Sécurité sociale

L’ordonnance libérale du docteur Mattei

Le déficit : 10,6 milliards d’euros en 2003 ; 14,1 milliards d’euros en 2004

25 septembre 2003

Le déficit de la Sécurité sociale va être difficile à résoudre. Un dossier qui, à Matignon, est jugé « plus compliqué » que celui des retraites. C’est la raison pour laquelle le gouvernement souhaite que la réforme des structures du système de protection sociale soit réalisée fin 2004, avec un projet de loi. Dans l’attente d’un retour à l’équilibre, prévu selon le Premier ministre, à l’horizon 2007, le déficit devrait avoisiner les 11 milliards d’euros en 2003 et dépasser les 14 milliards en 2004. Le ministre de la Santé, affaibli par le drame de la canicule, en est réduit à ’limiter les dégâts’, ’colmater les brèches’, ’écoper’. C’est ce qui ressort du projet de loi de financement de la Sécurité sociale qu’il a présenté mardi.

Le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, a présenté mardi son projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2004. Ce "plan d’économies", d’un montant d’un peu plus de 3 milliards d’euros, mettra bien évidemment les assurés à contribution mais permettra tout juste de ramener le déficit du régime général.
Parmi les mesures :

• le relèvement d’environ deux euros du forfait hospitalier, dénoncé par les syndicats et la Mutualité française : 13 euros par jour contre 10,67 à l’heure actuelle (sauf pour la prise en établissement psychiatrique, où il est abaissé à 9 euros). Cette mesure devrait rapporter 230 millions d’euros ;
• déremboursement de 65% à 35% des médicaments homéopathiques ;
• taxation de publicité de l’industrie pharmaceutique sur les appareillages, (ce qui devrait rapporter 150 millions d’euros) ;
• renforcement du contrôle des arrêts maladie ;
• hausse de 20% de la taxation sur le tabac (votée en juillet par le Parlement). Une nouvelle augmentation du même ordre est prévue début 2004, ce qui devrait rapporter entre 700 et 800 millions d’euros, selon le ministère. L’industrie du tabac conteste ces chiffres ;
• accords de bons usage de soins (notamment sur le médicament, les génériques, les antibiotiques, la visite à domicile) ;
• incitation des caisses de "Sécu" à mieux contrôler les admissions en affection de longue durée (ALD, prise en charge à 100%) ;
• déremboursement d’une deuxième vague de médicaments à "service médical rendu insuffisant" (selon le ministère) ;
• hausse de la taxe sur les visiteurs médicaux (gain : 150 millions d’euros) ;
• recours plus systématique des caisses contre les assureurs en cas d’accidents sportifs ou de la circulation de particuliers (gain attendu : 100 millions).
• Fort heureusement, le gouvernement a abandonné l’idée d’un forfait de 0,50 euro sur les boîtes de médicaments.
• Le gouvernement exclut, pour l’instant, toute hausse de la CSG (Contribution sociale généralisée).

« Le déficit prévisionnel pour 2003 est abyssal »
La commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS) a confirmé un déficit record de 10,6 milliards d’euros attendu en 2003 pour la branche assurance maladie et un creusement à 14,1 milliards pour 2004 « si aucune mesure correctrice n’était prise ». Le déficit du régime général (salariés) de la Sécurité sociale est estimé à 8,9 milliards d’euros pour cette année et à 13,6 milliards pour 2004, toujours selon le rapport de la commission. « Les prévisions de résultats des régimes de Sécurité sociale pour 2003 et 2004 conduisent à des déficits très préoccupants », dus essentiellement à la branche maladie, écrit la commission dans son rapport qui précise que le solde du régime général en 2003 devrait être « proche » du point le plus bas enregistré depuis le début des années 1990, le déficit record ayant été enregistré en 1995. Le solde du régime général « se dégraderait encore sensiblement si aucune mesure correctrice n’était prise ». Ce qui avait fait dire à Mattei : « le déficit prévisionnel pour 2003 est abyssal ».
Un débat avant la réforme ?
Le gouvernement ne semble pas avoir l’intention de lancer tout de suite une grande réforme de la Sécurité sociale. Jean-Pierre Raffarin rappelait dimanche sur la chaîne "M6" qu’il souhaitait plusieurs mois de débats avec les acteurs concernés avant toute décision au fond. « Pour cette grande réforme de l’assurance maladie, le Premier ministre et le président de la République ont souhaité que nous respections un calendrier plus étalé dans le temps », confirmait Jean-François Mattei. Ce calendrier prévoit que les premières mesures "sérieuses" de cette réforme apparaîtraient au moment de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2005. Bien sûr, après les élections régionales, cantonales et européennes. Peut-être avant les sénatoriales.

