Le début de l’engagement politique de Gisele Rabesahala -6-

Le grand procès de Tananarive

8 janvier, par Georges Radebason

De juillet à octobre 1948, Gisèle Rabesahala est impliquée dans la défense des accusés du procès de Tananarive. Organisé par le pouvoir colonial français, ce procès faisait partie la répression de la révolte de 1947. Il a débouché sur plusieurs condamnations à mort, dont celle de deux députés du MDRM. Face à ces peines très sévères infligées aux accusés, les opinions publiques malgache et française se manifestent pour revendiquer la libération pour les condamnés. Gisèle Rabesahala participa à cette solidarité.

Le grand procès de Tananarive, le procès des parlementaires et des dirigeants du MDRM se tient du juillet à l’octobre 1948. Pendant ce procès, Gisèle Rabesahala travaille avec les avocats français, l’Avocat général Rolland et Maître Douzon. Elle assure la collecte de dossiers et informations demandées par ces avocats, leur classement et puis la saisie de dossiers. Elle suit le déroulement du procès depuis son ouverture, le 28 juillet jusqu’à sa clôture, le jour du verdict, le 4 octobre. Les trois députés et les 29 co-accusés sont inculpés pour « instigation et provocation à des réunions séditieuses, rébellions et pillage, complicité d’assassinat » (1).

La défense des trois parlementaires du MDRM

Au cours de ce procès, les accusés expliquent leur non implication directe ou indirecte à l’insurrection. Entendus par la Cour criminelle les 2 et 3 août, les trois parlementaires font les déclarations suivantes (2) :
• Ravoahangy : « Je tiens à réprouver encore d’une façon formelle ici ces actes de barbarie qu’on a jamais vus dans les annales de l’histoire de Madagascar. Je réprouve toutes ces violences inouïes contre des femmes, des enfants, tous ces actes barbares des rebelles qui n’ont aucune excuse… »
• Rabemananjara : « La rébellion est une entreprise qui ne saurait être qualifiée que d’une entreprise de fous et de déments… nous avons cherché à collaborer avec la France et avec elle nous voulons travailler d’une façon loyale sans arrière-pensées, quoiqu’on pense l’accusation… »
• Raseta : « Je nie avec ma dernière énergie les accusations dont on me charge. Je ne suis pas complice d’une entreprise aussi abominable. Et ce n’est pas de nos intérêts d’aller démolir les résultats dont nous étions parvenus. On s’est servi de mon nom pour convaincre la masse… »
Dans leurs déclarations, les députés condamnent ces actes de rébellion qu’ils qualifient de barbares et d’abominables. Ils nient complètement toute relation avec les insurgés qu’ils considèrent comme des criminels.

Sévères condamnations

Gisèle Rabesahala qui assiste à ces procès, en entendant les déclarations de ces députés, croit à leur innocence et espère qu’ils seront relaxés. Contre toutes ses attentes, les verdicts prononcés par la Cour criminelle sont sévères :
Six mises à mort dont les députés Raseta et Ravoahangy, Augustin Rakotoarison, Martin Rakotovao, Pasteur Max Tata, Joël Sylvain.
• Quatre condamnations aux travaux forcés à perpétuité, le député Jacques Rabemananjara, Jean Baptiste Rabeatoandro, Jérôme Ranaivoson, Ramamonjy Raherivelo.
• Cinq condamnations aux travaux forcés allant de 5 à 10 ans.
En dehors de Tananarive, des milliers de combattants et de membres du MDRM sont condamnés et incarcérés sur tout Madagascar. Le tribunal de Fianarantsoa a prononcé 10 condamnations à mort.
Indignée par les décisions de la justice qu’elle juge injustes et abusives, Gisèle Rabesahala décide de s’engager davantage dans la lutte contre la répression coloniale et le soutien aux prisonniers politiques (3).

La solidarité avec les condamnés s’organise

Face à ces peines très sévères infligées aux accusés, les opinions publiques malgache et française se manifestent pour revendiquer la libération pour les condamnés. L’équipe des communisants, autour du journal La Fraternité avec le soutien des progressistes de la métropole et les milieux confessionnels catholique et protestant, mènent séparément leurs luttes pour l’amnistie des prisonniers de l’insurrection.
Comme les missions protestantes sont sous la surveillance du service de sûreté, elles ne peuvent pas se manifester ouvertement. Certains dirigeants du PDM, parti d’obédience protestante sont aussi mis en cause dans cette affaire.
Par contre les catholiques, qui sont moins exposés au foudre de l’administration coloniale, apportent ouvertement leur soutien aux détenus (4). L’Eglise catholique mobilise son organisation caritative, le Secours catholique, pour aider les prisonniers et leurs familles. Cette démarche a un dessous politique, celui de ne pas laisser aux seuls communistes le soin de s’occuper les détenus (5).
Les lobbyings menés par les différentes forces politiques aussi bien à Madagascar qu’en France conduisent le président français Auriol, le lendemain de la célébration de la fête nationale française de 1948, à gracier les condamnés à mort. Leurs peines sont commuées à des peines de détention à vie. Les condamnés sont déportés aux Comores.

(à suivre)

Georges Radebason

(1) Gisèle Rabesahala, « Témoignage de Rabesahala Gisèle », in Omaly sy Anio n° 41-44, Antananarivo, 2001, p. 17
(2) Secours populaire français, L’affaire de Madagascar
(3) Georges Radebason, L’Union soviétique présentée par le journal Imongo Vaovao, Mémoire de maîtrise, p.24
(4) Lucile Rabearimanana, « Protestantisme et nationalisme à Madagascar de 1945 à 1960 », [en ligne], https://www.revue_mascareigne_03-part13.pdf, page consultée le 21 mars 2016
(5) Ibid

A la Une de l’actuMadagascarGisèle Rabesahala

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?