60 ans après le programme commun du C.N.R.

La résistance plus que jamais d’actualité

15 mars 2004

Le 15 mars 1944, en pleine guerre, les forces vives de la Résistance ont élaboré puis mis en œuvre un programme destiné à répondre aux défis spécifiques de cette époque, sur lequel s’est construit le développement de la France. Aujourd’hui, à La Réunion, devant les défis du million d’habitants, de la mondialisation et des changements climatiques, l’heure est à un rassemblement des Réunionnais autour d’un projet capable de donner les moyens du développement à notre pays, en s’inspirant de l’état d’esprit du CNR : résistance et lutte contre les inégalités.

C’est aujourd’hui que l’on commémore le 60ème anniversaire de la publication du programme du Conseil national de la Résistance. À cette époque, alors que toute une société ravagée par la guerre était à reconstruire, les forces vives de la République ont fait taire leurs divergences pour élaborer un programme qui répondait aux défis que devait relever un pays à l’époque. Un texte dans lequel sont notamment inscrits des droits tels que la sécurité sociale ou une retraite décente. Des droits aujourd’hui remis en cause par le gouvernement Raffarin.

"Quand on se replonge dans cette période", explique Henri Malberg à "L’Humanité", "on ne peut qu’être très impressionné par le courage, la passion, l’intelligence politique dont ont fait preuve cette équipe du Conseil national de la Résistance et ce peuple. Durant quatre mois, dans Paris occupé, des femmes et des hommes ont communiqué entre eux. Ils ont travaillé sur ce texte, l’ont fait circuler. Ils étaient communistes, socialistes, gaullistes, syndicalistes et, déjouant les traques et la répression, ils ont réussi cette formidable élaboration collective".

Les parties économique et sociale du programme du CNR, ainsi que le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, témoignent qu’au moment où se posait la question de la naissance d’une République nouvelle, ils ont eu pour fil conducteur l’idée forte que rien de grand ne peut se faire sans le peuple et encore moins contre lui. Ils mettent en avant le progrès social, l’amélioration du niveau de vie, des salaires, la mise sur pied d’un système de retraite et d’un système général de sécurité sociale.

Alors qu’à l’époque, un certain nombres de grands patrons se sont compromis dans la collaboration avec les fascistes, le souci de permettre au peuple d’avoir la maîtrise des grands leviers de l’économie et de la finance est affirmé. Cette nécessité sera à l’origine des nationalisations qui ont eu lieu après guerre. D’autres idées fortes apparaissent encore, telles que celles qui visent à garantir la liberté et l’indépendance de la presse ou à reconnaître le rôle de la classe ouvrière à travers les droits syndicaux, les droits des salariés dans la gestion des entreprises. Autant de questions dont on mesure aujourd’hui toute l’actualité.

Il est important également de saluer la démarche des membres du Conseil national de la Résistance : face aux défis à relever, surmonter les clivages politiques, mettre ses idées en commun et arriver à une plate-forme adaptée aux exigences de la situation. À la veille des élections régionales et cantonales, notre pays se trouve également à un moment décisif de son Histoire. Si maintenant les réponses adaptées aux défis du million d’habitants, de la mondialisation et des changements climatiques ne sont pas mises en œuvre, la situation ne pourra que s’aggraver. Sept formations politiques regroupées dans l’Alliance proposent des réponses qui sont également élaborées dans un contexte de résistance, celle contre les attaques qui menacent les acquis de décennies de lutte du peuple réunionnais. Des réponses qui traduisent les orientations de l’Agenda 21, programme de développement durable construit à La Réunion pour donner les moyens aux Réunionnais de relever leurs défis.


"L’esprit de la Résistance toujours d’actualité"

"L’Histoire avancerait-elle à reculons ? Si le programme du Conseil national de la Résistance (CNR), à la pointe du progrès économique et social, a pu s’appliquer à partir de 1944 dans un pays ravagé par la guerre, on ne voit pas pourquoi, dans une France et une Europe regorgeant de richesses, des changements de même ampleur ne seraient désormais qu’une aimable utopie incompatible avec les "contraintes" financières. En fait, tout dépend du rapport des forces politiques...". Extrait d’un article Serge Wolikoff, professeur d’Histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne et directeur de la Maison des sciences de l’Homme de Dijon, publié par "Le Monde diplomatique" de mars 2004.

Tout comme les systèmes de retraites et les dépenses de santé, l’organisation du travail ne pourrait donner lieu, nous dit-on, qu’à une seule "réforme" possible. Ce discours est actuellement dominant dans l’Europe occidentale du début du XXIème siècle, après plus de cinquante ans de paix et de croissance. Pourtant, dans La France dévastée de l’après-guerre, on a fait d’autres choix en appliquant le programme du CNR élaboré dans la clandestinité et adopté le 15 mars 1944. Le progrès vers plus de justice sociale ne vaudrait donc qu’en temps de pénurie, tandis que l’abondance de la production justifierait l’extension de l’inégalité à tous les domaines de la société !

L’histoire du CNR, réuni pour la première fois en mai 1943 au 48, rue du Four à Paris, à la barbe de l’occupant nazi, et son programme, adopté un peu moins d’un an plus tard, méritent davantage qu’un simple salut rhétorique. Dans la nuit de l’Occupation, pendant plusieurs mois, des résistants se réunirent au péril de leur vie, s’échangèrent des documents en vue de rédiger un programme destiné à définir la politique de La France au lendemain de sa libération, car ils avaient présents à l’esprit les événements ayant jalonné la politique de leur pays depuis une décennie.

Le CNR, qui rassemble les mouvements de résistance, les syndicats (CGT et CFTC), mais aussi les partis et tendances politiques (Parti radical, Parti socialiste, Parti communiste, Démocrates populaires, Alliance démocratique et Fédération républicaine) en lutte contre le régime de Vichy et l’occupant allemand, traduit la prise de conscience de la nécessaire unité du combat démocratique. Il s’appuie sur la mémoire des victimes, mais aussi des désillusions et de l’oubli des engagements qui ont accompagné les combats depuis une décennie. (...)
L’État français, qui prétendait, sous l’autorité du maréchal Pétain, établir une révolution nationale associée à la collaboration avec l’occupant, mit en œuvre une politique au service des grands intérêts économiques, reléguant à nouveau le monde du salariat dans un rôle subalterne. Le Front populaire fut, en tant que tel, rendu responsable de la défaite. Le procès de Riom au début de 1941, qui devait populariser cette thèse grâce à la mise en accusation des anciens ministres, tourna au fiasco et dut être interrompu. Il reste que les divisions des forces du Front populaire et la fin de la République marquèrent fortement les débuts de la Résistance. Le chemin qui, de 1940 à 1943, mène de sa diversité à son unification fut difficile et complexe. (...)

Ce programme commun, qui s’inscrivait dans une tradition politique française longtemps marquée par les échéances électorales, avait, dans le contexte de la Résistance, un caractère très novateur en associant l’action avec un projet essentiellement centré sur les questions économiques et sociales, décisives pour le monde du travail, mais aussi pour la reconstruction du pays. Le réalisme des propositions tenait également à leur ancrage dans les revendications et les expériences des luttes conduites depuis le Front populaire.

La collusion des milieux économiques dirigeants avec l’occupant, les souffrances des salariés de l’industrie et des travailleurs agricoles, leur participation à l’action résistante, donnaient sa légitimité à un programme mettant l’accent sur les droits sociaux et l’égalité des citoyens, sur la primauté de l’intérêt général dans la gestion des ressources nationales et dans la définition d’une République nouvelle.


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