Livret A : la France saisit la justice européenne

25 juillet 2007

Comme l’avait annoncé Matignon le 19 juin, la France devait déposer le 23 juillet un recours devant la Cour de justice européenne de Luxembourg pour contester la demande de la Commission européenne d’étendre à toutes les banques la distribution des livrets A et Bleu, alors qu’elle étudie parallèlement la réforme du système. Bruxelles avait en effet demandé le 10 mai que soit mis fin à l’exclusivité de distribution dont bénéficient la Banque postale et le groupe Caisse d’épargne pour le livret A, et le Crédit mutuel pour le livret Bleu.

Bercy a précisé que le recours serait fondé sur trois points principaux, lesquels répondent à ceux exposés par Bruxelles. Le premier concerne la définition du "marché pertinent", c’est-à-dire le marché de référence utilisé pour juger du poids des livrets A et Bleu. Tandis que Bruxelles considère le marché de l’épargne liquide comme référent, la France souhaite utiliser le marché des services bancaires en général, ce qui dilue sensiblement le poids relatif de ces livrets d’épargne.
Le deuxième argument porte sur les "droits spéciaux" de distribution, c’est-à-dire l’exclusivité accordée à la Banque postale et au groupe Caisse d’épargne pour le livret A, et au Crédit mutuel pour le livret Bleu.

La France fait valoir que ces droits spéciaux « ne constituent pas une entrave à la liberté d’établissement », soit à la libre concurrence. Dans le communiqué faisant état de la demande adressée à la France, la Commission européenne avait pourtant qualifié ces droits spéciaux d’« anomalies préjudiciables au développement de conditions de concurrence équitables ».
En 2006, le livret A a rapporté à la Banque postale environ 600 millions d’euros de commissions, plus de 13% de son chiffre d’affaires (ou produit net bancaire) et 643 millions d’euros au groupe Caisse d’épargne, 5,7% de son chiffre d’affaires.

Le troisième point concerne « des désaccords techniques sur l’évaluation du coût des services d’intérêt économique général (SIEG) pour les finances publiques ». Bruxelles estime ainsi que l’ouverture de la distribution de ces livrets pourraient se faire « sans surcoût pour les finances publiques ».
Le groupe Caisse d’épargne a fait part, le 23 juillet, de son intention de déposer son propre recours, « sans doute avant la fin de la semaine », lequel s’appuiera, peu ou prou, sur « les mêmes arguments que l’Etat ». La Banque postale appartient à La Poste, groupe public, tandis que le groupe Crédit mutuel a déjà indiqué qu’il ne déposerait pas de recours.

Le recours de l’Etat intervient alors que le Gouverneur honoraire de la Banque de France, Michel Camdessus, a déjà entamé ses consultations sur la réforme de la distribution des livrets A et Bleu, à la demande de Bercy. Il devrait remettre ses conclusions à la mi-décembre, deux mois environ avant la date limite fixée par Bruxelles pour l’ouverture de la distribution des livrets A et Bleu. ?En cas de rejet du recours, la France disposerait ainsi d’éléments pour l’aider à mettre en œuvre la réforme. Des incertitudes demeurent notamment, soulignées par les critiques, concernant l’influence de l’ouverture aux autres banques sur le niveau de la collecte du Livret A, qui contribue à financer le logement social en France par le biais de la Caisse des dépôts (CDC).

On peut s’interroger... D’un côté le gouvernement dépose un recours, et de l’autre prépare -semble-t-il - un « aménagement » pour satisfaire l’appétit des banques de ce magot que représente pour eux le Livret A.


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