10 juin 1944, Oradour-sur-Glane : Vision d’épouvante

La barbarie de la guerre

10 juin 2004

« Le 10 juin, vers 20 heures, sur un camion allemand chargé de matériel venant d’Oradour et se dirigeant vers Nieul, j’ai vu et entendu des S.S. chantant et jouant de l’accordéon », témoignait un habitant de la localité après le martyre et l’incendie du village d’Oradour-sur-Glane, dans la campagne limousine. Un nouveau village a été reconstruit à côté des ruines, vestiges calcinés de la mémoire, pour ne jamais oublier les victimes innocentes d’une guerre avilissante guidée par le fanatisme et la soif de pouvoir.

Oradour-sur-Glane était une accueillante et gaie petite cité limousine, dépendante de l’arrondissement de Rochechouart. Accrochée aux bords de la Glane, (pittoresque rivière à laquelle le peintre Corot consacrât beaucoup de ses toiles au siècle dernier), cette contrée agricole approvisionnât les communes voisines durant la guerre. La veille du massacre d’Oradour, le régiment S.S. "der Führer" cantonné à Rochechouart, à quelques kilomètres de là, démontrait une passable excitation. Au-delà des "multiples et odieuses visites domiciliaires" et des sentinelles mitraillant par surprise les habitants, le régiment allemand les pressait d’avouer l’existence de "terroristes" dans la région. C’est ce que déclara le maire de la bourgade, Raymond Proust, qui parlait encore de troupes "particulièrement entraînées à cette formule d’occupation".

Un havre de paix...

Mais la population laborieuse de cette campagne française ne dit mot, et c’est peut-être ce qui aiguisa un peu plus la rage et la barbarie nazie.
Ce samedi 10 juin 1944, il y a beaucoup d’affluence dans le village d’Oradour-sur-Glane : travailleurs des champs, nombreux réfugiés venus des quatre coins de la France pour échapper aux bombardements, visiteurs pour le week-end en quête de repos ou de ravitaillement. Les nouvelles du récent débarquement de Normandie sont excellentes. La cité est particulièrement animée quand, en début d’après-midi, un lourd convoi de camions allemands l’envahit, jetant l’effroi.
Quelques minutes après, le tambour de ville enjoint hommes, femmes et enfants de se rassembler rapidement au centre du bourg, munis de leurs papiers, pour un contrôle d’identité. Pour entraîner plus facilement les quelque deux cents écoliers du village, on leur promet friandises et séances photos. Toutes les maisons sont vidées de leurs occupants, valides ou non, et des camionnettes apportent des habitants des villages voisins.

Puis, l’horreur

La région est encerclée et les fuyards sont appréhendés et conduit au lieu de rassemblement. Notables, paysans, commerçants, vieillards, nourrissons : tous sont au centre du village. Un officier demande alors au maire, le docteur Desourteaux, de désigner 30 otages. Il refuse dignement et se désigne lui-même, ainsi que sa famille. À 15 heures, femmes et enfants en larmes sont conduit à l’église, alors que les hommes (plus de deux cent) sont d’abord disposés sur trois rangs face au mur, sous la surveillance des fusils et mitrailleuses S.S., puis répartis par groupes dans des granges. Là, on leur tire dans les jambes puis les brule. Même scénario sordide pour les femmes et enfants de l’église. Une seule rescapée, qui y a perdu ses quatre enfants, a pu témoigner de l’horreur qui s’est tenu dans le lieu saint, ce jour maudit du 10 juin 1944. Quelques autres miraculés ont pu témoigner.
D’autres nombreuses atrocités, dont l’énumération ne saurait qu’enliser la douleur des faits, s’en suivirent, les militaires allant débusquer dans les maisons les malheureux cachés ou les vieillards impotents. Les habitations furent pillées, les coffres forts soigneusement vidés, même les vases sacrés de l’église furent pris pour butin. La ville tout entière fut incendiée, ainsi que quelques hameaux voisins. Le plus gros du détachement parti, certains soldats restèrent pour détruire toutes preuves compromettantes de leur passage, rassembler les derniers biens et faire une orgie de champagne, jusqu’au lendemain. Le pillage d’une ville riche comme Oradour fut évidemment fructueux. Le lundi 12 juin, un convoi revint sur les lieux pour creuser deux gigantesques fosses communes, et plusieurs tombeaux creusés à la hâte, afin d’éliminer les dernières traces calcinées de leurs massacres.

