Les raisons de la colère du peuple malgache — 1 —

Des émeutes latentes depuis 2006

19 mars 2009

Le 2 février dernier, le site ’Mondialisation.ca’ publiait un article de Jean-Luc Raharimanana intitulé ’Les raisons de la colère
 contre le président de Madagascar’. Il donne un point de vue sur la manière dont se sont déclenchés les événements qui ont amené à la création d’une Haute autorité de Transition présidée par Andry Rajoelina pour diriger le pays dans l’attente de l’organisation d’élections.

« Je croyais Marc Ravalomanana très populaire, et je ne comprends pas trop ce qui se passe ». Cet étonnement résume parfaitement la situation, au moment où le maire de la capitale, Andry Rajoelina, se proclame nouveau dirigeant du pays.
Les médias avaient laissé Madagascar en 2002 à l’aube d’une ère nouvelle, démocrate bien évidemment, bien décidé à sortir la tête de sous l’eau du sous-développement. En 2002 donc, un peuple s’était levé pour renverser l’amiral sans flotte Didier Ratsiraka (vingt-trois ans au pouvoir en tout) et l’envoyer sans façon dans la banlieue misérable de Neuilly-sur-Seine.
L’histoire était belle, un petit laitier, pratiquement illettré, fils de pauvres paysans, avait bâti sa propre fabrique de yaourts, et, à force de travail et d’acharnement, forgé un empire agroalimentaire, Tiko, avant de gagner, par les élections s’il vous plait, la Mairie d’Antananarivo, la “Ville des milles”.
Un an après la mairie, il avait ravi la présidence de la République, et ce, grâce toujours à la force de sa volonté, à sa soif de réussite et de liberté. Il lui avait fallu pour cela entraîner tout le peuple malgache dans la révolte (…), entretenir une révolution pacifique sur la place hautement symbolique du 13 Mai, là où la première République néocoloniale était tombée en 1972, là où en 1991, Didier Ratsiraka était tombé pour la première fois avant de revenir en 1997. Il lui avait fallu prendre les armes — une première dans l’histoire malgache —, pour conquérir complètement toute l’île. Le monde pensait qu’enfin, après tant de sang versé, 1947, 1972, 1991, Madagascar allait enfin connaître la paix et la prospérité. On ferma le ban. (…)
Même Amnesty International, très présent lors des troubles de 2002, la retirait des pays à observer prioritairement. Ravalomanana allait s’y engouffrer avec délectation.

Le feu couvait

Si les récentes images de pillages et d’émeutes ont surpris à l’étranger, il n’en va pas de même pour les Malgaches. Le feu couvait depuis la réélection de Ravalomanana en 2006, après une panne d’électricité bienvenue dans les locaux du ministère de l’Intérieur en plein décompte des voix…
Les émeutes étaient latentes, la situation était tendue : qui ne se souvient de la situation loufoque où un candidat à la Présidentielle, Pierrot Rajaonarivelo, n’eut pas le droit de fouler le sol malgache ? Mais également la Constitution remaniée de manière à rendre impossible la candidature des métis.
On parla beaucoup de l’ivoirité de Bédié, mais le pur jus malgache est également disponible dans les rayons constitutionnels de nos tristes tropiques.
Car ce qui arrive aujourd’hui est bien le fait de Ravalomanana, l’homme en qui une très grande majorité de malgaches avaient placé leurs espoirs, l’homme qui, ayant su bâtir son empire commercial, ne pouvait que réussir à la tête du pays. Mais Ravalomanana a raté l’occasion de devenir un grand homme.
La France, comme les autres bailleurs de fonds, ne sont pas dupes de la nature dictatoriale du régime de Ravalomanana, mais le cynisme économique n’a que faire de ces questions, le FMI comme la Banque Mondiale misent sur lui pour garantir un pouvoir “stable” et “cohérent”, afin que le commerce et les investissements se déroulent dans un “climat et un environnement favorables”.

Situation guère étonnante

Ces pays, institutions et entreprises internationaux en ont pour leurs frais ces derniers jours…
Si les émeutiers de ces derniers jours s’en sont pris en premier lieu aux biens et entreprises liés à Ravalomanana, ce n’est guère étonnant. Si les zones franches et centres commerciaux sont pris pour cibles, ce n’est guère étonnant.
Un nombre important d’internautes crient au suicide économique par ces pillages systématiques, il est vrai que Madagascar y va tout droit maintenant. Mais est-ce bien surprenant quand les politiques présentent la pauvreté comme un atout économique à préserver, le moindre coût de la main d’œuvre, l’absence de protection sociale qui rend la vie facile aux zones franches (qu’on appelle vu d’Europe les entreprises délocalisées) ?
Est-ce bien surprenant quand ces mêmes politiques arguant d’un investissement à long terme promettent à la location 1.300.000 ha, la moitié des terres cultivables du pays, pour une entreprise privée, le Sud-coréen Daewoo, pour une culture de maïs transgéniques, toute destinée à la population coréenne ?
Est-ce bien surprenant quant les pillages des ressources minières se font au grand jour ?

(à suivre)


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