Sécurité sociale

La réforme est engagée

Raffarin a installé le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie

15 octobre 2003

Le Premier ministre a installé lundi le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie lundi. Il a fortement pressé cette instance pour qu’un état des lieux soit fait avant la fin de l’année, pour que des propositions concrètes soient émises au premier semestre 2004, lesquelles seront applicables en 2005. Le tout sous couvert de concertation, alors qu’il a lui-même lancé six pistes de réflexion...

Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie aura des réunions plénières tous les quinze jours, la prochaine étant fixée au 30 octobre, alternées avec des sessions techniques, tous les quinze jours également. Le secrétariat du Haut Conseil précisera le 30 octobre les thèmes des travaux, en tenant compte des propositions de ses membres.
Le calendrier de la structure est serré. Ce qui laisse peu de temps à la consultation et à la réflexion. Sa composition laisse sceptique : neuf syndicalistes, six parlementaires (cinq de droite et un de gauche), six représentants des employeurs, cinq des professions de santé, cinq des hôpitaux et cliniques. On y relève la présence d’une dizaine de médecins à divers titres, et deux personnalités liées aux laboratoires pharmaceutiques : l’une sous la casquette du MEDEF et l’autre au titre du collège "usagers", comme présidente d’une association, et un seul représentant des mutuelles, pour reprendre l’analyse de "Libération".

Trois étapes

Le calendrier de réforme de l’assurance maladie sera donc fait en trois étapes, les « grandes lignes » de la réforme devant être « arrêtées avant l’été » 2004 (juin).
• La première étape devra être terminée « avant Noël » et porte sur « une élaboration partagée de diagnostic ».
• La seconde étape devra s’achever au premier trimestre 2004. À ce moment-là, « Sur le fondement de cet état des lieux, le ministre de la Santé, Jean-François Mattéi, engagera au début de l’année 2004 une période de concertation approfondie puis de négociation », a précisé le Premier ministre. Avec, au sommaire : « les relations de l’État et de l’assurance maladie », « l’amélioration de la gestion et la responsabilisation des acteurs, la maîtrise médicalisée et la politique conventionnelle », « les rôles de l’assurance des assurances de bases et des assurances complémentaires ».
• La troisième étape est celle de la « décision politique », cette décision devant être prise, « avant l’été » (juin). Explication du Premier ministre : « les grandes lignes de nos propositions seront arrêtées avant l’été pour pouvoir être transcrites dans les textes législatifs nécessaires ».

Six pistes

• Tout d’abord, le Premier ministre envisage une amélioration de la gestion par une « guerre aux gaspillages » et la mise en place d’un contrôle puissant pour lutter contre les abus.
• Ensuite, il appelle à une clarification des responsabilités entre l’État et les partenaires sociaux. « Sans étatiser ni privatiser, nous souhaitons que la gestion paritaire retrouve toute sa vigueur et son efficacité ». Il s’agit donc de « trancher la question de la gouvernance ».
• Il a par ailleurs annoncé une généralisation de la couverture complémentaire santé par le biais d’une aide spécifique comme s’y était engagé le candidat Chirac.
• Il envisage également une meilleure connaissance du système « par la mise en place d’indicateurs de qualité et de coût ainsi qu’une rationalisation de l’offre de soins sur le territoire ». Les informations de "pilotage" seront développées.
• Il voudrait une distinction entre « petit risque » et « gros risque » et d’une manière générale, mieux organiser l’offre de soins. Jean-Pierre Raffarin a mis l’accent sur la révision de la carte hospitalière et sur la répartition des médecins selon les régions.
• Tout comme il envisage de modifier -même s’il affirme ne faire que « poser la question »- sur le « juste équilibre » à trouver « entre ce qui doit relever du pacte républicain de la solidarité collective et de la responsabilité personnelle ».

