Social

Opposition unanime des syndicats au projet sur les retraites

Fin des consultations entre le gouvernement et les partenaires sociaux

24 avril 2003

Mardi, les consultations sur le dossier des retraites entre le gouvernement et les partenaires sociaux se sont achevées. Seul satisfait : le MEDEF. Se sont succédé au ministère des Affaires sociales l’UNAPL (professions libérales), l’UPA (artisans), le MEDEF (patronat), la FNSEA (agriculteurs), la CGT et la CFTC. Le tout pour aboutir à un constat d’échec… Mardi soir, les syndicats ont unanimement rejeté les premières propositions gouvernementales, insistant sur la nécessité d’une nouvelle mobilisation des salariés.

Déçus par leurs discussions avec les ministres des Affaires sociales et de la Fonction publique, les organisations syndicales sont passées en trois mois de l’inquiétude à une franche hostilité à l’égard du projet de réforme des retraites du gouvernement. Les syndicats devaient se concerter hier pour décider d’une nouvelle action courant mai. Au sujet du projet du gouvernement, le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault a précisé que « ce qui est prévu, c’est une diminution drastique du niveau des pensions pour les années à venir (...) C’est la fin de la retraite à 60 ans (...) Ce sont des retraites de plus en plus inégalitaires, puisque chacun sera renvoyé au gré de sa carrière, qui sera faite de chômage, de précarité et aura une retraite à concurrence de son chemin personnel ».

La CGT émet l’idée d’une « vaste manifestation nationale unitaire fin mai en lien avec d’autres revendications, notamment celles du droit à l’emploi, contre les licenciements et pour une véritable sécurité sociale professionnelle ». D’ici là, elle prévoit un 1er mai « sous le signe de l’unité et de l’offensive sociale », qui « sera l’occasion de marquer la détermination des salariés, du privé comme du public, à se faire entendre et d’imposer au gouvernement et au patronat d’autres choix ».
François Chérèque, de la CFDT, veut « une mobilisation dans la rue pour améliorer la réforme des retraites ». Selon lui, cette action se fera entre le 10 et le 15 mai.
Marc Blondel, de Force ouvrière, a appelé à une « mobilisation urgente et claire sur les retraites ». « Un dossier comme celui-là mérite une grève. On pourrait très bien, entre le 1er et le 15 mai, trouver quelque chose, par exemple une grève assez solide », a-t-il ajouté.

Gérard Aschieri, de la FSU, a souhaité des « manifestations et des grèves » des salariés du public et du privé. La FSU souhaite que les rencontres entre confédérations débouchent sur « des décisions d’actions unitaires les plus larges possible dans le prolongement du 1er mai ».
Alain Olive, de l’UNSA, a estimé « nécessaire une mobilisation des salariés », qui « devra se situer dans les premiers jours du mois de mai », face à un projet de réforme qui entraîne une dégradation des retraites. « Ce sera aux salariés de peser dans les mobilisations pour faire évoluer le dossier », a-t-il conclu.
Alors que la mobilisation se précise, le gouvernement suit un calendrier détaillé par "le Monde" du 20 avril dernier. Le 5 mai, la réunion des parlementaires UMP sur les retraites sera clôturée par Jean-Pierre Raffarin. Le 7 mai, le projet de loi sera communiqué en Conseil des ministres. Entre le 9 et le 27 mais, des consultations doivent avoir lieu avec les caisses de Sécurité sociale et le conseil supérieur des trois Fonctions publiques. Le 28 mai, le projet sera présenté en Conseil des ministres. Le 15 juin, l’examen du texte de loi doit débuter au Parlement pour une adoption prévue au plus tard le 13 juillet.

Le projet du gouvernement
Nous reproduisons ci-après les "propositions" présentées par le ministre des Affaires sociales aux syndicats. Un texte paru dans "le Monde" daté du dimanche 20 avril dernier.

I. Assurer un haut niveau de retraite en allongeant la durée d’activité et la durée de cotisation. La meilleure garantie, et la plus juste, pour assurer un haut niveau de retraite, sans faire reporter sur les actifs de demain une charge démesurée, est l’allongement de la durée d’assurance et de la durée d’activité.

  1. L’équivalence d’ici à 2008 des durées de cotisation.
    Régime général : calculer la pension sur la base de 160 trimestres ("proratisation") ; allonger le calcul du minimum contributif sur 160 trimestres.

    Fonctions publiques : passage progressif à 40 annuités entre 2004 et 2008 ; insérer une condition de durée d’assurance tous régimes.

