Cinéma

’Western 4.33’ : un camp de concentration en Afrique’Western 4.33’ : un camp de concentration en Afrique

Festival du film d’Afrique et des Iles

6 octobre 2003

Du 22 septembre au 3 octobre dernier a eu lieu au Port la première ’compétition’ organisée dans le cadre des Journées du film d’Afrique et des îles devenues Festival pour cette édition de septembre 2003. Le jury s’est réuni samedi 27 à la salle Roussin du Port et la présidente d’honneur, Sarah Maldoror, a annoncé les résultats du vote du jury -à bulletins secrets- lors d’une soirée à l’École des Beaux-Arts. Les deux récompenses de ce premier festival sont de 1.200 Euros chacune (voir ’Témoignages’ du 30 septembre). Un des deux films de court métrage primés au Port, est ’Western 4.33’. Le texte qui suit est celui qui apparait en défilante vers la fin du film.

« Il y avait cinq camps de concentration en Namibie, l’ancien Sud-Ouest africain allemand, entre 1904 et 1908. En janvier de l’an 1904 la guerre éclata entre le peuple Herero et l’administration coloniale allemande.
Après la bataille de Waterberg, le peuple Herero ou bien succombait dans le désert ou était repris par des patrouilles allemandes et était rassemblé dans les camps de concentration.
Le taux de mortalité officiel dans les cinq camps était de 45%. Des milliers de gens avaient été entassés dans de petites espaces. Les rations étaient minimales, consistant en une ration journalière de riz non cuit, de sel et d’eau. Les maladies étaient incontrôlées. Coups et mauvais traitements faisaient partie de la vie dans le camp.
Le camp de concentration à Shark Island, plus loin que la ville littorale
Luderlitz, était le pire des cinq camps namibes. Luderitz se trouve dans le Sud de la Namibie, flanqué par le désert et l’océan. Dans le port se trouve Shark Island qui, à ce moment, n’était connectée au continent que par une petite chaussée.
L’île est aride, elle est caractérisée par des rochers solides, sculptés dans des formes surréelles par le vent fort de l’océan. Le camp était placé sur la pointe la plus éloignée de la petite île ou les prisonniers, pour la plus grande partie de l’année, étaient exposés complètement aux vents violents qui s’abattaient sur Luderlitz.
Vers avril 1907, 1.700 prisonniers avaient trouvés la mort. Des écrits des missionnaires estimaient le taux de mortalité entre 12 et 18 par jour. Près de 80% des prisonniers, envoyés au camp de concentration Shark Island, ne retourneraient jamais chez eux.
Le froid, la faim, la soif, l’exposition, la maladie et la folie étaient la cause des nombreuses victimes journalières.
Leurs corps étaient transportées sur des charrettes à l’arrière de la plage, enterrés dans quelques centimètres de sable lorsque la marée montait, et, quand la marée descendait, les corps étaient emportés par le courant de l’eau, comme nourriture pour les requins ».

"Western 4.33" : l’utopie coloniale impossible
B.T. est routier. En route, parti de Johannesburg pour Luderitz en Namibie, il y arrive le soir, et il y regarde le coucher du soleil.

Il pense à son grand-père qui a trouvé la mort dans le camp de concentration allemand à Shark Island, devant la côte de Luderitz. Il pense à sa copine qui l’a abandonné… ou qu’il aurait abandonnée. Des souvenirs se mêlent à la souffrance personnelle, ses crève-cœur, avec la grande souffrance chronique de l’histoire.

"Western 4.33" est une réflexion sur l’utopie coloniale impossible : l’obstination à vouloir "civiliser l’Afrique". La ville fantôme de Kolmanskop symbolise l’échec de la confession luthérienne à créer un terrain arable dans le désert dominé par le soleil, le désert le plus vieux du monde.

Les quelques scènes en couleur de ce film sont une métaphore pour évoquer les menstruations abondantes de la femme africaine, en fait la "maman africaine" est celle de la race humaine.

"Western 4.33" est une déclaration méditative d’un routier, c’est le fruit du désir, des souvenirs et du paysage.

Retour sur le premier Festival du film dans le commune de l’Image.
Une ville, un paradoxe
Un dernier "rogaton" du festival a lieu ce soir à 18 heures, avec Ciné Campus qui projettera, salle Canter, "Lumumba", un film de Raoul Peck.

Pourquoi n’y avait-il pas de Festival du film au Port, alors que Le Port, avec les formations Village Titan, dès 1983 (vingt ans !) et ensuite leurs "conséquences", l’École des Beaux-Arts et l’ILOI ont, de façons diverses, avec Alain Séraphine, posé toutes les questions que pose le règne universel de l’image-son. Et le règne moins souvent évoqué de la télé et des technologies nouvelles, le règne de l’art du 20ème siècle : le cinématographe.

Il n’y avait pas de Festival au Port, parce que, tout simplement, nous

estimions que les conditions n’étaient pas réunies. Quelles conditions ?

L’erreur habituelle est de se référer aux grands festivals, ceux dont

parlent les télés et les magazines. Le Port a enfin un ensemble utilisable pour une fête à inventer (…)

Un festival est une crise positive, une de ces crises qu’on déclenche et

qu’on appelle fêtes. Aucun n’est pareil : car un festival ne peut qu’être

"enraciné". La présence de bien des ami(e)s, celle du maire du Port et de son équipe, le soutien actif de l’ADAP, la participation des étudiants, des stagiaires de l’ILOI, des collégiens de l’Oasis et des lycéens de Jean Hinglo, tout cela, s’ajoutant à un public très varié, toujours abondant et présent nous a confirmé que l’exception culturelle n’est pas une utopie, mais qu’en terre franco-créole (comme disait le poète Jean-Henri Azéma), on sait aussi s’ouvrir à des cinématographies de combats contre l’uniformisation du monde.

Que le public en soit remercié : nous continuerons en corrigeant nos bévues et nos retards, nos oublis.

Après vingt ans de Village Titan, où l’image et le 7ème art ont toujours eu leur place, plus de dix ans de Journées du film d’Afrique et des îles et d’autres thèmes ("L’Art du doc/k"), dix ans de ce thème africano-insulaire à Mayotte aussi, nous savons aussi que frimer est pernicieux, et qu’approfondir l’ouverture à l’Autre et à l’expression artistique de l’Autre est un sacré travail. Nous nous y attelons.


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