Madagascar

Abstention record aux élections législatives du 23 septembre

De notre correspondant particulier Bernard Yves

2 octobre 2007, par Bernard Yves

Les résultats définitifs, mais provisoires, du scrutin du 23 septembre pour la désignation des députés à l’Assemblée nationale sont actuellement acheminés à la Haute Cour Constitutionnelle (HCC), habilitée, selon la Constitution, à proclamer officiellement les résultats.

Selon le de compte officieux émanant du Ministère de l’Intérieur, le parti Présidentiel TIM (Tiako i Madagasikara) aurait obtenu 108 sur les 127 sièges fixés par la loi. Les 19 députés restants se sont présentés sous le label “indépendant”, mais beaucoup d’observateurs estiment que la majorité d’entre eux sont peu ou prou « proches » du TIM.
Toutefois, l’attention de l’opinion est jusqu’à ce jour retenue par l’importance du nombre des abstentions, qui a marqué ce scrutin. Il semblerait que le taux d’abstention voisinerait les 75%. Le conditionnel est de rigueur, puisqu’il n’existe aucune assurance sur la véracité des chiffres émanant du Ministère de l’Intérieur. Mais ce taux serait vraisemblablement plus élevé, car durant les premiers dépouillements retransmis par les médias, dans une circonscription électorale de la Province de Toliary (au Sud de l’île), seulement 1,17% des électeurs se seraient rendus aux urnes ! Le résultat du scrutin dans la capitale ne fait que confirmer ces appréciations. Sur 601.349 électeurs inscrits, 183.043 seulement ont voté et 81.216 d’entre eux ont choisi les candidats présentés par le TIM, qui se sont emparés des 12 sièges en jeu.
Le maigre pourcentage de 13,38% recueilli par ces “élus” interpelle tout un chacun, et devrait faire réfléchir le parti au pouvoir.

Des observateurs s’interrogent

Rappelons que ce scrutin a été suivi par différents observateurs nationaux et étrangers.
Le COMESA (qui regroupe 14 pays de la région) a dépêché une dizaine d’observateurs qui ont suivi les élections dans la capitale.

- L’Union Africaine a confié à ses observateurs le suivi des élections dans différentes circonscriptions électorales dans le Nord, le Centre, le Sud du pays.

- Le KMF//CNOE ou Comité national pour l’Observation des Elections, qui, depuis plus d’une décennie, s’est spécialisé dans ce domaine a dépêché des observateurs dans des bureaux de vote représentatifs de 78 districts, soit 1.266 observateurs fixes et 118 observateurs mobiles.
Hormis les conclusions jugées par trop rapides de la délégation du COMESA qui a applaudi la « transparence et le bon déroulement » des élections, tous les autres observateurs ont noté ce qui suit :

- Listes électorales incomplètes ou incontrôlables. Par exemple, des candidats qui avaient été autorisés à se présenter, au vu notamment de leur certificat d’inscription sur les listes électorales, ont été étonnés le jour du scrutin de constater que leurs noms n’existaient pas dans le registre des électeurs inscrits.

- Absence des bulletins de vote de tous les candidats dans de nombreux bureaux de vote.

- Inégalité des moyens utilisés par les candidats, notamment dans l’utilisation des médias officiels.
Tous ces observateurs ont reconnu à l’unanimité que l’utilisation du BULLETIN UNIQUE serait la meilleure solution pour éviter d’éventuelles contestations à l’avenir.
Pour leur part, les candidats “perdants” ne cessent de présenter d’innombrables preuves des irrégularités qu’ils ont constatées :

- nombre important d’électeurs qui ont voté sans carte d’identité,

- achats de voix effectués par les candidats du parti au pouvoir,

- menaces et pressions des chefs de fokontany (chefs de quartier) désignés,

- manipulation des voix obtenues par les candidats d’opposition qui ont été transférées sur le score des candidats d’État.
À Vohipeno (dans le Sud-Est de l’Ile), un journaliste de Radio Vatican, qui a photographié un camion transportant un groupe d’électeurs chargé de voter en “groupe”, a été poursuivi et molesté par des membres du TIM. Ce journaliste est poursuivi devant les tribunaux sous l’accusation de « fauteur de troubles » etc... etc...
La HCC qui examine les plaintes déposées par les contestataires et des électeurs mécontents devra dans tous les cas proclamer officiellement les résultats dans la troisième semaine de ce mois d’octobre, les nouveaux “élus” devant siéger en session budgétaire le 23 octobre, selon la Constitution.
Quoi qu’il en soit, les résultats de ce scrutin du 23 septembre démontrent non seulement le désintéressement des électeurs vis-à-vis de la chose publique, mais surtout leur réticence à s’engager dans la réalisation du programme de développement du Président et de ses candidats, le MAP, qui ne présente à leurs yeux aucune assurance sur une amélioration future de leurs conditions de vie qui se dégradent de plus en plus.

B. Y.


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