France

Menaces sur les 35 heures

Des inquiétudes pour une conquête sociale

7 octobre 2003

Les conservateurs et le gouvernement lancent une nouvelle offensive contre la RTT (Réduction du Temps de Travail) accusée de dévaloriser la ’valeur travail’ et de plonger la France dans les déficits.

Les 35 heures seraient la cause de tous les maux de la France. La thèse n’est pas nouvelle. Elle est défendue par les dirigeants du MEDEF. Les conservateurs et le gouvernement, après avoir "assoupli" la loi dès leur arrivée au pouvoir, se lancent aujourd’hui dans une véritable campagne visant à la suppression pure et simple des 35 heures sous le fallacieux prétexte de la « réhabilitation du travail ». Hervé Novelli, en a profité pour demander -avec la bénédiction de Jean-Pierre Raffarin- la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les 35 heures et leurs « conséquences délétères sur la société, à travers la dévalorisation de la valeur travail ».
Les 35 heures avaient déjà été accusées d’être les responsables de l’hécatombe liée à la canicule, elles sont aujourd’hui la cause principale de la mauvaise santé économique de l’hexagone. Le ministre délégué au Budget, Alain Lambert, a ouvert le procès de la RTT, en estimant que sans les 35 heures, qui auraient, selon lui, un coût « de 100 milliards de francs (environ 15 milliards d’euros) par an », la France « serait probablement en dessous des 3% de PIB » de déficit public. Le ministre de l’Économie et des Finances, Francis Mer, lui a emboîté le pas, en faisant d’un « assouplissement supplémentaire » des 35 heures la nouvelle priorité du gouvernement.

Retour en arrière

Une analyse fortement remise en cause par de nombreux économistes comme Michel Aglietta, professeur d’économie à l’université de Paris-X, qui déclarait que « les travaux sur le sujet ont plutôt montré des effets contraires, en disant que les 35 heures, si elles avaient un impact modéré sur la croissance, permettaient d’augmenter l’emploi et la productivité ». François Fillon, le ministre de l’Emploi, s’est appliqué à préciser la méthode : pas d’abrogation pure et simple des 35 heures, mais une « négociation » les vidant encore un peu plus de tout contenu social et rendant définitivement caduque le cadre national de l’accord. François Fillon a même précisé le fond de la future contre-réforme : « le gouvernement souhaite qu’il n’y ait plus une seule organisation du travail pour tout le monde ». La fonction publique est particulièrement visée.

Résistances à l’offensive

Face à ce déferlement anti-RTT, la gauche dans son ensemble est montée au créneau. Le PS a réagi en déposant une autre proposition de commission d’enquête pour « dresser un bilan exhaustif de la mise en ouvre des 35 heures », en soulignant qu’elles ont apporté un « progrès social majeur, qui a permis la création ou la sauvegarde d’un minimum de 350.000 emplois en quatre ans ». Estimant que « le gouvernement suit le diktat du MEDEF en s’acharnant sur toutes les lois sociales », le PCF a dénoncé le « mauvais procès » instruit contre les 35 heures.
Côté syndical, les points de vue convergent. CFTC, CFDT, FO, CGT dénoncent la remise en cause des 35 heures. « On sent bien que derrière, il y a la volonté d’allonger la durée du travail par la voie contractuelle », a estimé Frédérique Dupont, secrétaire confédérale de la CGT, avertissant que sa centrale « ne laisserait pas les salariés se faire retirer cet acquis, car c’est l’emploi qui est en jeu ».

Le RMA, objet de toutes les critiques en France
Lors d’un colloque organisé par Emmaüs, des chercheurs et professionnels de l’insertion ont critiqué le projet de RMI-RMA. Une pluie de critiques s’est abattue sur le projet du gouvernement de décentralisation du RMI et de création du Revenu minimum d’activité (RMA), lors d’un colloque organisé mercredi dernier à Paris par Emmaüs France, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), "Alternatives économiques" et la "Lettre de l’insertion par l’activité économique". Une rencontre qui a réuni 250 professionnels de l’insertion, militants associatifs, érémistes, chercheurs, en présence des rapporteurs du projet au Sénat et à l’Assemblée, respectivement Bernard Seillier et Christine Boutin.
Adopté fin mai en première lecture par le Sénat, le projet de loi doit être discuté à l’Assemblée nationale à partir du 18 novembre, pour application au 1er janvier prochain. Le premier volet du texte prévoit de confier aux Conseils généraux la gestion du dispositif RMI. Le second volet crée un nouveau contrat de travail subventionné par l’État, le contrat d’insertion- revenu minimum d’activité (CI-RMA). Destiné au secteur privé, ce contrat de 20 heures par semaine pour 18 mois maximum serait rémunéré au SMIC horaire. L’employeur toucherait une aide équivalente au RMI du salarié et serait exonéré de cotisations sociales.
Résumant les inquiétudes que suscite le projet, Carole Yerochewski, d’"Alternatives économiques", a rappelé que « pour le financement, le gouvernement prévoit d’accorder aux Départements une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, mais cela risque d’être insuffisant. Il ne tient pas compte de l’augmentation du nombre de érémistes qui va découler des réformes actuelles de l’UNEDIC et de l’ASS. De plus, il y a un fort risque d’inégalités puisque aucune péréquation entre départements n’est prévue. Par ailleurs, un contrat de 20 heures par semaine ne sortira pas les érémistes de la précarité ».

De leur côté, les chercheurs avaient pris le temps de lire et de critiquer le projet. Bernard Simonin, chercheur au CNRS, a déploré qu’on confie aux employeurs la responsabilité du parcours d’insertion du érémiste, sans exigence sur le contenu de travail, la formation, la validation des acquis. « Ce projet s’inscrit dans la rhétorique du gouvernement sur la revalorisation du travail, mais quel travail ? », a interrogé Carole Tuchzsirer, économiste à l’IRES, « est-ce qu’on sort du RMI par le haut, vers un emploi dans la norme légale, à temps plein en CDI, ou par le bas, vers un emploi dérogatoire en CDD, à temps partiel, qui risque de faire basculer dans le chômage longue durée et dans l’exclusion ? » La chercheuse rappelle que « moins un chômeur a de revenus, plus il est contraint d’accepter des emplois dégradés ». Sur la décentralisation, Marie-Thérèse Join-Lambert, de l’IGAS, a pointé le risque qu’« en cas d’étranglement financier, les Départements deviennent réticents à verser l’allocation, notamment aux étrangers, et que se développent des pratiques de déni de droits. L’État doit organiser le contrôle de la légalité et la possibilité de recours ». « Il y a un risque d’inégalité de traitement des érémistes et de clientélisme dans les départements », a renchéri une représentante de la FNARS-PACA.

Quant au RMA, c’est la logique américaine du workfare (allocation contre retour obligatoire au travail - NDLR). Le RMA nie le droit à un emploi convenable, il va permettre l’utilisation du sous-prolétariat par les entreprises. Le sénateur Bernard Seillier s’est voulu rassurant : « le RMA est un instrument de plus pour l’insertion, pas un système du type "Je te donne une allocation si tu travailles comme je veux", qui serait contraire à la Constitution ». Prenant lui aussi ses distances avec un texte rédigé dans la précipitation, il prévoit de fortes complications pour son application en janvier, surtout sur l’aspect financier.


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