Irak

« Un conflit lourd de conséquences pour l’avenir »

Déclaration du président de la République française

21 mars 2003

Voici le texte de la déclaration faite par le président Jacques Chirac hier à la mi-journée, quelques heures après le déclenchement des opérations militaires américaines contre l’Irak.

« Les opérations militaires viennent de commencer en Irak. La France regrette cette action engagée sans l’aval des Nations Unies. Je souhaite que ces opérations soient les plus rapides et les moins meurtrières possible et qu’elles ne conduisent pas à une catastrophe humanitaire.
Jusqu’au bout, la France, avec bien d’autres pays, s’est efforcée de convaincre que le nécessaire désarmement de l’Irak pouvait être obtenu par des voies pacifiques.
Ces efforts n’ont pas abouti. Quelle que soit la durée de ce conflit, il sera lourd de conséquences pour l’avenir. Mais la France, fidèle à ses principes, primauté du droit, équité, dialogue entre les peuples et respect des autres, continuera à agir pour que les crises qui ensanglantent ou menacent le monde trouvent des solutions justes et durables dans l’action collective, c’est-à-dire dans le cadre des Nations Unies, seul cadre légitime pour construire la paix, en Irak comme ailleurs.
C’est pourquoi, demain, il nous faudra nous retrouver, avec nos alliés, avec toute la communauté internationale, pour relever ensemble les défis qui nous attendent.
De même la France ne se résigne pas à ce que l’Europe reste inachevée. L’Europe doit prendre conscience de la nécessité d’exprimer sa propre vision des problèmes du monde et de soutenir cette vision par une défense commune crédible. C’est à la réalisation de cette ambition, au service de la paix et de la prospérité, que la France appelle ses partenaires de l’Union européenne comme ceux qui vont y adhérer.
J’ai demandé au Premier ministre de réunir aujourd’hui (hier - NDLR) le gouvernement. Sous son autorité, les pouvoirs publics mettent en œuvre les dispositions que la situation exige. Qu’il s’agisse de la sécurité, de l’économie ou de notre cohésion nationale, je veux vous dire que nous sommes vigilants et entièrement mobilisés ».

L’Assemblée nationale condamne les premiers bombardements
À l’ouverture des travaux hier matin à l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré et plusieurs députés ont condamné les premières frappes américano-britanniques en Irak.
« Une guerre illégitime et dangereuse vient de commencer. Vous comprendrez que dans ces conditions, je suspende la séance afin de bien montrer combien l’ensemble de la représentation nationale désapprouve et manifeste sa grande inquiétude à l’égard de ces événements », a déclaré le président de l’Assemblée Jean-Louis Debré à l’ouverture, avant de suspendre les travaux pour un quart d’heure.
Plusieurs députés sont également intervenus. « George Bush bafoue cyniquement le droit international », a fustigé le parlementaire PCF Alain Bocquet. « Une sale guerre commence, illégale et illégitime », a-t-il regretté, « des innocents, des enfants, des hommes, des jeunes, des vieillards vont mourir ».
« M. Bush a déclenché une guerre illégale et illégitime qui va engendrer de nombreuses souffrances pour le peuple irakien et provoquer une onde de choc dans les relations internationales », a renchéri le président du groupe PS Jean-Marc Ayrault dans un communiqué, appelant les partisans de la paix à unir « leurs efforts pour obliger les États-Unis et la Grande-Bretagne à cesser leurs opérations militaires ».
Condamnation unanime de la part des partis politiques français
Le premier secrétaire du Parti socialiste déclare que son parti « condamne l’intervention américaine en Irak » qui « constitue un précédent dangereux ». « Décidée en dehors du cadre de l’ONU, réprouvée par la grande majorité de la communauté internationale », cette intervention « tente de régler par la force ce qui pouvait, et peut encore, être obtenu par la pression diplomatique », affirme-t-il dans un communiqué. François Hollande estime que « cette guerre qui s’engage pose un triple défi, à l’ONU qui doit faire prévaloir son rôle et sa primauté, à l’Europe qui doit construire au plus vite son unité politique pour équilibrer le monde et à l’opinion politique internationale qui doit se mobiliser ».
Marie-George Buffet, secrétaire nationale du Parti communiste français, estime qu’il s’agit d’une guerre « contre l’opinion publique ». « Cette guerre est une rupture violente avec le droit international ». « C’est un énorme gâchis au plan international et humain », ajoute-t-elle en souhaitant que « la France continue à jouer un rôle pour que le camp de la paix se mobilise ».
Pour sa part, Jean-Pierre Chevènement, président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen, condamne « fermement l’administration américaine et les choix qu’a faits le président Bush », tout en manifestant « beaucoup de sympathie pour le peuple américain ». « Si personne ne doute que les USA puissent occuper la Mésopotamie, chacun voit bien que leur objectif est de dominer le Moyen Orient et dominant le Moyen Orient pour les richesses pétrolières qu’il contient, c’est aussi l’Europe, le Japon, la Chine qu’ils veulent dominer », a-t-il ajouté. Jean-Pierre Chevènement parle d’isolement des Etats-Unis.
Les Verts « condamnent une guerre illégale et illégitime ». Ils se disent aussi « très inquiets de la dérive des propos de George Bush », qui « de plus en plus fait allusion à des aspects religieux dans ses discours » craignant que cette guerre « essentiellement économique » puisse se transformer en « croisade religieuse ».
L’UMP déplore le déclenchement d’une intervention militaire contre l’Irak qu’il qualifie d’« acte grave ». François Baroin, porte-parole du mouvement, déclare que « c’est une décision grave et importante qu’a prise le président américain cette nuit d’engager le feu ». « C’est une décision que nous regrettons qui menace aussi l’unité du Conseil de sécurité dans la mesure où cette décision s’inscrit en marge de la communauté internationale ».
François Bayrou, le président de l’UDF, déplore l’intervention militaire. Il déclare que « la guerre qui a été déclenchée est une guerre d’un nouveau genre ». « C’est un événement très important parce que nous n’avons pas réussi à l’éviter à partir des Nations Unies. C’est des nuages noirs qui se présentent sur l’horizon », ajoute-t-il. Jean-Michel Baylet, président du PRG, dénonce les premiers bombardements américains contre l’Irak qui « bafouent toutes les règles du droit international ».
Lutte ouvrière dénonce dans un communiqué « un crime contre l’humanité ». « Voilà le massacre a commencé et nul ne sait comment il s’achèvera » poursuit le mouvement affirmant que « le sang va couler en Irak, beaucoup de sang, mais celui des classes populaires ». « Pour des années, il y aura du sang dans l’essence que nous mettrons dans nos voitures ».
Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) condamne la guerre commencée contre l’Irak, estimant que cette « folie meurtrière » allait « favoriser et servir tous les extrémismes et intégrismes ». « Le choix du pire, de l’horreur, du sang et des larmes, au mépris de la légalité internationale et du veto des peuples, a été franchi cette nuit par George W. Bush. Ce 20 mars est un jour de deuil pour la paix », indique le secrétaire général du mouvement, Mouloud Aounit.

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus