Retour sur les Journées scientifiques « Regards croisés sur le Nord de Madagascar »

« Dynamique de l’écriture de la malgachéité et de la créolité chez Jean Luc Raharimanana et Raphaël Confiant », par le Docteur Juliana Lovatiana

18 septembre 2023, par Manuel Marchal

Les Journées scientifiques « Regards croisés sur le Nord de Madagascar : histoire, économie et culture » organisées par la Section Antsiranana de l’Académie malgache se sont tenues les 14 et 15 septembre derniers à la mairie d’Antsiranana. « Langue et parlers régionaux » étaient un sous-thème de ces Journées scientifiques. C’est dans ce cadre qu’est intervenue le Docteur Juliana Lovatiana, Maître de conférence en Littérature francophone à l’Université d’Antsiranana. Sa communication s’intitulait « Dynamique de l’écriture de la malgachéité et de la créolité entre la déterritorialisation de la langue d’écriture et la reterritorialisation de la culture chez Jean Luc Raharimanana et Raphaël Confiant ».

Madagascar compte de nombreuses langues régionales qui sont autant de langues maternelles. Le malgache officiel permet à tous les Malgaches de se comprendre. C’est une des deux langues officielles du pays, à côté du français. Le français est donc une des langues d’enseignements. Ceci fait que la littérature malgache, tout comme la réunionnaise ou antillaise, comprend des auteurs francophones. Cette littérature francophone dans d’anciens pays colonisés fait l’objet d’études, notamment à Madagascar. Une communication portait sur ce domaine lors des Journées scientifiques de l’Académie malgache organisées à l’hôtel de ville d’Antsiranana les 14 et 15 septembre derniers. Il s’agissait de « Dynamique de l’écriture de la malgachéité et de la créolité entre la déterritorialisation de la langue d’écriture et la reterritorialisation de la culture chez Jean Luc Raharimanana et Raphaël Confiant », par le Docteur Juliana Lovatiana, Maître de conférence en Littérature francophone à l’Université d’Antsiranana.
Juliana Lovatiana a écrit un texte sur Jean-Luc Raharimanana et Raphaël Confiant qui tire son intérêt du concept d’identité de l’écriture, « Une approche intertextuelle de la réfutation dans littérature malgache, de l’une, et dans la littérature antillaise, de l’autre » (2019). Elle est l’auteure d’un autre document retraçant la thématique de l’écriture de la migration dans la littérature en matière de frontières, passages, errances et figures du tragique moderne de « L’écriture de l’exil à l’exil de l’écriture dans Nour, 1947 de Jean Luc Raharimanana » (2019). Elle a continué de travailler sur les « Traversées identitaires dans les littératures francophones malgache et martiniquaise postmodernes » (2020).

« L’écrivain d’un pays dominé n’est jamais complètement autonome »

En introduction, l’enseignante-chercheuse a souligné « l’innovation comme le reflet identitaire et culturel, la « création d’une écriture entre deux langues, deux cultures », un « appel au passé colonial, un état de lieu de production dans des disparités culturelles, politiques et économiques, et au développement humain » et « l’exercice d’une poétique novatrice dans la mise en relation de l’imaginaire malgache et créole ».
Parmi les objectifs de la communication, les faits notamment que « l’écrivain d’un pays dominé n’est jamais complètement autonome » ; que « l’esthétique de rupture n’était pas étrangère à la fécondité retrouvée de la littérature francophone postcoloniale ».
La réflexion s’est portée sur « les personnages de la réfutation du féminin errant et leurs manifestations textuelles (Gérard Genette, 1992) ».

L’errance une rébellion en action

Chez Jean Luc Raharimanana et Raphaël Confiant, « la femme au centre du texte, un protagoniste raconte son histoire de son propre point de vue dans une narration autodiégétique », indique Juliana Lovatiana. « L’errant féminin s’agit plutôt du féminin vagabond, fugitif, rebelle et par là même transgressif. Sa mobilité, sa mutabilité est son seul enracinement, à la fois déraciné, car c’est une manière d’habiter le monde en franchissant constamment les frontières des nations, des races, des classes, des sexes, des genres, des espèces », poursuit-elle, « l’errance opère comme un moyen de résistance ou de lutte contre les formes hégémoniques de pouvoir ou de prescription culturelle, c’est une rébellion en action, une politique de l’être déplacé impliquant l’absence d’un espace propre ou la non-fixité dans un espace ».
Dans cette étude sur Jean Luc Raharimanana et Raphaël Confiant, « sans exception, les deux personnages féminins errent pour remettre en cause l’identité sexuelle, pour permettre les déplacements de cette identité au-delà du binarisme anatomique », ajoute l’enseignante-chercheuse qui note que « la fuite du féminin n’est pas la recherche d’une échappatoire, mais un acte de défi et une prise de risque, (à l’image de Nour chez Raharimanana), puis une ouverture à la contingence et à l’imprévisible (à l’image d’Antilla chez Confiant). Insaisissable, mobile, protéiforme, le féminin émerge dans l’écriture, comme dirait encore Édouard Glissant, cette écriture féminine qui s’inspire de l’espace insulaire au centre de ce « chaos-monde » ».

Conclusion

La communication de Juliana Lovatiana présente notamment les conclusions suivantes.
Tout d’abord, « retracer la tradition orale dans l’écrit où le créole et le malgache s’intègrent dans la syntaxe du français littéraire comme un signe de « revendication identitaire » (l’écrit et l’oral se conjuguent de sorte à obtenir une esthétique qui fait résonner les mots et confère une sonorité particulière au texte). »
Ensuite, « la littérature malgache et la littérature martiniquaise francophone, qu’elle soit écrite par des femmes ou des hommes, s’est penchée sur la problématique du genre avec les enjeux du langage féministe postcolonial ».
Et enfin, elle met en évidence l’importance de « Recherche textuelle féministe » et « Recherche textuelle masculiniste » : tentative de « territorialisation de la culture » (Michel BENIAMINO, La Francophonie littéraire, 1999) pour la région de l’océan Indien et des Antilles où l’histoire des peuplements des îles est à l’origine d’une grande disparité de langues et cultures en contact.

Juliana Lovatiana

Juliana Lovatiana est maître de conférences en Littératures francophones à l’Université d’Antsiranana (Madagascar). Elle est enseignant-chercheur depuis 2010 et Responsable de Parcours « Ethno-littérature » en Master « Littérature et Interculturalité » où elle est la Responsable de Mention depuis 2022. En mars 2023, elle est nommée Chef de Service de Communication au sein de la Direction de Communication et Partenariat auprès de l’Université d’Antsiranana. Actuellement, elle participe activement, dans la page « Culture » du Journal « Midi Madagasikara », à partager la diversité de lecture vers l’inclusivité de la littérature et de la culture malgache. Notamment, elle est aussi une contributrice fidèle du magazine culturel « Mozaïk », revue internationale en ligne. Actuellement, elle est en mobilité scientifique à l’Université Bordeaux Montaigne pour ses recherches postdoctorales.
Ses travaux postdoctoraux en cours se portent sur la problématique de genre, littéraire ou non, dans des textes contemporains malgaches. Sa recherche en Littératures Francophones dans sa thématique actuelle s’articule sur les « Discours de nouvelles voix d’Afrique émergentes ». Elle examine notamment la possibilité d’une écriture d’intervention dans le cadre d’approches méthodologiques de recherche féministes dans la littérature malgache — c’est-à-dire, l’écriture féministe des auteurs malgaches francophones depuis les années 80.
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