École et laïcité

Luc Ferry contre le foulard islamique ?

Vers une révision de la loi d’orientation de 1989

25 avril 2003

Luc Ferry, ministre de l’Éducation nationale prépare une révision de la loi d’orientation de 1989 « pour réinscrire la laïcité dans la loi ».

Le ministre de l’Éducation nationale, Luc Ferry, a annoncé mardi qu’il préparait une révision de la loi d’orientation de 1989 « pour réinscrire la laïcité dans la loi » afin de régler les problèmes liés aux insignes religieux à l’école, et notamment le foulard islamique. « L’idéal serait qu’il n’y ait aucun signe religieux à l’école », a observé Luc Ferry sur une radio française. Mais « la loi française permet des insignes mineurs quand il n’y a pas de prosélytisme, d’affichage arrogant », a-t-il rappelé en citant le Conseil d’État.
Cet arrêt « permet aux chefs d’établissement d’interdire tout port de signe religieux à l’école quand il y a trouble à l’ordre public ou conflits », a souligné le ministre de l’Éducation. « Ce sont des représentants de l’État, du ministre (qui) ont à assumer aussi cette responsabilité ».
« Face à cette montée des communautarismes, il faut réaffirmer très fermement les principes de la République et de la laïcité : cela suppose un nouveau texte de loi »
, a déclaré Luc Ferry qui « proposera au Parlement l’année prochaine, avec un premier jalon au mois de juin, une révision de la loi d’orientation de 89 ». Et de marteler que « ce sera une très bonne occasion de reprendre ce débat et de réinscrire la laïcité dans la loi ».
Interrogé sur la décentralisation dans l’Éducation nationale, Luc Ferry a rappelé que « les conseillers d’orientation psy resteront et que les consultations pour les élèves resteront gratuites ». La décentralisation permettra « de mobiliser de nouveaux acteurs pour mieux faire marcher le service public » et ne cherche pas « à casser les équipes éducatives », a-t-il assuré.

Quelle laïcité ?
On ne peut pas croire à une simple "coïncidence" de calendrier. En effet, des "incidents" ont opposé samedi dernier Nicolas Sarkozy et des membres de l’UOIF. Le ministre de l’intérieur participait au rassemblement annuel de cette organisation et y a prononcé un discours dans lequel il y fait une grossière allusion au foulard islamique. Il avait été hué. Et le leader du Front National avait cru bon d’y ajouter son grain de sel. S’expliquant là-dessus dans "le Parisien", le ministre de l’Intérieur rétorquait que « C’est ma réponse au 21 avril » et poursuivait : « J’ai rencontré tous les courants de l’islam. Je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas été rencontrer l’UOIF. Bien au contraire, c’est avec eux qu’il faut travailler en priorité. (...). Il faut aller là où il y a des problèmes graves, là où il y a des urgences. Mais bien sûr avec un discours franc, ouvert et ferme », concluait-il. Ce même Nicolas Sarkozy avait reçu, le mardi 8 octobre, le docteur Abdallah Atturki, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, à la demande de ce dernier et expliquait, dans un communiqué : « Le principe de la laïcité repose sur deux piliers : la République garantit le libre exercice du culte et la République ne privilégie aucun culte ».

"Aucun culte privilégié" ?

Ces propos du ministre de l’intérieur, quelques mois plus tard, ne semblent pas avoir été entendus par le ministre de l’Éducation nationale, Luc Ferry. Sinon, pourquoi y aurait-il des « insignes mineurs » sous-entendu que certains autres insignes pourraient être "majeurs" ? Le Conseil d’État, le 27 novembre 1989, émettait un avis sur la compatibilité du port de signes d’appartenance religieuse avec les principes de laïcité et de neutralité de l’enseignement public. Il expliquait que « il résulte des textes constitutionnels et législatifs et des engagements internationaux de la France que le principe de la laïcité de l’enseignement public (...) impose que l’enseignement soit dispensé dans le respect d’une part de cette neutralité par les programmes et par les enseignants, et d’autre part de la liberté de conscience des élèves (...). La liberté ainsi reconnue aux élèves comporte pour eux le droit d’exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l’intérieur des établissements scolaires, dans le respect du pluralisme et de la liberté d’autrui, et sans qu’il soit porté atteinte aux activités d’enseignement, au contenu des programmes et à l’obligation d’assiduité ».

Il poursuivait : « mais cette liberté (d’expression) ne saurait permettre aux élèves d’arborer des signes d’appartenance religieuse qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l’élève ou d’autres membres de la communauté éducative (...) ».
La question reste donc de savoir ce qui a un « caractère ostentatoire ou revendicatif ». À en croire le ministre de l’Éducation nationale, une croix serait donc un « insigne mineur », donc n’ayant pas un caractère ostentatoire et revendicatif, et un foulard un « insigne majeur » qui aurait ces deux caractères. Cette déclaration du ministre de l’Éducation nationale, juste après cette trêve pascale, n’aurait-elle pas, à son tour, un « caractère ostentatoire ou revendicatif » ?.


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