Pré-campagne houleuse

De notre correspondant à Madagascar.

13 octobre 2006, par Bernard Yves

Le Gouvernement malgache a fixé au 14 octobre prochain la date limite du dépôt auprès de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) des dossiers des candidats à la magistrature suprême, dont l’élection aura lieu le 3 décembre. À quelques jours de cette date, l’atmosphère politique est de plus en plus tendue.

Ce climat de tension est notamment illustré par les péripéties qui ont entouré le retour de l’ancien Vice-Premier ministre Pierrot Rajaonarivelo, Secrétaire national du parti AREMA qui, il y a déjà quelques mois, avait annoncé sa candidature à l’élection présidentielle.

Rappelons que M. Pierrot Rajaonarivelo, accusé d’abus, de détournement de derniers publics, de faux etc... avait été condamné en 2005 à 15 ans de prison et 5 ans de travaux forcés avec mandat de dépôt à l’audience. Sa condamnation fait jusqu’à ce jour l’objet d’une vive controverse juridique, d’autant qu’un haut fonctionnaire du Ministère des Finances de l’époque avait assumé l’entière responsabilité de ces délits présumés et s’est rétracté par la suite. Par ailleurs, M. Rajaonarivelo s’étant pourvu devant la Cour de Cassation, les juristes dénoncent les menaces d’arrestation qui pèsent sur lui.

C’est dans ce contexte qu’a été annoncée l’arrivée de Pierrot Rajaonarivelo qui devait assister aux travaux du Congrès de l’AREMA réuni à Toamasina les 7, 8 et 9 octobre. Le 7 octobre, l’avion qui transportait M. Rajaonarivelo n’a pu atterrir à Toamasina, le Ministère des Travaux publics ayant décidé en catastrophe de fermer tous les aéroports reliant Madagascar à l’extérieur (Toamasina, Diégo-Suarez, Sainte-Marie, Nosy-Be) hormis Ivato-Antananarivo, et ce, jusqu’en Janvier 2007.

M. Pierrot Rajaonarivelo, avant son départ de France, avait alerté l’opinion internationale, notamment le Gouvernement français, sur son cas. Contraint d’atterrir à La Réunion après cet incident, il a poursuivi sur cette lancée en exhortant ses compatriotes à une grève générale.

Mais la polémique autour de ces élections ne se limite pas à “l’affaire Pierrot Rajaonarivelo”. La majorité des candidats se sont réunis dernièrement à l’initiative des 3FN ou plate-forme de l’opposition, pour adopter une Charte commune aux candidats. Ils insistent fermement sur le strict respect de la légalité, de la transparence et de la démocratie dans le processus électoral. La société civile, diverses associations, des citoyens, de leur côté expriment leur suspicion quant à la véracité des statistiques officielles publiées par le Ministère de l’Intérieur concernant le nombre des électeurs inscrits, l’établissement des listes électorales, l’emplacement et le nombre des bureaux de vote etc...

Par ailleurs, bon nombre s’étonnent de l’attitude de certains “bailleurs de fonds” étrangers qui semblent occulter les critiques publiées quotidiennement par les médias, et continuent d’affirmer que "tout est normal" en remettant leur "quote-part" en ordinateurs et autres moyens financiers pour la tenue d’un scrutin "transparent et démocratique", affirment-ils.

Aucun écho sur la refonte du code électoral

Alors que la deuxième session ordinaire du Parlement s’est ouverte quelques semaines plus tôt, les observateurs notent le verrouillage du pouvoir concernant la refonte du Code électoral souhaitée par la majorité de l’opinion. Cette refonte a obtenu l’aval de la Fédération des Eglises Chrétiennes (FFKM), qui a concocté un “nouveau” code dont l’examen par le Parlement a été renvoyé aux calendes grecques.

Parmi les grands principes retenus par toutes les entités qui souhaitent un “nouveau” code électoral, figure entre autres le plafonnement des dépenses électorales afin d’assurer un minimum d’égalité entre les candidats.

En effet, les médias calculent que le budget de chaque candidat devrait avoisiner 800 millions d’ariary (soit environ 310.000 euros) outre les “cadeaux” pour pouvoir affronter le scrutin dans des conditions normales. Ces chiffres interpellent plus d’un, lorsque l’on se souvient que Madagascar figure parmi les 50 pays les plus pauvres au monde et que le salaire mensuel moyen d’un travailleur malgache se chiffre à 21 euros !

Rappelons enfin que diverses associations, partis politiques, membres de la société civile, des “ray aman-dreny” (1) penchent de plus en plus nombreux pour un report du scrutin, afin qu’il se déroule dans le calme pour éviter le retour d’une crise comme en 2002.

Bernard Yves

(1) Ces “ray aman-dreny” signataires d’une déclaration commune datée du 18 septembre 2006 sont ; le Père Rémi Ralibera (sj), l’ancien Premier ministre Guy Willy Razanamasy, l’ancien Président de la République Zafy Albert, Gisèle Rabesahala, ancienne Ministre de la Culture, Rakotomahanina Ralaisoa, ancien Recteur de l’Université d’Antananarivo, Madeleine Ramaholimihaso, co-fondatrice et Présidente d’honneur du KMF-CNOE, et coordinatrice de l’Observatoire de la Vie nationale, le Général Désiré Ramakavelo, ancien Ministre des Forces armées.


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