Madagascar rêve de cueillir les fruits de sa biodiversité

L’État peine à sensibiliser des habitants minés par la pauvreté.

18 juillet 2006

Mère Nature à la rescousse de Madagascar, l’un des pays les plus déshérités de la planète ? Elle ne pourra sans doute pas tout faire seule, mais puisque les humains paraissent décidés à y mettre un peu du leur, c’est une piste à ne pas négliger pour sortir la Grande Ile de son marasme. L’idée avait été lancée en grande pompe en 2003 par le président malgache Marc Ravalomanana. À Durban (Afrique du Sud), il avait annoncé le triplement en cinq ans de la surface des aires protégées de l’île. La "vision" du président malgache tarde à prendre une dimension concrète, et le programme ne tiendra pas les délais initialement fixés. Mais, la semaine dernière, en choisissant d’organiser à Antananarivo son grand raout écologique, l’ONG américaine Conservation International (CI) a validé le leadership malgache dans le domaine de la protection de la biodiversité.

Écotourisme

Madagascar aurait tort de négliger son écosystème, unique au monde en termes d’espèces animales et végétales, endémiques à 85%. Mais comment transformer cette richesse naturelle en richesse économique ? L’écotourisme est une piste évidente. Déjà, parmi les quelque 200.000 visiteurs annuels de ce gros caillou rouge de l’Océan Indien (grand comme la France et le Benelux), rares sont ceux qui ne passent pas un des parcs naturels.
Le potentiel est infini. Pour voir des lémuriens par exemple, Madagascar est un lieu de prédilection. Avec les trois nouveaux spécimens officiellement présentés la semaine dernière, on y recense aujourd’hui pas moins de soixante et onze espèces de primates différentes. Russ Mittermeier, le président de CI, veut ainsi développer des modèles de mini économies autour des réserves et témoigne que "beaucoup de villageois viennent voir l’ONG pour créer des réserves". "La moitié des revenus générés par les droits d’entrée leur revient, garantie Sylvain Rabotoarison, ministre de l’Environnement, les communautés locales sont maintenant au centre du dispositif."
Mais si les bénéfices immédiats de l’écotourisme sont faciles à expliquer, il n’en va pas de même des conséquences de la déforestation qui appauvrit les sols et la qualité de l’eau. La culture sur brûlis est un fléau que les paysans n’accepteront d’abandonner que si on leur apporte une alternative viable. Le président Ravalomanana lui-même se montre en privé plus circonspect quant à une proposition de CI, calquée sur un programme existant au Costa Rica, qui consiste à faire payer le "vrai prix"de l’eau afin de reverser des primes à ceux qui s’engagent à respecter leur environnement.

"Pragmatique"

L’élection présidentielle se profile en décembre, et les desseins écologiques du chef de l’État pèsent peu en regard des besoins de la population. Les spécialistes ayant participé au symposium se sont échinés à démontrer que le développement durable, pour être viable, doit nécessairement s’accompagner d’une réelle politique environnementale. Et cette dernière ne peut exister sans une vaste sensibilisation. "Quand on leur explique de façon pragmatique, les gens comprennent, assure Sylvain Rabotoarison, même les enfants ont arrêté de s’amuser en organisant des combats de caméléons."
La signature d’une charte de l’environnement dès 1990 et la succession de plans quinquennaux depuis lors ont pourtant eu du mal à freiner la dégradation de la biodiversité malgache. En couplant aujourd’hui ce souci environnemental à une perspective de développement économique, l’engagement politique apparaît plus volontaire. Le défi est décisif pour l’île : la population locale, trop souvent misérable, pourrait en être la première bénéficiaire. Mais cela pourrait aller au-delà, comme l’a rappelé la semaine dernière le président Ravalomanana : "Je me dois de protéger notre environnement, non seulement pour le peuple malgache, mais aussi pour l’humanité tout entière. C’est une responsabilité sacrée."


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus