Le début de l’engagement politique de Gisele Rabesahala -5-

La répression politique et la formation de l’équipe des jeunes nationalistes communisants

7 janvier, par Georges Radebason

En 1947 à Madagascar, l’insurrection contre l’oppression coloniale éclata le 29 mars. Les colonialistes français utilisèrent ce prétexte pour détruire le MRDM dans le cadre d’une politique de répression massive qui fit sans doute plus de 100 000 morts. Des nombreux membres du MDRM furent arrêtés, y compris ses trois députés. Gisèle Rabesahala s’impliqua dans le soutien aux prisonniers et l’organisation de leur défense grâce à la solidarité des communistes français. En octobre 1947, la presse du MDRM recommence à paraître malgré les saisies et suspensions ordonnées par la justice coloniale.

A Tananarive, peu de membres du MDRM échappent à l’arrestation. Les deux amis de Gisèle Rabesahala, Arsène Ratsifehera et Remi Rakotobe, et plusieurs militants du MDRM de Tananarive sont aussi arrêtés et détenus pendant plusieurs semaines à l’hôtel de ville. Gisèle accompagne sa sœur Aimée Rabesahala, qui n’est autre que l’épouse d’Arsène Ratsifehera, son parrain politique, à l’hôtel de ville pour leur apporter des repas. Elle voit comment les militaires sénégalais maltraitent les détenus. C’est là qu’elle fait connaissance de la famille de Rémi Rakotobe, son père, sa sœur et ses frères Maurice et Henri Rakotobe. Des familles de détenus font connaissance, et pour le sort de leurs proches, elles décident de se réunir dans la maison du Dr Rakotonirainy. Parmi les personnes présentes à la première réunion, il y a les épouses du député Ravoahangy et du Dr Rakotonirainy, Zèle Rasoanoro, militante du MDRM épargnée par l’arrestation abusive, et Gisèle Rabesahala. Lors de cette réunion, elles se sont rendu compte que l’affaire est difficile et qu’elles doivent faire appel à un avocat français : « nous ne pourrons les défendre seuls, nous devrions chercher un avocat en France » (1). Le groupe se met en contact avec le Secours populaire français et le Comité franco-malgache et le Parti communiste français grâce à Raymond Lombardo et Pierre Boiteau, conseillers et membres du groupe communiste au Conseil de l’Union française.

Après quelques semaines de détention, plusieurs de ces détenus de Tananarive sont relâchés faute de charge. Arsène Ratsifehera et Remi Rakotobe retrouvent la liberté et rejoignent le groupe fondé par les proches des détenus. Le Secours populaire français prévient les familles de prisonniers de l’arrivée des avocats pour défendre les accusés. Arsène et Rémi demandent à Gisèle d’aider ces avocats. Elle accepte cette mission délicate mais sa mère s’inquiète pour elle. Face son insistance, ses larmes et sa détermination, sa mère finit par céder et lui donne son accord. Elle assure le rôle de secrétaire et interprète du groupe des avocats français venus spécialement pour défendre les accusés.
Sur tout Madagascar, des milliers des détenus, subissant des atrocités, tortures, humiliations en tout genre, attendent leurs procès prévus pour le deuxième semestre de l’année 1948. Parmi ces détenus, il y a ceux qui ont pris des armes aux côtés des sociétés secrètes et ceux qui ont milité légalement pour l’indépendance de Madagascar mais sont arbitrairement accusés parce qu’ils sont membres du MDRM. A l’appel du groupe des familles de détenus, quelques gens de bonne volonté participent discrètement au financement des démarches juridiques et aux aides en faveur des condamnés et de leurs familles.

La reprise des activités journalistiques

Après quelque temps de repli au lendemain de l’éclatement de la révolte, le groupe communiste dirigé par Raymond Lombardo refait son apparition devant la scène politique. Il apporte son soutien aux prisonniers de l’insurrection en luttant pour leur libération. Pour mener sa lutte, l’équipe de Lombardo, constituée par des proches du MDRM, décide de reprendre l’activité journalistique de la presse pro-MDRM dissoute après l’insurrection. Le 16 octobre 1947, paraît son premier journal La Fraternité — Fihavanana (2). Dans son équipe de direction et de rédaction il y a Raymond Lombardo, Zèle Rasoanoro, Jeannelle, Remi Rakotobe, Arsène Ratsifehera, Victor Razafimahazo. Le journal milite pour la libération des prisonniers politiques et reprend aussi la lutte pour l’indépendance de Madagascar. Il rapporte les difficultés vécues par ces détenues et leurs familles.

Comme à cette époque la pacification est encore en cours dans les zones insurgées, la liberté de presse est muselée. Le journal appartenant à cette équipe communisante est exposé aux foudres du pouvoir colonial, il connaît des conditions d’existence très difficiles. Pour assurer sa continuité, de 1947 à 1955, le journal souvent objet de saisies et de suspensions, est dans l’obligation de changer plusieurs fois son titre : Fraternité-Fihavanana, Tenimiera, Itenimiera, Ny Asantsika, Taridalana, Lalam-baovao. D’un titre à l’autre, la présentation, la politique rédactionnelle, les idées politiques vulgarisées sont maintenues. Elles accordent leur attention au déroulement du procès des inculpés de l’insurrection. Les questions du président du tribunal, les interventions des avocats, les explications apportées par les inculpés sont reproduites quasi intégralement par ces journaux (3).

(à suivre)

Georges Radebason

(1) Gisèle Rabesahala, op cit p.43
(2) Georges Radebason op cit p.37
(3) Ibid

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