Mais, en fonction des premières indications données, notamment par M. Mattei, on peut s’attendre au pire : « la nécessaire modernisation de notre assurance maladie » souhaitée par le gouvernement se concrétise aujourd’hui par la volonté d’arriver à « un retour à l’équilibre à l’horizon de la législature », dont le PLFSS 2004 est « la première étape ». Mais cette étape, justement, emprunte des voies extrêmement libérales, mettant à mal le système, pénalisant les malades - et surtout les plus défavorisés -, sans pour autant "agir" sur les autres paramètres. Dès lors, le jeu est faussé. Enfin, lorsqu’on parle de "grand débat", il vient d’y avoir tout récemment trois événements qui laissent un goût d’amertume :

• les "consultations" menées lors de l’élaboration du projet de loi de programme pour l’outre-mer, débouchant sur des préconisations et des propositions par les forces vives : aucune n’a été prise en compte ;

• les Assises régionales des libertés locales : un vaste remue-méninges qui peut se résumer ainsi : on n’accorde pas ce que les collectivités demandent, mais on leur "refile" ce qu’elles ne veulent pas ;

• le dossier sur les "retraites" : un débat, certes, à l’Assemblée nationale et au Sénat, mais personne ne se faisait d’illusion, au vu du rapport de force entre "majorité" et "opposition" dans les deux assemblées.

Et les firmes pharmaceutiques ?
À en croire la Cour des comptes dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale, les médicaments représentent 21% de la consommation médicale totale. Ce qui a fait écrire à "L’Humanité" : « Le médicament est donc logiquement un ennemi intime du ministère de la Santé et de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) ». Si l’on veut faire baisser ce taux, il y a plusieurs voies : faire baisser la consommation de médicaments, faire baisser le remboursement ou faire baisser les prix de vente de ces médicaments.
Jean-François Mattei, voulant « responsabiliser » les malades (et les prescripteurs) a saisi le problème à bras le corps, et de la manière habituelle à ce gouvernement : en suivant la logique du libéralisme, il a donc résolument opté pour les deux premières voies. En clair, les mesures prises visent à limiter la consommation de médicaments, à baisser les taux de remboursement de 600 médicaments, à dérembourser totalement de quelques 800 autres, jugés "inefficaces" ou d’utilité modérée ou faible. Après les deux premières vagues, il semblerait que l’on aille vers une troisième (voire une quatrième) liste de médicaments déremboursés ou moins remboursés.

Mais l’industrie pharmaceutique ? Rien. Elle n’est pas touchée, elle n’est pas mise à contribution. Jean-François Mattei ne lui a pas demandé de faire baisser le prix des médicaments. Certains coûtent chers, très chers. Rapportent beaucoup. Et de plus en plus. Selon un rapport de la caisse nationale d’assurance maladie, « la part des médicaments de plus de 15 euros a progressé et représente en 2002 plus de 50% des dépenses de médicaments de l’assurance maladie ». Et comme le rapporte "L’Humanité", le ministre est allé nettement plus loin : il a « fait même preuve d’une bienveillance toute particulière à l’endroit de l’industrie pharmaceutique, n’hésitant pas à lui faire une fleur en juin 2003 (...). Dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale 2003, il a autorisé les laboratoires à commercialiser leurs nouveautés au prix de leur choix, sauf opposition du comité économique des produits de santé (CEPS) dans les deux semaines suivant le dépôt de prix, et à condition que ce prix soit cohérent avec les prix pratiqués en Allemagne, en Italie, en Espagne, ou au Royaume-Uni, qui sont les pays pratiquant les prix les plus élevés en Europe ».

Le journal poursuit sa démonstration en rapportant les propos de la cour des comptes : « Ce choix a des conséquences très importantes sur les dépenses de remboursement pour trois raisons : le nombre élevé de nouveaux produits admis au remboursement depuis 1997 ; leur cherté ; mais aussi le fait qu’ils donnent lieu, en forte partie, à remboursement à 100%. Chacune des dernières années, les produits de moins de deux ans ont ainsi induit un supplément de dépenses de remboursement de 450 millions à 900 millions d’euros par an, soit en moyenne, 45% de la croissance totale du poste ».


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