Rapports consternants

Les rapports rédigés par le 19ème régiment S.S. de la police allemande au lendemain du massacre révèlent que la mission menée à Oradour visait à réduire le maquis, à effectuer des expéditions punitives contre les habitants et à renforcer la confiance des troupes rappelées pour consolider les fronts mis à mal par les forces de libération. Bien qu’aucune arme, aucune munition n’aient été trouvé dans le village par les troupes fascistes, ces dernières, endoctrinées, entraînées pour tuer, convaincues d’appartenir à une race supérieure, ont accompli l’impensable. Les rapports décrivent "une action passagère (...) qui a fait une impression visible sur la population" ou encore de "mesures de représailles qui ont provoqué un soulagement sensible et ont influencé le moral de la troupe favorablement".

Estéfany


Hommage

Deuxième génération de l’après-guerre, le massacre d’Oradour-sur-Glane est marqué au fer rouge dans mon cœur et ma mémoire. Ce que j’en ai appris, c’est moi qui l’ai cherché, car il est des douleurs trop profondes qui scellent les voix et emportent avec elles leurs secrets.
Ma grand-mère a échappé à la tuerie, par un coup heureux du destin, une crevaison qui lui a fait rebrousser chemin. Mon grand-père a succombé dans les maquis de Limoges qui ont résisté courageusement en attendant la libération. Chaque 10 juin, j’ai une pensée émue pour ces nombreuses victimes d’une guerre fanatique et de conquête qui a souillé par le sang et l’horreur les vertes contrées de mon enfance. L’on parle à grande voix de travail de mémoire, mais quels enseignements les dirigeants du monde ont-ils tiré de cette inhumanité ?
La quête du pouvoir est plus forte que celle du souvenir, la conquête de la terre et des hommes plus "facile" que d’apprendre le respect d’autrui. L’histoire se répète : il y a toujours des envahisseurs et des envahis, toujours des diseurs mais pas assez de faiseurs. Mon fils connaîtra le sort de ses ancêtres, ceux de France et ceux de La Réunion. Je lui dirai que la vengeance n’efface rien, mais que le souvenir grandit. Qu’il n’existe pas de races bonnes ou mauvaises, mais juste des êtres humains, de terres, d’apparences et de cultures différentes. Il saura que le sang de la résistance coule dans ses veines, celui de peuples opprimés qui ont mené le seul combat méritant, celui pour la vie.


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Messages

  • Bonjour, je m’appelle Claire et je suis en 3ème.

    J’ai eu la "chance" de visiter avec ma classe Oradour.

    Cette affreuse tuerie m’a éouvantée, m’a terrorisée !
    J’ai eu beaucoup de compassion à l’égart de toutes ces victimes innocentes...
    En outre, bien évidemment, j’ai eu du dégoût, de la haine envers ces SS ! Je ne trouve pas le mot pour qualifier ce qu’ils ont fait.

    C’est terrible. En visionnant le film qui passait au mémorial du village d’Oradour, j’ai été comme "traumatisée", choquée !

    J’espère, oh que oui ! J’espère, qu’un beau jour, le mot "guerre" s’effacera...

  • bonjour je mapelle Estrella,jabitte pa louin d’oradour et chaque foi que je passe deven jenten encor le cries de cette horreure meurtriere qui a fai eclater des dizaines et des centaines de coeurs inocent dans une peur profonde de perdre tous les cien ,seux qui les tien vivant...


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