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Jacques Rabemananjara, l’un des “accoucheurs” de l’indépendance malgache, écrivain dramaturge et poète, s’est éteint dans sa 92ème année, le samedi 2 avril 2005, à Paris, où il a passé une très large partie de sa longue vie. Il est né le 23 juin 1913 à Maroantsetra dans la baie d’Antongil (côte Est de Madagascar).
D’origine Betsimisaraka, il est issu d’une famille aisée qui l’envoie faire ses études au petit séminaire de Sainte-Marie, puis au grand séminaire de Tananarive. Ses activités littéraires commencent au milieu des années 30, lorsqu’il dirige à Antananarivo la “Revue des jeunes de Madagascar”, bientôt frappée d’interdiction par les autorités coloniales.
En 1939, Jacques Rabemananjara fait partie de la délégation malgache invitée au 150ème anniversaire de la Révolution française. La guerre le surprend en France où il avait décidé de poursuivre ses études, à la Sorbonne. Son premier recueil de poèmes, “Sur les marches du soir”, paraît à Gap en 1940. Il fait la rencontre de Léopold Sedar Senghor et d’Alioune Diop avec qui il crée, après la guerre, la revue “Présence africaine”.
Sa vie d’homme politique engagé pour l’Indépendance de Madagascar commence après la guerre, avec l’élection de l’Assemblée nationale constituante et la préparation d’une Constitution dont certains articles donnent aux patriotes malgaches l’espoir de débattre avec les autorités coloniales d’un statut d’indépendance au sein de l’Union française.
En février 1946, il fonde avec ses compatriotes, les députés Raseta et Ravoahangy, à Paris, le Mouvement démocratique de la Rénovation malgache (MDRM), dont il devient à son tour l’un des députés, élu pour la première fois en novembre 1946 dans la région de Tamatave. Le Mouvement patriotique rencontre très vite un immense succès.

Torturé

Arrêté avec les milliers d’autres patriotes malgaches après l’insurrection du 29 mars 1947, il est torturé et expédié en prison à vie après le simulacre de procès qui condamne à mort, le 3 octobre 1948, six des co-inculpés, dont les députés Raseta et Ravoahangy. Ce procès à scandale suscite en France une vague d’indignation et un fort mouvement de solidarité relayé à l’Assemblée nationale. Le mouvement progressiste réunionnais issu du CRADS a participé à ces actions de solidarité avec les patriotes malgaches.
Au cours des longues années d’emprisonnement, Jacques Rabemananjara écrit quelques-uns de ses plus beaux poèmes. Il a souvent raconté les circonstances dramatiques dans lesquelles fut écrit le poème “Antsa” (1948). "Le gardien-chef de la prison venait de nous annoncer qu’on allait dans deux jours nous faire fusiller sur la place publique, au Zoma, en plein centre de Tananarive. Une émotion me dicta une sorte de testament destiné à ma fille". François Mauriac en préfaça la réédition. Inclus, ainsi que les textes de Jean-Joseph Rabearivelo et de Flavien Ranaivo dans l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache que L. S. Senghor fait paraître en 1948, les œuvres du poète emprisonné le rattachent, tout comme “Lamba” (1956) ou “Antidote” (1961), au mouvement de la “Négritude”.
Amnistié en 1956, il ne retourne à Madagascar qu’au moment de l’indépendance, en 1960 et dirige différents ministères - dont celui des Affaires étrangères - dans les gouvernements du premier président de la République malgache, Philibert Tsiranana.
Après la révolution de 1972, il choisit de s’exiler en France. “Les Ordalies, sonnets d’outre-temps” paraissent en 1972, à Présence africaine. Son dernier ouvrage, un essai sur le Prince Razaka, est paru en 1998.
À l’exception d’une tentative de retour politique dans son pays, en 1993, il a passé la plus grande partie de sa vie en France, à laquelle il vouait une grande admiration.
Des funérailles nationales auront lieu à Madagascar, où son corps va être rapatrié, a annoncé un communiqué du gouvernement.

P. David

Une thèse de doctorat

En mai 2004, une thèse de doctorat en littérature comparée, soutenue à l’Université de La Réunion sous la direction de Gwenhaël Ponnau, a développé les deux grandes facettes de la vie de cette grande figure malgache sous le titre : "Jacques Rabemananjara, écrivain et homme politique malgache : de l’éthnicité au cosmopolitisme". Son auteur, Julien Naiko, est lui aussi une personnalité à facettes multiples, ancien chef du cabinet militaire du président Didier Ratsiraka, aujourd’hui général de gendarmerie et “numéro 2” de l’armée malgache, docteur en Sciences politiques et Maître de conférences à l’Université de Tananarive.