures supplémentaires : « un pari » dangereux

S’agissant des exonérations de charges sur les heures supplémentaires - première mesure du paquet fiscal à avoir été votée cette semaine à l’Assemblée nationale et qui rentrera en application dès le 1er octobre -, Hervé Mariton précise que les avantages sont aussi bien en faveur des salariés que des entreprises, dans les secteurs public et privé. Pour les salariés, elles seront exonérées d’impôt avec une baisse des cotisations sociales, et pour l’entreprise, elles représentent un nouvel allégement de charges sociales. Mais c’est sans compter sur l’argumentaire de Michel Sapin qui exprime là l’inquiétude d’un grand nombre de syndicats de salariés, en augurant que les heures supplémentaires rendues moins chères que les heures normales, l’entreprise aura tout intérêt à les développer, à supprimer des emplois pour les remplacer par des heures supplémentaires. Hervé Mariton soutient que le principe de cette mesure n’est pas d’obliger les salariés à travailler plus, mais de les y encourager, de leur offrir la liberté de choisir de gagner plus d’argent pour celui qui n’en a pas assez pour consommer, pour celui qui doit construire sa maison. Il va même jusqu’à soutenir que les heures supplémentaires, le fait de travailler plus peut être une réponse au surendettement de certains. Michel Sapin voit rouge. Il parle d’une « mesure idéologique » dangereuse, accuse une propagande mensongère, « une supercherie » qui vise à laisser croire aux salariés qu’ils pourront choisir de travailler plus ou non, rappelant que le droit du travail stipule qu’un travailleur ne peut refuser à son employeur de faire des heures supplémentaires. En clair, celui qui n’en veut pas sera contraint, alors que celui qui aura besoin de plus d’argent (et les salariés dans ce cas sont nombreux) pourra se voir refuser des heures supplémentaires. Le seul décideur restera le patron. Accusant son adversaire de pessimisme, là encore, Hervé Mariton parle de « pari » à relever, qui devrait permettre une augmentation du pouvoir d’achat des travailleurs (l’équivalent d’un SMIC et demi de plus par an pour un salarié payé au SMIC), générera plus d’activités et contribuera à « un cycle heureux de l’économie », avec de nouvelles créations d’emplois. Deux points de vue totalement opposés donc, et même si le député UMP reconnaît que « tout ne sera pas simple partout », qu’il faudra un accord partagé salarié-employeur, que « c’est une mesure de relance pas miraculeuse, mais vertueuse », elle a été approuvée par les Français. Les chômeurs sont quant à eux exclus du débat.

Emprunts immobiliers : « On aurait pu imaginer un dispositif plus généreux »

Voilà 7 ans que Gilles, autre auditeur, est propriétaire, qu’il a un encours à la banque et qu’il se faisait une joie de bénéficier au moins du remboursement de ses intérêts d’emprunts. Lors d’un discours au Havre, le candidat Sarkozy avait en effet annoncé que l’exonération des intérêts d’emprunts immobiliers concernerait tous les crédits en cours. Seulement voilà, au-delà de 5 ans, ils ne sont finalement pas concernés par la mesure. « On aurait pu imaginer un dispositif plus généreux », concède Hervé Mariton, mais « tout est affaire de coûts », le budget estimé de cette mesure s’élevant déjà à 3 milliards d’euros. Autre promesse non tenue pour Michel Sapin qui estime qu’au fond, ce dispositif dont certains aspects sont intéressants n’aura pour impact que d’amoindrir, de « gommer » les effets de la hausse des taux d’emprunts. Il aurait été préférable selon lui de maintenir les mécanismes d’aides induits par les prêts à taux zéro pour les gens qui en ont besoin, en particulier les primo accédants.

Où trouver les 15 à 17 milliards pour financer le paquet fiscal ?

Quelles retombées concrètes - pour l’ensemble des citoyens et pas seulement une catégorie aisée - peut-on alors attendre de ce « paquet fiscal » ? Pour Hervé Mariton, les projets fiscaux du gouvernement constituent un « pari positif et heureux » qui permettra d’encourager à la fois l’offre et la demande pour conduire à l’augmentation de la croissance de 1 point, soit « un objectif nécessaire ». Il accorde néanmoins que c’est « un texte politique » qui induit « un choc psychologique », que l’on peut légitimement douter de ses effets positifs sur le plan économique, mais que le risque ne doit pas freiner l’initiative car « y’a des risques, comme dans tout ». Nous voilà effectivement rassurés. Le député socialiste insiste pour souligner que les cadeaux fiscaux vont bénéficier aux plus riches qui, loin de stimuler la demande, vont plutôt thésauriser. Une réforme donc inefficace sur ce plan et très coûteuse entre 15 et 17 milliards d’euros (13 en année pleine pour Hervé Mariton) qu’il faudra bien financer soit en creusant le déficit public, soit, plus probable, en créant de nouveaux impôts pour les contribuables. D’allégements de charges en allégements de charges, les ressources permettant de financer les régimes sociaux fondent comme neige au soleil, alors que l’on brandit toujours avec catastrophisme le déficit de 14 milliards d’euros de la Sécu. Qui va payer tout ça ? Les Français les moins aisés avec les franchises médicales, les médicaments déremboursés, la hausse des consultations, puis la TVA, puis les économies faites sur la prime de rentrée scolaire, puis... demain avec sa chemise. Nicolas Sarkozy tiendra plus ou moins ses promesses avec tous les risques de désordre social que cela comprend. Mais il ne faut pas être ministre des Finances ou énarque pour se rappeler cette opération mathématique élémentaire : (+) + (-) est toujours = à MOINS.

Stéphanie Longeras


"Travailler plus pour gagner plus"

La Cour des Comptes très critique

Le premier Président de la Cour des comptes, Philippe Seguin, s’est inquiété mercredi à l’Assemblée nationale de l’impact de la détaxation des heures supplémentaires, mesure emblématique du "paquet fiscal" qui pourrait selon lui aggraver la dette de l’Etat envers les régimes sociaux de « 1 à 2 milliards d’euros en 2007 ».
Le "paquet fiscal" prévoit que les exonérations ou réductions de charges sociales consenties aux salariés et aux entreprises sur les heures supplémentaires seront remboursées par l’Etat aux régimes sociaux. Or, « les modalités n’ont pas à ce jour été précisées », a constaté Philippe Seguin lors d’une audition devant la Commission des Finances de l’Assemblée nationale.
Or, « il peut en résulter un alourdissement des dettes de l’Etat de 1 à 2 milliards d’euros en 2007 selon la date d’application de la mesure (le 1er octobre), ce qui pèsera sur la trésorerie des régimes » sociaux, a-t-il craint. Or, a rappelé Philippe Seguin, les dettes non réglées de l’Etat envers la "Sécu" se montent déjà à « près de 9 milliards d’euros ».


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