Madagascar

La pré-campagne démarre, la crise sociale perdure

13 juillet 2006, par Bernard Yves

Alors que se prépare la prochaine élection présidentielle, les Malgaches dans leur large majorité sont toujours confrontés à la crise sociale.

Les échos du Mondial 2006 éteints, les difficultés du quotidien ressurgissent pour le simple citoyen de la Grande-Ile. En effet, si un temps l’intérêt de l’opinion s’était focalisé sur cet évènement, aujourd’hui, les questions politiques et sociales reviennent au premier plan.
Dans les domaines économique et social, la situation reste toujours aussi précaire, et les ateliers régionaux convoqués par le Gouvernement pour examiner le M.A.P. (Madagascar Action Plan) censé remplacer le DSRP (Document de Stratégie pour l’Éradication de la Pauvreté) élaboré en 2003 avec la participation des bailleurs de fond (Banque mondiale, Union européenne,...) ne font qu’aggraver la confusion, quant aux objectifs économiques et sociaux fixés par le Gouvernement.
Les observateurs notent que, d’une part, les objectifs majeurs du feu - DSRP n’ont pas été atteints : recettes fiscales, notamment douanières, maîtrise de l’inflation, investissements étrangers... et que d’autre part, aucun bilan exhaustif, des échecs, et des succès du DSRP et de leurs raisons respectives, n’a été rendu public.

Des candidats

C’est une des raisons pour laquelle, beaucoup assimilent cette agitation du Gouvernement autour du MAP à un argument électoral de Marc Ravalomanana. Quoique n’ayant pas encore annoncé officiellement son entrée en lice, le Président sera certainement candidat à sa propre succession. De ce point de vue, l’opposition n’est pas en reste. Dix partis d’opposition dits “modérés” membres de la coalition 3FN ont annoncé la candidature de leurs dirigeants respectifs, qui sillonnent le pays et multiplient les rencontres avec les médias.
Pour sa part, la fraction radicale des 3FN, campe sur les positions qu’elle a défendues jusqu’ici : assainissement politique préalable à tout scrutin, par une amnistie des détenus et exilés politiques condamnés en 2002, et mise en place d’une structure provisoire indépendante chargée notamment de préparer les élections.

Envolée des prix

La majorité de la population quant à elle, constate dans une apparente indifférence, l’envolée des prix sur les marchés : PPN, coût de l’essence à la pompe qui accuse une augmentation de quelque 300% par rapport à 2002, factures d’eau et d’électricité de la JIRAMA, etc...
Le Premier ministre a beau marteler en public que le Gouvernement a atteint 80% des objectifs de développement qu’il s’était fixés, l’apathie qui règne dans le pays, contredit ces affirmations, et l’amputation de 22% du budget de tous les Ministères, n’arrangera pas les choses.
Cette situation précaire n’apparaît pourtant pas dans les rapports d’activité des Ministères devant les députés, qui, d’ailleurs, ont déserté depuis belle lurette les travées de l’Assemblé n’étant tout au plus, qu’une cinquantaine (sur 160) à assister aux sessions.
Peu de personnes prêtent foi aux chiffres souvent contradictoires cités çà et là, par des responsables gouvernementaux ou autres hauts fonctionnaires, qui ne semblent guère prêter attention aux réalités quotidiennes vécues par la population.

La dure réalité quotidienne

Ainsi, le Bureau Municipal d’Hygiène de la commune d’Antananarivo (BMH) vient d’annoncer que, durant le mois de juin écoulé, 22 cadavres de personnes mortes de froid et de faim, ont été ramassés par ce service dans les rues de la capitale !
Les hôpitaux de la ville se plaignent de l’encombrement de leurs morgues, les familles refusant de retirer les corps de leurs parents décédés, faute de moyens.
La recrudescence des pillages de tombeaux défraye la chronique. Des auteurs de ces profanations ont avoué après leur arrestation qu’ils vendent ces ossements 75.000 fmg le kilo, quant aux acheteurs et commanditaires, ils courent toujours dans la plus totale impunité...
Les soucis du plus grand nombre semblent fort éloignés des préoccupations électorales des politiques, d’autant que l’opinion, s’interroge face à l’intransigeance du Gouvernement qui s’oppose à toute modification de la loi électorale pourtant contestée par la majorité des partis politiques, les autorités religieuses, la société civile.
La crise sociale actuelle, qui tend à s’aggraver, aura-t-elle des répercussions sur le déroulement de la campagne électorale, du scrutin et de ses résultats ? À l’étranger comme dans le pays, beaucoup s’en inquiètent, d’autant que le dialogue Pouvoir - Opposition, préconisé par le Secrétaire Général de l’ONU Kofi Annan, est toujours au point mort.

Bernard Yves


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