Pour l’ancien vice-président de la Cour internationale de justice, le débat juridique a été clos par le vote de la résolution de l’ONU voici 40 ans

Iles Eparses : la souveraineté de Madagascar peut s’exercer dans une « gouvernance mondiale des océans »

17 juin 2019

Pour l’ancien vice-président de la Cour internationale de justice, Raymond Ranjeva, l’assemblée générale de l’ONU a reconnu la souveraineté de Madagascar sur les îles Eparses et donc le débat juridique est clos. Quant à l’exercice de la souveraineté, le juriste rappelle que « dans un cadre de globalisation, une approche exclusivement souverainiste n’a pas de sens. Même dans le cadre européen, chaque État ne gère pas séparément sa politique maritime ! Pourquoi ne pas penser à une gouvernance mondiale des océans ? ». Mais pour que Madagascar soit dans cette instance, sa souveraineté sur les îles Eparses, reconnue par la communauté internationale, doit s’exercer.

Ces objets — fabriqués par les esclaves naufragés malgaches — ont été trouvés lors d’une expédition sur l’île Tromelin.
(photo SP)

Raymond Ranjeva est président de l’Académie malgache. Il a aussi été juge et vice-président de la Cour internationale de justice (CIJ) de 1991 à 2009. En 1979, lui et son équipe ont obtenu le vote par l’Assemblée générale de l’ONU du texte qui demandait au gouvernement français d’entamer « sans plus tarder des négociations avec le gouvernement malgache en vue de la réintégration des îles, qui ont été séparées arbitrairement de Madagascar ». Après la rencontre entre les présidents malgache et français et la proposition d’une commission mixte pour régler ce différend d’ici l’année prochaine date du 60e anniversaire de l’indépendance de Madagascar, Marcel Ranjeva a apporté un éclairage sur cette question dans les colonnes de « Jeune Afrique ».

Décolonisation tronquée

Pour lui, « le problème juridique est clos. En 1960, c’était une décolonisation tronquée. Les îles ont été coupées du territoire de Madagascar par un acte unilatéral de l’Autorité française le 4 avril, après la clôture des négociations, à la veille du paraphe des accords en vue de l’indépendance. »
Il ajoute que « c’est une date qui, au regard de la pratique du droit international, relève de la période dite « suspecte » au cours de laquelle les parties prennent, hors débats, des actes unilatéraux. Les membres de la délégation malgache de 1960 que j’ai interrogés m’ont dit que ces petites îles n’ont jamais été évoquées. À mon avis, c’est ce qui s’est passé. Et nous nous sommes servis de cet argument en 1979 ».
« Si vous regardez le dernier avis de la CIJ sur les Îles du Chagos, en 2019, vous verrez dans l’exposé des motivations qu’il est pris acte de la résolution de 1979 sur les Îles malgaches », ajoute-t-il, « pour quiconque a fait du droit, il est évident que le problème juridique est clos… Par ailleurs, la co-gestion est un non-sujet. Le Sénat français a déjà refusé cette proposition sur le différend de l’île de Tromelin, avec Maurice ».

Conforté par l’avis sur les Chagos

Et de préciser qu’en 1979, « la France nous a dit : « Ces îles n’ont strictement aucun intérêt ». L’appellation « îles Éparses » est d’ailleurs une manifestation du désintérêt français vis-à-vis de ces îles à l’époque, et a une connotation colonialiste aujorud’hui ».
Quand à la question de l’exercice de la souveraineté, le juriste estime que « c’est un faux problème ! »
Il précise que « dans un cadre de globalisation, une approche exclusivement souverainiste n’a pas de sens. Même dans le cadre européen, chaque État ne gère pas séparément sa politique maritime ! Pourquoi ne pas penser à une gouvernance mondiale des océans ? » Et de conclure : « aujourd’hui, il nous faut des institutions universelles avec une gestion équitable qui assure la justice et la paix. Voilà le vrai problème ! Mais la souveraineté malgache doit demeurer car la participation de Madagascar à cette autorité est justement conditionnée par cette souveraineté ».

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