Continuité territoriale

Question de financement

Un amendement pourrait tout remettre en cause

10 octobre 2003

Lors du débat sur la loi programme, la seule action dont le chiffrage avait été précisée a été la mise en œuvre de la continuité territoriale. La subvention que l’État devait allouer à l’outre-mer était de 30 millions d’euros. Mais voilà qu’aujourd’hui, ce financement est remis en cause, par un amendement déposé par la Commission des finances, qui étudiait le budget ’transport aérien’.

Depuis son adoption par le Parlement, la continuité territoriale (l’un des volets de la loi de programme) n’a cessé d’être attaquée. Tout d’abord, ses conditions d’application ont constitué l’un des griefs soulevés par des parlementaires socialistes devant le Conseil constitutionnel. Les élus de l’opposition contestaient notamment l’inégalité introduite entre collectivités de la République, entre la Corse et l’outre-mer. Le Conseil constitutionnel avait alors avalisé la formule proposée par le gouvernement. Puis cette continuité territoriale a été attaquée par des associations de Guyanais, Martiniquais, Guadeloupéens ou Réunionnais vivant en France qui sont le plus pénalisés (voir encadré) . À La Réunion, le mouvement Coll’air ne… décolère pas.
Et par deux fois, mercredi, il a été encore question de cette continuité territoriale à l’Assemblée nationale. D’une part, lors de la réunion de la Commission des Finances, de l’Économie générale et du Plan, qui étudiait le rapport de Charles de Courson, rapporteur spécial, concertant les crédits des transports aériens dans le budget 2004 et d’autre part, lors des questions au gouvernement (voir en encadré) .
Lors de l’examen du projet de loi de finances concernant les transports aériens, le député Charles de Courson, rapporteur spécial de la Commission, a refusé de faire financer la mesure par le FIATA, un fonds auquel cotisent toutes les compagnies aériennes pour venir en aide à celles qui se retrouvent en difficulté.
Il émettait « des doutes sérieux » sur la dotation de 30 millions d’euros par le gouvernement au FIATA. « Cette réforme suscite de nombreuses interrogations. Tout d’abord, elle pose des questions d’ordre juridique, en termes d’euro compatibilité et de droit de la concurrence. Surtout, le mode de financement proposé est difficilement compatible avec l’ordonnance de 1959 et manifestement contraire à la loi organique du 1er août 2001 ».

Problèmes d’équité,
de cohérence et de gestion

Le député poursuivait : « Même s’il était adopté pour 2004, le système ne pourrait subsister après 2005. Ensuite, une telle réforme pose un problème d’équité : quelle est la logique qui consiste à faire financer la dépense de solidarité nationale que constitue la dotation de continuité territoriale par une taxe due par des compagnies aériennes dont l’activité est, la plupart du temps, sans aucun rapport avec la desserte de l’outre-mer ? C’est au moment où les compagnies aériennes sont au bord du gouffre que l’on augmente les taxes. La réforme pose également des problèmes en gestion : le FIATA étant alimenté tous les mois, les collectivités ne pourraient donc pas bénéficier de la totalité de leur dotation en début d’année, mais pourraient au mieux recevoir des versements par trimestre. Du reste, il est prévu que la dotation soit indexée sur la dotation globale de fonctionnement, à l’image la dotation de continuité territoriale Corse. En réalité, cette dotation évoluera, si elle est inscrite sur le FIATA, en fonction des recettes du compte d’affectation spéciale, lesquelles sont établies à partir de prévisions de trafic toujours instables et incertaines. Enfin, cette réforme pose un problème de cohérence politique puisqu’elle est contraire à la logique du gouvernement de vouloir clarifier et regrouper les dotations aux collectivités locales. Il faut donc trouver un autre support budgétaire » a argumenté Charles de Courson. Ce dernier proposait alors : « Un chapitre du budget de l’Outre-mer pourrait être créé ».

