Madagascar : Coupures de courants, hausse des prix de l’eau et de l’énergie

Crise sociale, facteur d’instabilité

7 novembre 2005, par Bernard Yves

Alors que le sommet de l’État connaît un nouveau remaniement ministériel, les Malgaches sont confrontés aux conséquences de la hausse des carburants qui pèsent sur tous leurs achats. 8 sur 10 vivent sous le seuil de pauvreté, et attendent plus que jamais des réponses urgentes à leurs problèmes dramatiques.

L’actualité sociale et politique de la Grande Île a été marquée par des évènements, qui illustrent la sérieuse crise sociale dans laquelle se débat le pays, créant une situation qui menace la stabilité, économique et politique du pays.
Le long week-end de la Toussaint, qui a apporté un répit de quatre jours, aux salariés, à l’administration et aux services, est une mesure inhabituelle, depuis que Marc Ravalomanana est arrivé au pouvoir. En effet, comme tout entrepreneur qui se respecte - c’était son métier avant d’être élu - le chef de l’État limite au possible les jours fériés et chômés qui sont autant de manque à gagner pour les entreprises, dont la sienne.
Pourquoi ce long week-end ? Personne n’en sait trop rien. Sinon peut-être pour tenter de calmer l’opinion, qui vient d’être accaparée, par le différend opposant l’Église protestante reformée (FJKM) dont Ravalomanana est le vice-président, et son aile dissidente l’Église protestante nouvelle de Madagascar (FPVM), qui vient d’être interdite par arrêté du ministère de l’Intérieur, rendu effectif le 25 octobre dernier. Le FPVM compterait quelque 300.000 fidèles repartis dans toute l’île.

Deux ministres remplacés

Par ailleurs, on se doute que le succès grandissant des meetings des opposants, groupés dans trois entités "TROIS N", et tenus successivement, à Toamasina, Mahajanga, Tuléar et Antsiranana, ne manquent pas d’irriter le pouvoir. S’y est ajoutée la décision des sénateurs AREMA, majoritaires dans cette Institution, qui ont refusé de siéger, pour protester contre le refus de l’Assemblée Nationale (majoritairement TIM - Parti présidentiel) d’inscrire dans l’ordre du jour un projet de Loi d’amnistie adopté par le Sénat et transmis à la chambre basse.
Ainsi, l’opinion, habituée aux effets d’annonce du président de la République n’a commenté que très peu le dernier remaniement ministériel, - le huitième - qui a abouti au remplacement de deux ministres celui de la Jeunesse et des Sports, et celui du Commerce, de l’Industrie et du Secteur privé.
De tels changements à la tête de l’État ne retiennent plus l’attention tant ils ont été nombreux durant les 44 mois du pouvoir de Marc Ravalomanana, qui a remercié 44 ministres ! (“L’Hebdomadaire de Madagascar” du 28 octobre 2005).

Difficultés inextricables

On comprend mieux cette indifférence de la population. Cette dernière fait face aux difficultés inextricables, qui sont le quotidien des malgaches :

- les délestages pratiqués par la JIRAMA (compagnie d’électricité), provoquant des coupures de courant de plus en plus fréquentes, et de plus en plus prolongées, alors qu’il est annoncé que la facture d’eau et d’électricité de la JIRAMA sera augmentée de 50% ce mois de novembre.

- l’augmentation du coût de l’essence à la pompe, et ses conséquences prévisibles sur le coût de la vie. Aujourd’hui un litre d’essence s’achète environ 1 euro, alors que le salaire moyen mensuel d’un travailleur, tourne autour de 20 euros.
Par ailleurs de nombreuses interrogations surgissent sur la fiabilité des chiffres publiés par l’Institut national de la statistique (INSTAT) qui pour beaucoup, relèvent de la manipulation. À ce propos une polémique vient de surgir : l’association internationale "Transparency International" dénonce la recrudescence de la corruption, à Madagascar en 2004-2005. Le Premier ministre en personne, lui, s’inscrit en faux contre cette déclaration, accusant "Transparency International" de mal faire son travail, et de partialité.

Apporter des réponses urgentes

Les débats prochains à l’Assemblée Nationale, sur le projet de loi budgétaire pour l’année 2006, ne manqueront pas de faire surgir discussions, et commentaires car les bailleurs de fonds internationaux (FMI, Banque mondiale, BAD, Union européenne) ne cachent plus leurs inquiétudes quant aux méthodes de gestion des finances de l’État qui n’ont pas grand chose à voir avec l’orthodoxie. Selon les observateurs, elles ont déjà ouvert la porte à des dérapages, qui ont frappé de plein fouet la monnaie malgache qui coule doucement face aux devises étrangères (1euro = 12.000 fmg)
Si l’opposition insiste, lourdement, pour la mise en place d’une "transition", rejetée par le parti au pouvoir, c’est qu’elle craint que la dégradation de la situation sociale, ne favorise des explosions incontrôlables. C’est d’ailleurs ce que confirme la dernière session du Comité central du Parti AKFM (réuni les 28 et 29 octobre), qui estime que cette transition devrait non seulement apporter des réponses urgentes aux questions posées par les 80% de Malgaches vivant au-dessous du seuil de pauvreté, mais devrait aussi préparer les conditions pour l’avènement d’une quatrième République.

Bernard Yves


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