Budget de l’outre-mer

Le budget est réellement en trompe-l’œil

Brigitte Girardin auditionnée par les Commissions de l’Assemblée nationale

18 octobre 2003

Mercredi dernier, 15 octobre 2003, Brigitte Girardin a été auditionnée par les membres d’une part de la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, et d’autre part, par ceux de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Elle présentait les crédits de son département pour 2004 et répondait aux interrogations des députés. Bilan : des questions sans réponse et une confirmation : le budget n’est pas si à la hausse que cela...

Avant de présenter son projet de budget, Brigitte Girardin a insisté sur deux points. « Tout d’abord, ce projet de budget résulte d’un équilibre entre deux nécessités, celle de maîtriser la dépense publique et celle d’assurer le financement des besoins spécifiques de l’outre-mer, dont les engagements figurent dans la loi de programme promulguée le 21 juillet 2003 ».

Faire des économies sur l’ANT et sur le passeport mobilité

En clair, comment faire des économies. Et d’annoncer les trois moyens choisis : « être réaliste dans les demandes et de ne pas afficher de fortes hausses de crédits ». Cette "réalité" dans les demandes concerne notamment... le fameux "passeport mobilité", pour lequel la dotation va être diminuée de 30% en 2004. Cette mesure était pourtant l’une des mesures phares du candidat Chirac, l’une des actions mises en avant par Brigitte Girardin... Quel réalisme !
Second moyen : « faire des économies de structures ». La ministre explique : « l’an dernier, dans la loi de finances pour 2003, une économie de 31 millions d’euros avait été réalisée grâce à la non reconduction de la créance de proratisation ». Sauf erreur, la créance de proratisation est de l’argent dû aux Réunionnais, provenant des 20% non attribués outre-mer aux allocataires du RMI. Et que cette créance de proratisation était budgétisée avant que l’on arrive à l’alignement du RMI outre-mer sur celui de France. au 1er janvier 2002. De quelle "économie" nous parle Brigitte Girardin ?
Ces économies concernent aussi l’ANT qui devra consentir en 2004 à un « effort » afin de faire « une économie structurelle de 7% ». Selon la ministre, il s’agit de « maîtriser ses coûts d’intervention pour une dépense publique plus efficace ». Simple rappel : C’est parce que le ministère avait diminué sa contribution à l’ANT que près de 600 jeunes Réunionnais avaient eu du mal à effectuer en France des stages que nécessitait leur parcours pédagogique. Les mêmes causes produisant généralement les mêmes effets...

35 millions d’économies sur le FEDOM

Troisième moyen : il réside « dans le financement des mesures nouvelles par redéploiement des crédits » du FEDOM, qui devra lui aussi réaliser « des économies structurelles » liées à la sortie des emplois jeunes du dispositif. « Malgré le maintien outre-mer en 2004 d’un dispositif dérogatoire, une économie de 35 millions d’euros sera redéployée au profit de mesures en faveur du secteur marchand. Cette orientation claire permettra de financer, à enveloppe constante, une politique tournée vers l’emploi dans l’entreprise et non vers l’emploi aidé ». Ce sont les emplois jeunes restés, contre toutes promesses, "au bord du chemin", qui vont être contents d’apprendre qu’on fait des économies sur leur dos. Ce sont les aides éducateurs qui vont le plus apprécier la situation, eux qui n’ont pas pu bénéficié des conséquences de la convention pluri-annuelle, vu que leur employeur, l’État, via le ministère de l’Éducation nationale, n’a pas signé le protocole...

Besoins, financements et fiscalité

La seconde nécessité évoquée par Brigitte Girardin est celle « d’assurer le financement des besoins spécifiques de l’outre-mer, qu’il s’agisse des besoins qui existent dans le domaine de l’emploi, du logement, du soutien aux collectivités locales, du passeport mobilité et des contrats de développement ou de certains dispositifs de la loi de programme et de la mesure nouvelle prise au titre de la couverture maladie universelle ». Super. Sauf que la ministre précise : « La loi de programme est financée principalement par le biais de "la dépense fiscale", qui est évaluée par le ministère de l’Économie à 171 millions d’euros en année pleine ». On ne peut dès lors que reprendre ce que disait Élie Hoarau, le 20 juillet dernier : « La loi programme est, finalement très modeste. Son coût est évalué à 240 millions d’euros contre 700 millions de dépenses pour la LOOM, hors alignement du RMI et votée sous le précédent gouvernement. On se demande même si le gouvernement ne fera pas une opération blanche ». Les déclarations de Brigitte Girardin ne confirmeraient-elles pas l’analyse d’Élie Hoarau ?...

