Santé publique

Vers la régionalisation de la politique de santé

Projet de réforme du gouvernement

6 mai 2003

Un projet de loi du gouvernement fixe cent objectifs à la politique de santé en France et outre-mer, parmi lesquels on peut citer, pêle-mêle : la diminution de la consommation d’alcool de 20%, la prévention de la douleur, la réduction des inégalités devant la maladie et la mort, le tout sur fond de régionalisation.

Le ministre de la Santé vient de présenter son projet de loi sur la réforme de la santé publique. Le projet de loi sera présenté au Conseil des ministres en juin, puis débattu en juillet au Parlement. Si le calendrier parlementaire - déjà très chargé - le permet.
Ce projet est décliné en 100 objectifs pour la période 2004-2008. C’est un peu un inventaire à la Prévert : « Diminuer la consommation d’alcool de 20% », « baisser de 5% la cholestérolémie moyenne dans la population adulte », « réduire le nombre de cas de SIDA à 2,4 pour 100.000 habitants contre 3 pour 100.000 aujourd’hui », « réduire les inégalités devant la maladie et la mort », « prévenir la douleur », « assurer l’accès à une contraception adaptée » etc...
Voilà pour les objectifs affichés. Reste à savoir quelle est la stratégie prévue pour les atteindre.
Premier élément : l’élaboration, tous les cinq ans, d’une loi définissant les objectifs de santé publique. Le but proclamé est d’agir pour éviter l’apparition ou l’aggravation de certaines maladies graves pour le patient et onéreuses pour la société. Au terme de cette échéance, les actions seront évaluées.

Régionalisation

Signalons aussi la mise en place de quatre « plans stratégiques » établis pour les maladies « nécessitant un effort à long terme, dans les domaines soulignés par le Président de la République : cancer, violence routière, handicap, santé environnementale et maladies rares ». Le texte fait ainsi une large place aux mesures de lutte contre le saturnisme ou à celles visant à garantir la qualité de l’eau. Et il prévoit d’interdire « la fabrication, la vente, la distribution ou l’offre à titre gratuit de paquets de cigarettes de moins de 19 cigarettes ». il y a tout un volet « sur les systèmes d’information » visant à améliorer la circulation des informations médicales, notamment pour mener des enquêtes.

Le projet de réforme veut se centrer essentiellement autour de la prévention qui, jusqu’à présent, est considérée comme le "parent pauvre", puisque sur 150 milliards d’euros consacrés annuellement aux dépenses de santé, 147 vont aux soins, mais 3 seulement à la prévention. Pour le gouvernement, il est « patent qu’un certain nombre de pathologies pourraient être évitées, ou leurs conséquences diminuées, si l’on intervenait sur les facteurs de risque prédisposants ». Et de citer en premier lieu, le tabagisme.
Comme les maladies sont "régionalisées", le projet prévoit donc une régionalisation partielle du système de santé. Première modalité : la création de « comités régionaux de santé publique », dont la mission sera de « définir des politiques adaptées à la région », « d’assurer la surveillance, l’observation de la santé et les investigations épidémiologiques dans la région », de mettre en œuvre « les programmes de santé prévus dans le plan régional ». Un mode de fonctionnement qui s’approche de ce qui se passe aujourd’hui dans « les agences régionales de l’hospitalisation ».
Et dans ce groupement régional, seront représentées toutes les structures sanitaires et les instances politiques de l’État (l’Institut national de santé publique, l’Institut de veille sanitaire, l’Agence régionale d’hospitalisation, la Région, le Département et la Caisse d’assurance maladie, pour l’essentiel). Juridiquement, ils seront constitués sous forme de groupements d’intérêt public.

Sans consultation préalable
Les professionnels de la santé ont appris le contenu du projet de loi gouvernemental sur la santé « par des fuites ». Et les premières réactions sont unanimes et particulièrement critiques. Le Conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) s’est dit « réservé », voire « en désaccord » avec le texte et s’interroge notamment sur « l’absence de traduction budgétaire » des objectifs fixés. Il s’inquiète « des risques d’une emprise exclusive des préfets sur la politique de santé régionale », souligne « l’omniprésence de l’État dans le dispositif » et « s’élève avec force » contre « une « exclusion de l’assurance maladie » de la régulation du système de santé.

Même mécontentement chez les syndicats. Pour certains, alors qu’on parle de décentralisation, on va vers "une étatisation" et ils demandent la présence des partenaires sociaux dans le comité régional de santé. Christian Saout, président d’AIDES, cité par "Libération", explique : « On n’a été sollicité en rien. On découvre le texte sur la loi santé publique par des fuites. Ce ne sont pas des relations normales ni même correctes. On n’attendait pas une vision à ce point là idéologique de la santé. Ce n’est plus le ministère des malades, mais celui des médecins et de l’industrie pharmaceutique ». D’autres organisations dénoncent les « paroles d’expert » écoutées au détriment de la parole des associations. « Ce qui est de l’ordre de la participation des usagers est perçu comme une perte de temps », précisent certains. « Notre présence devient facultative », notent d’autres. Certains dénoncent ce projet car il est « bourré d’inepties. On parle de gens à risques, et non plus de comportements à risques ».


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