Guadeloupe, Martinique

Le gouvernement informe le Parlement

Création de collectivités territoriales uniques

8 novembre 2003

Hier, le gouvernement a fait une déclaration au Sénat puis à l’Assemblée nationale sur la consultation des électeurs de Guadeloupe, de Martinique, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
En application de décrets publiés au Journal officiel du 30 octobre dernier, quatre référendums locaux vont être organisés le 7 décembre prochain : d’une part, en Guadeloupe, comme en Martinique, en vue d’y créer des collectivités territoriales uniques appelées à se substituer aux départements et aux régions actuels, tout en demeurant régies par l’article 73 de la Constitution ; d’autre part, dans les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, aujourd’hui rattachées à la Guadeloupe, dans la perspective de la création, dans chacune de ces îles, d’une nouvelle collectivité d’outre-mer autonome à statut spécifique régie par l’article 74 de la Constitution.
Dans son intervention au Sénat, Mme Girardin, ministre de l’Outre-mer, rappelait les dernières évolutions institutionnelles aux Antilles. Selon elle, la nouvelle Constitution inscrite dans la loi du 28 mars 2003 « a profondément rénové le cadre constitutionnel de l’outre-mer ». Elle consacre l’appartenance de celle-ci à la République. « L’époque où l’article 74 semblait servir d’antichambre à l’indépendance est révolue -d’ailleurs la puissance du mouvement séparatiste n’est pas proportionnelle à l’autonomie des collectivités », a indiqué Mme Girardin.
Pour la ministre, « ainsi sécurisé, le débat peut se développer, sous réserve de l’accord des intéressés. Les pouvoirs publics ne peuvent aller à l’encontre des électeurs dont le consentement doit s’exprimer dans un scrutin clair et sincère ». Les consultations qui seront organisées le 7 décembre prochain « résultent d’une large concertation », a dit Mme Girardin, qui refuse le grief fait au gouvernement d’aller à l’aventure. « Le Gouvernement n’est pas porteur d’un quelconque projet : les réformes ont été mûries localement ; le Gouvernement a vérifié leur conformité à la Constitution mais ne prône ni le oui ni le non », a-t-elle précisé...

En Martinique, il est proposé de constituer une nouvelle collectivité territoriale, soumise à l’identité législative et au statut des collectivités ultrapériphériques de l’Europe. La nouvelle collectivité, qui reprend la compétence du Département et de la Région, sera administrée par une assemblée de 75 membres, qui élira l’organe exécutif et sera assistée de trois Conseils consultatifs.
La Guadeloupe deviendra une collectivité territoriale nouvelle, soumise à l’identité législative et au statut de Région ultrapériphérique. Reprenant les compétences de la Région et du Département, elle possédera une assemblée de 70 membres élus à la représentation proportionnelle et qui élira en son sein l’organe exécutif. Les deux Conseils consultatifs seront maintenus. Saint-Martin devient une collectivité d’outre-mer de la République où les lois et règlements s’appliqueront de plein droit dans les compétences régaliennes de l’État. La collectivité pourra prendre des mesures en matière fiscale. Administrée par une assemblée délibérante élue pour cinq ans, elle aura un exécutif collégial et deux conseils consultatifs.
Saint-Barthélemy, pour tenir compte de sa situation et de son histoire particulière -dont le traité franco-suédois du 10 août 1877- constituera une collectivité d’outre-mer de la République.
« Ainsi éclairés, les électeurs se prononceront le 7 décembre prochain. Un non interdirait l’évolution proposée : le Gouvernement ne proposera au Parlement aucun texte qui aille à l’encontre de leur décision. Un refus interdirait aux habitants de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy de se prévaloir des tolérances fiscales et des coutumes.
Si le oui l’emporte, le Gouvernement aura l’obligation morale et politique mais non juridique de présenter des projets qu’il appartiendra au Parlement d’adopter et qui se conformeront à la Constitution. Une assemblée territoriale sera assistée de Conseils consultatifs, le référendum local sera instauré. Le Gouvernement veillera tout particulièrement à la transparence, les compétences de ces collectivités n’ayant pas d’équivalent en métropole »
, a souligné Mme Girardin.
Dans le débat, Mme Michaux-Chevry sénatrice UMP et présidente du Conseil régional de la Guadeloupe, a souhaité que la consultation ne devienne pas une affaire politique : « Nous avons su mettre de côté nos légitimes engagements idéologiques. Nous avons toujours été pénalisés par l’arrivée de gens pleins de bonne volonté qui, par un paternalisme devenu intolérable, viennent nous donner des leçons sans même savoir ce qu’est l’octroi de mer », a-t-elle expliqué. « Exprimons-nous en Français majeurs : nous avons démontré notre capacité à le faire en créant le statut de Régions ultrapériphériques », a-t-elle demandé. « C’est sans inquiétude que pour la première fois la Guadeloupe et la Martinique diront ce qu’elles souhaitent pour la Guadeloupe et la Martinique, et non l’Alsace et la Lorraine », a-t-elle conclu.

Claude Lise, sénateur apparenté PS de la Martinique et président du Conseil général, a noté le caractère historique de la consultation : « que de chemin parcouru depuis que je proposais que les élus locaux, réunis en congrès, préparent de tels projets. Que n’a-t-on dit - ici même ? N’est-on pas allé jusqu’à saisir, en vain, le Conseil constitutionnel ? C’est le Gouvernement Jospin, Madame, qui a décidé de nous donner la parole et il est à votre honneur d’avoir respecté le processus déjà engagé, et proposé la réforme constitutionnelle ».
Il a tenu à dénoncer ceux qui « annoncent la catastrophe ». « On veut affoler les populations. La réforme mettrait en cause les droits sociaux et les acquis de la loi de 1946 de départementalisation. On fait renaître le spectre du largage, alors que le nouvel article 73 offre toutes les garanties : on ne peut passer sans consultation obligatoire des populations au régime de l’article 74, lequel ne prépare nullement à l’autonomie. L’assemblée unique devient un épouvantail et le statut de Région ultrapériphérique serait menacé, contre toute évidence. Quant au péril démocratique - la concentration des pouvoirs -, il est corrigé par des contre-pouvoirs internes et externes : un exécutif responsable, des Conseils consultatifs, notamment un Conseil des communes doté d’un droit d’initiative, et je ne parle pas des communautés de communes et d’agglomérations dont les compétences et les budgets ne cessent de croître ».
C’est dans l’après-midi que l’Assemblée Nationale devait prendre connaissance de la déclaration du gouvernement et en débattre.


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