Des gels de crédits qui n’auraient pas eu d’effets

Brigitte Girardin poursuit : « Les annulations de crédits qui sont intervenues cette année à hauteur de 44 millions d’euros n’ont nullement affecté les crédits votés, puisqu’elles ont été inférieures de 17 millions d’euros aux reports de crédits de 2002 sur 2003 ». Or, lors de l’annonce des deux annulations de crédits, "Témoignages" avait expliqué que ces annulations correspondaient à pratiquement la moitié des crédits supplémentaires votés pour 2003. Une déclaration faite à partir des analyses quasi unanimes d’économistes. « Plus de la moitié des crédits mis en réserve par les ministères à la demande de Bercy pour des raisons "de précaution et d’innovation" auront finalement été annulés », précisait alors "le Monde".
Enfin, sans entrer dans un débat technique d’experts, il semble cependant que les crédits votés au titre du ministère de l’Outre-mer pour 2003 tiennent compte des crédits de 2002 reportés sur l’année en cours. Seule une analyse plus fine permettrait de chiffrer.

Moins 9 points pour les CES et CEC

Drôle de phrase que celle de la ministre : « les crédits pour l’emploi concourent à faire diminuer le chômage et si celui-ci n’avait pas diminué outre-mer dans les proportions indiquées, 70 millions de dépenses supplémentaires auraient été supportés par l’UNEDIC et par l’État ». Cela ressemble fort à l’histoire du serpent qui se mord la queue. Ou celle de la poule et de l’œuf...
Rappelant que le FEDOM allait être réorienté « vers la création de vrais emplois dans le secteur marchand », elle donne un chiffre : « les emplois aidés absorbent 67% de ses ressources, contre 76% en 2003 ». La ministre se veut rassurante sur les CES et CEC : « Le nombre de contrats emploi solidarité (CES), de contrats emplois consolidés (CEC) et de contrats d’insertion par l’activité (CIA) réalisé en 2003 sera reconduit pour 2004 ». C’est le volume réalisé qui sera reconduit, et non le quota prévu. Or, on a vu que la reconduction du quota "consommé" équivalait à une diminution des solutions d’insertion. À force de reconduire les quotas consommés, parce qu’ils ne sont pas totalement consommés sur les 4 DOM, on arrive inéluctablement, à une réduction des quotas...
Pour cette réorientation, la ministre préconise à nouveau le dispositif CAE (contrat d’accès à l’emploi) et souligne que la ligne budgétaire qui va lui être affecté sera en augmentation de 20%.

Les préfets soumis à directives

Quant à la décentralisation, Brigitte Girardin ne semble pas être parfaitement au courant : « comme l’an dernier, le ministère adressera, conjointement avec celui des affaires sociales, une directive à chacun des préfets sur l’utilisation des crédits pour l’emploi ». Aucune marge de manœuvre laissée localement. Alors que dans le même temps, au titre de l’expérimentation, le gouvernement propose à la Martinique une globalisation des crédits, "régie" par un « contrat d’objectifs »...
Et petite cerise sur le gâteau, qui va faire bondir bien des associations : « Ce réalisme ne conduit pas à oublier la part non négligeable du travail informel dans les économies outre-mer. C’est pourquoi cet effort soutenu en faveur de l’emploi s’accompagne d’une action particulière et déterminée du gouvernement pour lutter contre l’immigration clandestine ». Le secteur de l’économie sociale et solidaire est, indirectement, atteint....
La ministre évoquait également les questions du logement, de la continuité territoriale, de l’octroi de mer, du sucre, de la décentralisation, de l’évolution institutionnelle aux Antilles, de la fiscalité outre-mer... sur lesquels nous reviendrons dans nos prochaines éditions.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année

La pès kabo

5 juillet, par Christian Fontaine

Kan i ariv Novanm-Désanm-Zanvié, domoun i réziste pi ek la salèr. Zène-zan i mars dann somin, zène-fi i roul an dékolté ; sétaki i rod in manir po (…)


+ Lus