Jacques Chirac condamne un crime du colonialisme français

1947 : une répression “inacceptable”

23 juillet 2005

Dans un article publié hier, le quotidien parisien “Libération” rend compte de la reconnaissance la veille par le président de la République d’un crime du colonialisme français à Madagascar : les massacres de 1947, qui ont provoqué la mort de plusieurs dizaines de milliers de Malgaches. Extraits.

(page 8)

Après avoir été le premier président à reconnaître les crimes de l’État français sous Vichy, le voilà qui se penche sur le passé colonial de la France. Et tance les élus de l’UMP qui tentent de réhabiliter certains aspects de la colonisation, notamment par la loi du 23 février 2005 qui incite "les programmes scolaires" à "reconnaître le rôle positif de la présence française outre-mer", ou ceux d’extrême droite qui prétendent transformer en héros des bourreaux de la guerre d’Algérie avec des stèles à la gloire de l’OAS.
À Madagascar, où il a reçu ce jeudi à son arrivée, au Nord-Ouest de l’île, un accueil triomphal de la part de près de 100.000 personnes, le chef de l’État a abordé à deux reprises une des pages les plus sombres de l’histoire de la colonisation française du 20ème siècle : les massacres de 1947, qui auraient fait de 15.000 à 100.000 morts. Alors que Madagascar était une colonie française, une insurrection indépendantiste fut réprimée de manière sanglante par l’armée.

Hommage

"Il n’y a aucune raison de ne pas tenir compte de l’Histoire. De vouloir ignorer tel ou tel aspect d’une évolution. Nous devons être conscients des bons et des mauvais moments et les assumer. Ça ne veut pas dire nourrir indéfiniment de l’aigreur et de la haine. L’Histoire est ainsi faite d’affrontements et de réconciliations. Elle n’est pas faite automatiquement d’oubli", a affirmé le chef de l’État lors d’une conférence de presse à Majunga, aux côtés du président malgache, Marc Ravalomanana.
Dans la soirée, à Antananarivo, capitale malgache, Jacques Chirac s’est montré encore plus précis au cours d’un dîner avec son homologue. Sans aller jusqu’à exprimer explicitement de la repentance, il a évoqué "le caractère inacceptable des répressions engendrées par le système colonial". Et en visant ceux qui, en France, ont la tentation de minimiser certains méfaits de la IVème République dans les colonies, il a rendu "hommage" aux victimes de 1947 car "rien ni personne ne peut effacer le souvenir de toutes celles et tous ceux qui perdirent injustement la vie".
Contrairement à l’Algérie, où les régimes successifs entretiennent la mémoire des meurtrissures de la lutte d’indépendance, Madagascar, confrontée à une extrême pauvreté généralisée, semble avoir d’autres priorités que de s’appesantir sur l’Histoire. "Tout ça c’est du passé, moi je regarde l’avenir. [...] Je suis né en 1949, pas en 1947. On ne peut pas oublier ce qui s’est passé mais moi je pense d’abord aux générations futures", a ainsi assuré le président malgache aux côtés de Chirac un brin interloqué.


58 ans après...

Il aura donc fallu attendre 58 ans pour que le plus haut représentant de la République française reconnaisse enfin le "caractère inacceptable" de la répression sanguinaire et criminelle de masse organisée par l’État français en 1947 contre le peuple malgache. En particulier contre les patriotes malgaches qui ont eu le seul “tort” de lutter pour la libération de leur pays du joug colonial.
Selon les comptes de l’état-major militaire français rappelés par Philippe Leymarie, ces massacres ont fait 89.000 morts (voir en page 9) . Et jusqu’à présent, aucun chef d’État n’avait tenu de tels propos. Pourquoi ? Parce que les classes dominantes en France ont toujours eu du mal à assumer le passé colonial de la Métropole ? Parce que la mentalité colonialiste perdure chez les “élites” ?
En tout cas, on peut se féliciter de ce premier pas de Jacques Chirac au nom de la République. Tout en se disant qu’il a fait son devoir et que d’autres auraient déjà dû le faire avant lui, mais aussi que ce ne doit être qu’un début. En effet, il y a encore beaucoup à faire de la part de la France pour réparer tous les dégâts et crimes commis dans la Grande Ile par le système colonial et esclavagiste.
Cette réparation passe notamment par un fort soutien de la France au co-développement régional des pays membres de la Commission de l’océan Indien. Un co-développement dont le peuple malgache doit profiter d’urgence.
À ce propos, on ne doit jamais oublier à quel point les colonialistes français ont utilisé La Réunion et les Réunionnais pour commettre les massacres de 1947 à Madagascar. Ils ont tout fait pour diviser et opposer les deux peuples. Mais pour l’honneur des Réunionnais, certains d’entre eux, dont le Docteur Raymond Vergès et ses amis, ont apporté leur soutien à nos frères et sœurs malgaches victimes de la répression.
Et si ce passé doit toujours être rappelé, c’est pour construire un avenir meilleur, différent, sur des bases nouvelles.

L. B.


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