Assurance maladie

Nouveau sujet de préoccupation

Une réforme en préparation

24 avril 2003

L’État français est en situation déficitaire : il dépense plus qu’il n’a de recettes. Mais le déficit des comptes de la nation ne concerne pas uniquement le seul budget de l’État, celui qui permet au gouvernement de mener sa politique. Il implique aussi ce que l’on dénomme les "comptes sociaux", c’est-à-dire le budget de la sécurité sociale et ses différentes caisses.
Or, l’assurance maladie va mal. Une estimation fixe à 16 milliards d’euros son déficit pour la fin de cette année. Cette prévision bouleverse les plans du gouvernement qui, lui, tablait sur un déficit de l’ordre de 3 milliards d’euros. Il va donc être mis dans l’obligation de prendre des mesures pour faire face.
Sans atteindre l’ampleur prévue pour la fin de cette année, cette situation difficile ne date pas d’aujourd’hui. Le 5 juin dernier, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) signait avec les médecins généralistes libéraux un accord qui, tout en revalorisant les tarifs pratiqués par ces derniers, les incitait à davantage prescrire en génériques. La disposition - acceptée par l’opinion publique - a permis à l’assurance maladie de faire des économies de 133 millions d’euros en 2002.

Déjà des mesures

Mais cela n’a pas empêché la situation d’empirer au point que dans les mises en garde que Bruxelles fait régulièrement à la France sur son déficit budgétaire, son attention est attirée sur le mauvais état des comptes sociaux. Le Premier ministre a donc annoncé, le 3 avril dernier, qu’il mènera une réforme avant la fin de cette année.
En attendant, le gouvernement a déjà pris des mesures.
Certaines visent le corps médical. Les négociations entamées avec la CNAM par les médecins spécialistes - qui réclamaient une augmentation de leurs tarifs - ont été rompues. La Caisse nationale d’assurance maladie a proposé de s’en tenir à un accord transitoire et de reprendre les discussions en 2004 sur la convention liant l’ensemble des médecins (généralistes et spécialistes) aux Caisses. La solution a été critiquée par les intéressés. D’autres mesures concernent plus directement les malades.

En misouk

À la fin de la semaine dernière, dans la discrétion la plus totale, le gouvernement faisait paraître au "Journal Officiel" un arrêté réduisant de 65% à 35% le taux de remboursement par l’assurance maladie de 616 médicaments (sur 4.500). Cette mesure a ouvert une polémique notamment avec les grandes sociétés mutualistes françaises. « Pour tenter de boucher le trou de l’assurance maladie, on impose des charges supplémentaires aux mutuelles ; ce qui aura pour conséquence d’accroître les cotisations des adhérents mutualistes », s’est s’insurgeait, lundi, Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française. Ce dernier ajoute que les Français seront, « une fois de plus, les grands perdants de ces mesures ». Mais l’essentiel de la réforme est à venir.
Au sein de la majorité, plusieurs élus souhaitent que le gouvernement entreprenne une réforme radicale. « On ne peut pas laisser les choses en l’état », affirme François Goulard (UMP, Morbihan), rapporteur de la Commission des finances de l’Assemblée nationale tandis que ses collègues de la majorité soulignent tous « l’urgence d’opérer une réforme ».

Fin du "tout gratuit" ?

La majorité se donne comme premier objectif de freiner les dépenses médicales, en remettant en cause « le tout gratuit » en matière de remboursement des soins. Il s’agit, dit-elle de « responsabiliser les usagers » : « ceux qui le peuvent paieront une partie de leurs dépenses », explique Jean-Marc Laffineur, le député UMP envoyé en mission d’information aux Antilles sur les traitements de la Fonction publique outre-mer.
Avant même que le gouvernement n’ait discuté du contenu de sa réforme, on connaît ce qu’en sera son principe : une plus forte participation des malades à leurs frais médicaux. Le recours aux assurances complémentaires est proposé dans un rapport officiel remis le 8 avril dernier au ministre de la Santé. « Cela permettra de confier aux organismes complémentaires les soins les moins importants et à l’assurance maladie de se concentrer sur les soins les plus lourds », explique Jacques Barrot, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, qui appelle les Français à faire des efforts. Dans un entretien au journal parisien "le Figaro" du 7 avril 2003, le ministre de la Santé n’écartait pas la possibilité de sortir de la couverture maladie les dépenses liées au vieillissement de la population, ou au coût du progrès médical.
Il va sans dire que les Réunionnais auront à connaître les effets de la politique qui sera mise en place. À la différence de la réforme de la retraite - qui entrera en vigueur à partir de 2008 mais qui est déjà une source de préoccupation -, les nouveaux dispositifs concernant l’assurance maladie sont, pour certains, déjà en application, et devront tous entrer en vigueur à partir de l’année prochaine.

Premières victimes

Or, il est à craindre que les bénéficiaires de la CMU soient les premières victimes de la réforme. D’abord, parce qu’en plus mauvaise santé que les autres, ils dépensent plus que la moyenne pour se soigner, selon une étude du ministère des Affaires sociales portant sur l’année 2000 [1]. Enfin, à La Réunion, 20.000 personnes sont exclues de la CMU complémentaire. Lors de son séjour à La Réunion, le Premier ministre s’était engagé à trouver une solution à ce problème. La situation de l’assurance maladie, qui devrait supporter le coût de la mesure, rend celle-ci difficile à mettre en œuvre.


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