  2. L’allongement de la durée d’activité par une mobilisation nationale en faveur du travail des salariés de plus de 55 ans : recibler les préretraites autour de deux dispositifs - CATS (cessations d’activité de certains travailleurs salariés) - pénibilité - et ASFNE (allocations spécifiques du Fonds national de l’emploi) -, ce qui implique une suppression des PRP (préretraites progressives) et une suppression du volet des CATS non liés à la pénibilité ; reporter à 65 ans la possibilité de mise à la retraite d’office à l’initiative de l’employeur ; refonder le dispositif de retraite progressive en l’ouvrant aux personnes ne justifiant pas du taux plein ; assouplir et harmoniser les règles du cumul emploi-retraite (l’interdiction dans le régime de base de la reprise d’un travail chez l’ancien employeur serait notamment levée, après un délai à déterminer et les commerçants et les artisans exerçant en milieu rural et en zone urbaine sensible bénéficieraient d’un régime particulier) ; rénover la cessation progressive d’activité, afin d’accompagner l’allongement des carrières.
  3. 3. L’augmentation d’ici à 2020 de la durée d’assurance : décider dès 2003 du principe d’une augmentation de la durée d’assurance après 2008 ; maintenir la répartition entre le temps de travail et le temps de retraite ; prévoir les rendez-vous de 2008, 2013 et 2018 et un mécanisme de pilotage, faisant intervenir une proposition d’une commission indépendante, au vu de l’évolution des données démographiques, économiques et sociales.



II. Préserver l’équité et l’esprit de justice sociale de nos régimes de retraite

  1. Donner des garanties aux salariés les plus modestes : énoncer un objectif de retraite (base + complémentaire) pour les personnes ayant effectué une carrière complète au niveau du SMIC ; neutraliser dans les calculs les salaires annuels de très faible montant, lorsque les trimestres travaillés ne sont pas validés au titre de la durée d’assurance.
  2. Supprimer les inégalités pesant sur les pluripensionnés et les non-salariés : prendre en compte les 25 meilleures années, pour les pluripensionnés, au prorata de la durée de cotisation dans chaque régime ; améliorer les conditions de validation des trimestres des commerçants et des artisans ; créer pour les commerçants un véritable régime complémentaire obligatoire ; réformer dans le sens d’une plus grande équité le régime de base des professions libérales.
  3. Prendre en compte les très longues durées de carrière : ouvrir progressivement le droit à une retraite anticipée, sous réserve de conditions d’âge et de durées de cotisations, aux salariés ayant commencé à travailler très jeunes.
  4. Assurer aux retraités un traitement équivalent au regard de l’évolution de leur pension : dans le régime général et les régimes alignés, maintien de l’indexation sur les prix ; dans les régimes de la fonction publique, suppression des mécanismes permettant aux retraités de bénéficier d’avantages statutaires ou catégoriels.
  5. Améliorer la situation des conjoints survivants : dans le régime général et les régimes alignés, attribuer la pension de réversion sans condition d’âge et supprimer l’assurance veuvage ; dans ces mêmes régimes, simplifier le système de la réversion, en remplaçant la double condition de ressources et de cumul par un plafond de ressources, contrôlé régulièrement.
  6. Harmoniser et moderniser les avantages familiaux : ouvrir aux hommes et aux femmes les majorations de durée d’assurance (régime général) et les bonifications de durée d’assurance (régimes de la fonction publique), sous condition d’une cessation effective d’activité ; ouvrir une concertation spécifique sur l’évolution de l’avantage fonction publique "retraite anticipée après 15 ans de service des mères de familles de 3 enfants".



III. Retraite personnalisée

Droit de liquider sa retraite ouvert à 60 ans ; encourager le maintien en activité par une "surcote" entre 2 et 3 % par année effectuée au-delà de 60 ans et de la durée d’assurance requise pour liquider au taux plein ; dans les régimes de la fonction publique, en cas de départ avant la durée d’assurance tous régimes, prévoir un coefficient d’abattement sur la pension, en cas de départ avant la durée d’assurance tous régimes ; alléger la décote dans le régime général (à compter de 2008) ; viser à terme la convergence de ces taux ; ouvrir le droit au rachat d’annuités, dans des conditions à définir et actuariellement neutres pour les régimes ; relancer le dispositif de retraite progressive (cf. supra) ; simplifier et assouplir les règles du cumul emploi retraite (cf. supra) ; améliorer l’information des cotisants sur leurs perspectives de droit à pension ; élargir l’accès à des outils d’épargne retraite, par des mécanismes favorisés par une incitation fiscale.

IV. Éclairer l’avenir du financement à court et à moyen terme de la branche vieillesse

Augmenter les retenues pour pension des fonctionnaires pour les rapprocher des cotisations salariales, en respectant les spécificités des régimes ; préparer le long terme en définissant une politique d’abondement du Fonds de réserve (y affecter une part des produits de privatisations) ; définir une stratégie de financement (dans la mesure du possible, prévoir un redéploiement de prélèvements obligatoires).


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