Nommé à la tête du Haut Conseil
Le président Fragonard
Le président du Haut Conseil est Bertrand Fragonard, 63 ans, actuellement Président de chambre à la Cour des comptes, il est également président de l’Observatoire de la pauvreté et de l’exclusion sociale depuis novembre 2002.
Mais à La Réunion, il est aussi connu pour avoir sorti un rapport, « comportant des propositions législatives et réglementaires de nature à permettre une inversion de la courbe du chômage dans les départements d’outre-mer ». Il y était question de la pérennisation des exonérations de charges sociales, de la création d’une allocation de revenu d’activité (ARA), d’augmentation des contrats d’accès à l’emploi... Il proposait également que la réfaction d’impôts sur le revenu dont bénéficient les contribuables domiens ne soit plus automatique mais conditionnée par des dépenses génératrices d’emplois. Autre solution qu’il préconisait : ramener le coefficient de majoration des salaires des fonctionnaires à 1,35 à La Réunion, mais "compensée" par l’extension de l’allocation logement....
Calendrier du Haut Conseil
Pas de place à la discussion...
Une fois de plus, Jean-Pierre Raffarin travaille dans l’urgence. Certes, le "trou" de la Sécu ne cesse de s’approfondir. On parle maintenant de
plus de 20 milliards d’euros en 2003-2004, lié au "dérapage" des dépenses de santé. Il exige du Haut Conseil des délais extrêmement courts. À peine deux mois pour une consultation qu’il veut la plus large possible...
Est-ce à dire que le gouvernement va, une fois de plus, "agir" sans connaissance de cause, autrement dit, sans avoir eu l’avis de "sages" ou d’experts ? Est-ce à dire que, contrairement à ce qu’il avait annoncé, cette réforme va arriver plus rapidement que prévu ? Officiellement, ce "recul" était destiné à laisser toute sa place à la concertation. Mais officieusement, la raison est claire : tenter de franchir, sans encombre, un premier semestre 2004 riche en élections. En mettant bout à bout ces deux questions, une troisième se pose : tout ne serait-il pas d’ores et déjà "bouclé", décidé, chiffré ? Ce "Haut Conseil" ne serait alors qu’un gadget, donnant l’illusion de démocratie...
Certains précédents le laissent supposer... Des précédents auxquels le Premier ministre lui-même fait allusion. Les lignes suivantes sont tirées du dossier de presse présenté sur le site du Premier ministre : « L’expérience de la réforme du système des retraites devrait, comme l’a souligné Jean-Pierre Raffarin, inspirer "cette grande démarche de vérité, d’analyse, de dialogue, de changement qu’appelle aujourd’hui la situation de notre système de santé et d’assurance maladie" ». Cynisme ? Provocation ? Inconscience ? Stupidité ? À chacun de répondre....
Nouvelle atteinte aux droits
Exclus et sans papiers écartés des soins
L’information est donnée par "Libération" : Malgré le tollé de l’an dernier, le gouvernement veut réformer l’aide médicale d’État. « 150.000 personnes bénéficient de l’AME, qui représente moins de 1% des dépenses de santé. Un coût estimé par le gouvernement à 600 millions d’euros pour 2003 ». Et par les temps qui courent, difficile de résister de prendre de l’argent, comme toujours, sur les plus faibles, les plus pauvres, les plus fragiles. Cette fois, ce sont les exclus et les sans papiers qui vont faire les frais de cette politique inique du gouvernement. « Le gouvernement récidive. Il souhaite modifier l’aide médicale d’État (AME) dont bénéficient principalement les sans papiers, et risque de se heurter encore à de nombreuses oppositions », écrit "Libération". « Dans le projet de loi de finances pour 2004, le budget du ministère des Affaires sociales prévoit une réforme de l’AME ». Celle-ci « réintroduit le ticket modérateur pour les plus démunis et va limiter les remboursements ». Les réactions recueillies par le journal parisien sont cinglantes : « C’est une régression totale » pour le président de Médecins du monde. « Faire payer des gens qui ont aussi peu de sous, c’est une restriction dans l’accès aux soins. (...) Ce sont des mesures gadgets par rapport au budget, et qui pénalisent ceux qui n’ont pas d’argent, pas de mutuelle. (...) Une bronchite qui dégénère en pneumonie peut occasionner quinze jours d’hospitalisation. Cela coûte plus cher que huit jours d’antibiotiques gratuits ». Et "Libération" de rapporter les propos d’une association de soutien aux immigrés, pour qui le gouvernement « ajoute une mauvaise nouvelle : une couverture très au rabais » et « une protection médicale en peau de chagrin car le projet prévoit la limitation des remboursements aux soins... médicalement indispensables ».
Déclarations et sentiments
Une réforme qui n’ose pas dire son nom
« Notre pays se paye sa santé à crédit », a estimé Jean-Pierre Raffarin. « Ce n’est pas responsable vis-à-vis des générations futures ». Réfutant le mot "réforme", il préfère celui de « profonde adaptation ». Quelques jours auparavant, fin septembre, il évoquait « la modernisation » indispensable ce cette structure...
Et tout en évoquant la nécessité d’un « diagnostic partagé », il dresse néanmoins les grandes pistes de réflexion et « d’adaptation ». Ah bon. de quelle "adaptation" s’agit-il, quand, dans le même temps, le Premier ministre explique que le gouvernement doit « mettre en œuvre une action ciblée » et résoudre « la "crise financière" du système de santé, crise à la fois "conjoncturelle et structurelle" ». Si la crise est structurelle, c’est donc bel et bien une réforme. Et pas une adaptation. Mais ne serait-ce pas un effet de style qu’a employé Raffarin, histoire de ne pas mettre Chirac en porte à faux, puisque le président de la République avait clairement dit, le 14 juillet dernier, que « Il n’y aura pas de réforme de l’assurance maladie ». Lequel Chirac avait bel et bien utilisé le mot « adaptation ».

Si « La première menace, c’est le déficit », comme l’expliquait Jean-Pierre Raffarin, celui-ci pourrait bien s’accentuer, au vu du ralentissement de la croissance, ce qui alors « pose un problème de grand ampleur ».
Pour l’instant, Jean-Pierre Raffarin semble vouloir écarte toute augmentation des prélèvements obligatoires et notamment de la CSG et souhaite avant tout « remettre de l’ordre dans le système de santé ».


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