Célébration de la Fête nationale dans un environnement morose

29 juin 2007, par Bernard Yves

Les feux d’artifice et les lampions se sont éteints. La vie reprend son cours, et les manifestations sportives ou artistiques organisées par la Commune d’Antananarivo dans le cadre de la célébration du 26 Juin n’ont ni atténué le froid glacial de l’hiver austral, ni allégé l’atmosphère de crise qui règne dans le pays.

Il suffit de jeter un coup d’œil sur les données récentes publiées par le Forum Economique Mondial, qui devrait pourtant ressentir de la “sympathie” pour le choix de développement néo-libéral du pouvoir actuel pour se rendre compte de la situation préoccupante qui prévaut dans la Grande Ile. Selon le Forum Economique, l’inflation, la corruption, les infrastructures, dénoncent une situation préoccupante qui inscrit Madagascar dans le dernier groupe sur quelque 118 pays.
A tout ceci s’ajoutent les évènements survenus au cours des derniers mois. Les mairies des chefs-lieux des ex-provinces (c’est-à-dire les grandes villes du pays : Antsiranana, Mahajanga, Fianarantsoa, Toamasina, Toliary, Antananarivo) ne sont plus dirigées par des maires élus, mais par des personnalités désignées par le pouvoir central. Selon les informations officielles, il serait reproché à ces élus des malversations, une mauvaise gestion, hormis le cas du maire d’Antananarivo, désigné Ministre de l’Énergie et remplacé par un délégué spécial, et celui du maire de Fianarantsoa en cavale depuis décembre 2006, qui reste introuvable jusqu’à ce jour.
Le Parti présidentiel TIM (Tiako i Madagasikara) est secoué par une crise interne révélée par les critiques de certains dirigeants du Bureau Politique de ce parti contre le Président Razoarimihaja (Vice-président de l’Assemblée nationale), accusé d’inertie. Depuis trois ans, l’instance dirigeante du Parti (le Conseil national) ne s’est pas réunie, et le poste de Secrétaire général reste toujours vacant.

Expulsion inexpliquée du père jésuite Sylvain Ufer

L’Eglise Catholique, depuis l’expulsion inexpliquée du Père jésuite Sylvain Urfer, le 12 mai dernier, en poste dans le quartier défavorisé de Anosibe, depuis plusieurs décennies n’a de cesse de dénoncer publiquement les failles du régime (atteintes à la démocratie, pauvreté ambiante, inflation galopante, refus de dialogue).
La majorité de la Chambre Haute (Sénat) a refusé de donner son quitus à la loi de règlement 2004 pour l’utilisation abusive de réquisitions qui se chiffrent à 680 milliards fmg.
Les agences de la Banque Centrale de Madagascar à Manakara, Sambava, Toamasina ont été allégées de sommes faramineuses qui avoisinent des centaines de milliards d’ariary. Aucune information n’a filtré sur les poursuites déclanchées contre les auteurs de ces vols.

Les grèves estudiantines se succèdent dans les universités, à Antsiranana, Mahajanga, Antananarivo, pour les mêmes motifs : coupures prolongées de l’électricité, retard dans le paiement des bourses des étudiants.
À Fianarantsoa où des affrontements violents ont opposé les étudiants originaires du Sud et du Nord de l’île, un incendie a détruit le grand amphithéâtre de l’Université : L’épouse de l’ancien maire en cavale, Mme Ialy Rakotoniaina, et 6 étudiants, ont été arrêtés, puis enquêtés. Ils sont accusés d’être responsables de cet incendie.

La décoration de Paul Vergès a retenu l’attention des médias

Les observateurs s’étonnent du mutisme de l’opposition face à cette situation.
Un évènement particulier a toutefois retenu l’attention des médias. Il s’agit de la décoration décernée par l’Etat malgache à Paul Vergès, Président du Conseil régional de La Réunion, promu Commandeur de l’Ordre National Malgache.
Lors de la remise de cette distinction par le Ministre malgache des Affaires étrangères, Marcel Ranjeva, ce dernier a souligné l’importante contribution de Paul Vergès au développement de la coopération entre La Réunion et Madagascar, et ce, dans de nombreux domaines. Il a également rendu hommage à son engagement dans la mobilisation de l’opinion internationale face aux conséquences du réchauffement climatique pour l’avenir de l’humanité, et en particulier des pays insulaires de la Région menacés de disparition par la montée des océans.
Les anciens qui ont suivi le long parcours politique de Paul Vergès se souviennent qu’il y a 47 ans, le 26 juin 1960, Paul Vergès qui était venu à Tananarive exprimer la solidarité et l’amitié des démocrates réunionnais à leurs frères et sœurs de Madagascar à l’occasion de cette première Fête de l’Indépendance avait été expulsé “manu militaire” à La Réunion.
47 ans après, l’hommage rendu par la Nation malgache à Paul Vergès témoigne que la roue de l’histoire tourne, et que tôt ou tard, les aspirations du peuple malgache et des peuples de la région à un avenir meilleur seront réalisées.

De notre correspondant Bernard Yves


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