France

Soixante sénateurs saisissent le Conseil constitutionnel

Décentralisation

25 mars 2003

Le Conseil constitutionnel va avoir à prendre, dans le mois qui vient, une décision qui fera date. Il a été saisi mercredi dernier par soixante sénateurs de la réforme de la Constitution sur la décentralisation. C’est la première fois, depuis la loi de 1974 autorisant la saisine par soixante députés ou soixante sénateurs, que les parlementaires l’utilisent à propos d’une réforme constitutionnelle.
Ils avaient déjà eu à prendre une décision, en 1962, sur une réforme constitutionnelle, mais c’était la procédure adoptée et non pas son contenu qui était contesté. Il s’agissait de la modification de l’article 7 de la Constitution instaurant l’élection du président de la République au suffrage universel. De Gaulle avait soumis directement la réforme au référendum, en application de l’article 11 de la Constitution. Gaston Monerville, président du Sénat, avait saisi le Conseil en arguant que la seule procédure applicable pour une réforme constitutionnelle était celle de l’article 89, qui exige, avant le référendum, un vote identique des deux assemblées. Le Conseil constitutionnel s’était déclaré incompétent, estimant qu’il n’était habilité à contrôler les seules lois votées par le Parlement et non pas celles que le peuple souverain a adoptées par référendum.
Un nouveau problème lui est soumis cette fois. Il ne s’agit plus de la procédure mais du fond de la réforme. Le Conseil va donc avoir à répondre à deux questions : est-il compétent pour juger d’une réforme constitutionnelle ? Et s’il l’est, a-t-il des motifs de censurer celle-là ?
Sur le premier point, a priori, la réponse est négative. Le Conseil constitutionnel est qualifié pour juger de la conformité des lois à la Constitution. La Constitution est forcément conforme à elle-même, ses réformes deviennent des normes constitutionnelles qui ne sauraient lui être contraires, comme la partie ne peut pas être extérieure au tout.

Pourtant des arguments peuvent être invoqués en faveur du principe d’une compétence des Sages. Les auteurs de la saisine se réfèrent à l’article 89 de la Constitution, relatif à la révision, dont le dernier alinéa stipule que « la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision ». Pour les auteurs de la saisine, il en résulte donc que l’on peut contester une réforme à ce titre-là. Et qui serait habilité à en juger, sinon le Conseil constitutionnel lui-même ?
La réponse du Conseil sur ce point fera jurisprudence. Si elle était positive, elle entraînerait une nouvelle extension du champ de ses compétences. Les Sages l’ont déjà étendu, depuis 1971, au préambule de la Constitution, à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, puis aux normes juridiques de nature constitutionnelle qu’il a définies au fil des ans. Ils y ajouteraient le contrôle de la « forme républicaine du gouvernement ».
Que le conseil se déclare compétent ne signifierait évidemment pas l’invalidation de la loi constitutionnelle. Il lui appartiendrait ensuite de décider si la réforme met en cause la forme républicaine du gouvernement. Les auteurs de la saisine soutiennent que c’est le cas. Selon eux, la notion de forme républicaine englobe un certain nombre d’exigences - la République est indivisible, la souveraineté appartient au peuple dans son ensemble, la loi doit être l’expression de la volonté générale, les pouvoirs sont séparés - qui ne sont pas respectées par plusieurs dispositions de la réforme constitutionnelle. S’il se déclarait compétent, le Conseil constitutionnel aurait donc ensuite à trancher sur tous ces points.


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