Questions de choix

Dans la discussion générale, il a été suivi par la majorité de ces collègues (comme les députés Daniel Garrigue, Louis Giscard d’Estaing ou Alain Rodet). Et l’amendement déposé par le rapporteur a été adopté. Cet amendement réduit donc les crédits du FIATA de 30 millions d’euros, ceux de la continuité territoriale.
Cet amendement de Charles de Courson est aussi la traduction parlementaire d’un débat interne au gouvernement. En effet, dans un entretien récent accordé au "Figaro", Brigitte Girardin rappelait qu’elle avait « dû parfois ferrailler dur avec mes collègues du gouvernement » pour tenir dans la loi de programme les engagements du président de la République. Depuis quelques temps, on savait que le secrétaire d’État aux Transports n’était pas favorable à l’imputation sur le FIATA du financement de la continuité territoriale. Le gouvernement devra sans doute trouver d’autres sources de financement.
Brigitte Girardin doit donc faire face à l’état financier du gouvernement, mais aussi aux conséquences de ses propres choix. En effet, 50 millions seront consacrés au relèvement du plafond de la CMU. La mesure était légitimement attendue par les exclus de la CMU. Mais elle est purement électoraliste car elle est insuffisante (une partie des exclus de la CMU seront encore exclus). De pus, la mesure est totalement aléatoire : que se passera-t-il lorsque les minima sociaux -qui sont indexés sur le SMIC- seront relevés et qu’ils vont se retrouver au-dessus du plafond de la CMU ? Laquelle est menacée à terme.

Au 1er janvier 2004… Alors que les députés de la commission des finances débattait de la pertinence -et de la légalité- de cette dotation, Brigitte Girardin annonçait son entrée en vigueur au 1er janvier 2004.

Lors des questions au gouvernement, mercredi, la députée Gabrielle Louis-Carabin interpellait la ministre au sujet de cette continuité territoriale : « Quand sera pris le décret d’application de la loi ? Comment sera répartie la dotation entre les collectivités ? Enfin, comment et quand une véritable concurrence sera-t-elle imposée sur la desserte aérienne de l’outre-mer ? ».

Réponse de Brigitte Girardin, qui ne se doutait pas que son système était, au même moment, remis en cause : « Je souhaite que l’aide versée à nos compatriotes d’outre-mer soit réservée aux plus fragiles d’entre eux et qu’elle soit utilisée au mieux. Sa répartition sera précisée par décret. Celui-ci est prêt mais doit être prochainement soumis aux assemblées territoriales. Parmi les critères retenus, figureront l’éloignement par rapport à la métropole, le nombre d’habitants, la géographie du territoire, mais aussi le nombre de transporteurs aériens le desservant. Mon objectif est que l’ensemble du dispositif soit en vigueur le 1er janvier 2004 ».

Et elle précisait : « Le dispositif commence déjà de produire ses fruits à La Réunion. Nous espérons qu’il en sera bientôt de même pour les Antilles et surtout la Guyane, qui ne dispose que d’un seul transporteur ».

"La continuité territoriale à tout prix"
C’est sous ce titre que "France Antilles" rapporte l’entrevue entre Brigitte Girardin et les associations antillo-guyanaises : « La ministre de l’Outre-mer a écouté les propositions du collectif présidé par Patrick Karam. (…) Le collectif des Antillais et Guyanais a exposé trois grandes propositions à Brigitte Girardin. Tout d’abord, Patrick Karam souhaite que le collectif négocie avec les compagnies aériennes sous l’égide du ministère de l’Outre-mer et du ministère des Transports. Brigitte Girardin a donné son accord pour son ministère. (…) Le collectif des Antillais et Guyanais a demandé, de concert avec la FADOM, (Fédération des associations des originaires d’outre-mer) la création d’une mission d’information parlementaire sur les tarifs aériens. (…) Sur ce point, Brigitte Girardin a donné son accord. Enfin, dernière proposition, un député métropolitain, Jean-Christophe Lagarde (Union pour la Démocratie Française) va présenter un projet de loi visant à mettre au premier plan les Régions pour discuter avec les compagnies aériennes ».

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