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par le Dr Raymond Vergès

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Le député Laffineur déterminé

Surrémunérations

Remises en cause pour faire faire des économies à l’État ?

lundi 14 avril 2003

Baisse de la croissance, déficit de l’État : devant les difficultés qui s’accumulent, le gouvernement veut faire des économies. Dans un premier temps, certains crédits ministériels inscrits ont été annulés : c’est ainsi que 1,4 milliard d’euros en tout, dont 74 millions pour le ministère de l’Outre-mer, ont été "supprimés".
Une seconde étape est mise en œuvre. Elle vise à réduire le "train de vie de l’État". En effet, depuis le 24 mars, le Premier ministre reçoit un à un tous ses ministres pour discuter avec eux des moyens à mettre en œuvre afin d’atteindre cet objectif. Selon "Le Monde" daté de vendredi dernier, « toutes les pistes sont étudiées : recours au privé, meilleure gestion des personnels, regroupement de services ».
Le "Monde" signale les premières mesures arrêtées : fusion de directions à l’Agriculture, regroupement de fonctions à l’Intérieur, réduction du nombre des subdivisions territoriales des Directions départementales de l’équipement (DDE) pour l’Équipement, restructuration des DDASS et des DRASS aux affaires sociales. Il est aussi envisagé de « transférer des missions aux collectivités locales ». Ainsi, l’instruction des permis de construire, la délivrance des cartes d’identité, l’attribution des aides à la pierre seront confiées aux communes. L’État pourrait aussi vendre une partie de son patrimoine immobilier.

De nouvelles recettes pour la loi-programme

Les ministres sont particulièrement invités à améliorer la gestion du personnel dépendant de leur ministère. « Le ministre de l’Éducation nationale prévoit de faire des économies en améliorant notamment les procédures d’affectation des professeurs titulaires remplaçants, dont le taux moyen d’utilisation ne dépasse pas aujourd’hui 50% », écrit "Le Monde", qui cite d’autres exemples de procédures proposées par d’autres ministères.

Aussi, lorsque une mission parlementaire - conduite par le député UMP Marc Laffineur - décide d’aller étudier en Martinique et en Guadeloupe la question des surrémunérations, le journal "France-Antilles") interprète immédiatement cette démarche comme une tentative pour trouver de nouvelles recettes afin de financer la loi-programme pour l’outre-mer.
« Le plan de rigueur, que les techniciens de Bercy entendent imposer au pays, passe par des détours plus subtils que l’affrontement avec l’Élysée. Or, le financement global de la loi-programme devra bien s’organiser sur des recettes existantes. Dans ce cadre, la mission que dirige le député UMP aidera le parlement à mieux suggérer au gouvernement celles qui lui paraissent les mieux appropriées. Sans en être l’essence, les spécificités de la fonction publique Outre-mer en font partie », écrivait le quotidien antillais du groupe Hersant.

Plausible

Cette interprétation est d’autant plus plausible que Brigitte Girardin a implicitement souligné les difficultés qu’elle a rencontrées dans la concrétisation de son texte : « Je tiens à dire que dans le contexte actuel, passer une loi-programme de 270 millions d’euros par an est une performance. En métropole, ils sont beaucoup à penser que l’on en fait trop », déclarait-elle récemment au "Quotidien".
Or, se confiant à "France-Antilles" (article paru le 11 avril), Jean-Marc Laffineur fait clairement comprendre que sa volonté est bien de s’attaquer de ce qu’il qualifie de « privilèges » des agents de la fonction publique outre-mer. « La surrémunération des fonctionnaires représente plus d’un milliard d’euros dans les caisses de l’État, et cela interfère dans les finances des collectivités territoriales et locales, plaçant souvent ces dernières sous tutelles de l’État » a-t-il indiqué.
« Une argumentation qui confirme que sa mission d’information sur les spécificités de la fonction publique outre-mer qu’il effectuera la semaine prochaine (cette semaine - NDLR), ne sera pas sans conséquence majeure sur la quiétude des agents », commente pour sa part "France-Antilles".

Surrémunérations…

En 1999, commentant et donnant son opinion sur le projet de loi d’orientation pour l’outre-mer - celui qui avait été présenté et défendu par le précédent gouvernement -, la Commission diocésaine "Justice et Paix", présidée par Mgr Gilbert Aubry, faisait remarquer que, à La Réunion, « 37% de fonctionnaires et assimilés touchent - en plus de leurs salaires - près de trois milliards de francs par an de surrémunération alors que 60.000 Érémistes se partagent un milliard et deux cents millions pour tout revenu. (Le RMI est inférieur de 20% au RMI national) » [1].
La Commission notait ensuite : « alors que le PDR III apportera à La Réunion la somme de 9 milliards et 972 millions sur sept ans (de 2000 à 2006) et le Contrat de Plan, 6 milliards et 48 millions, la seule surrémunération coûtera à l’État 21 milliards sur la même période. Comment envisager un réel développement économique de l’île quand le budget annuel de la Région s’élève à 2 milliards et 500 millions alors que "les transferts publics largement convertis via les agents économiques en transferts privés (...) repartent en Métropole ou vont à l’étranger" ("Principes et Orientations du Projet de Loi", page 7, paragraphe 5) ». En effet, l’enjeu est important.

…et retraites

Les "spécificités" de la fonction publique outre-mer ne concernent pas seulement le système des traitements. Elles marquent aussi le régime des retraites. Dans les DOM, la période de cotisation est plus courte qu’en France : les cotisations versées par les agents pour 3 ans d’activité comptent pour 4. Si en France il faut cotiser pendant 37 ans et demi pour bénéficier d’une pension à taux plein, outre-mer cette période est ramenée à un peu moins de 29 ans. Enfin, les pensions de retraite sont majorées à La Réunion, seul DOM où cette mesure existe.
Aussi la Commission "Justice et Paix" émettait-elle, dans son avis, la proposition suivante : « ne verser la majoration des retraites, si elle devait être maintenue, qu’aux agents ayant exercé 10 ans au moins outre-mer : il n’est pas acceptable que l’on incite les agents de la fonction publique à venir prendre une retraite indexée dans l’île ».

Remise en cause générale ?

À travers la réforme gouvernementale du système des retraites et le transfert aux collectivités locales de certaines catégories de personnels, les agents de l’État à La Réunion - principalement les enseignants - ont la très nette impression que ces nouvelles dispositions peuvent ouvrir la voie à une remise en cause générale de leur situation.
Le fait que le gouvernement ait décidé d’explorer toutes les pistes possibles pour faire des économies sur le "train de vie" de l’État vient conforter cette possibilité. La recherche d’économies sur la fonction publique outre-mer est une solution que Paris pourrait ne pas vouloir écarter.
Dans cette perspective, la mission de Marc Laffineur aux Antilles prend effectivement tout son sens : étudier la question des "spécificités" outre-mer et suggérer au gouvernement des recettes supplémentaires.
Sans doute le mouvement de protestation des enseignants à La Réunion dont l’ampleur et la détermination ont pris la tournure que l’on sait, intègre-t-il cet aspect dans ses motivations.


[1La loi d’orientation pour l’outre-mer (LOOM) a établi l’égalité du RMI au 1er janvier 2002.


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