Agronomie biologique et solidarité avec Madagascar

Le Système de riziculture intensive, comme réponse à la menace alimentaire

9 juin 2008

Depuis quelques jours déjà et jusqu’au 16 juin, deux “développeurs” des techniques agroculturales biologiques dans la Grande Ile sont à La Réunion pour expliquer ce qu’ils font à Madagascar et lever une collecte de fonds en soutien à l’ONG fondée par l’un d’eux, Hamon Randriamahary, pour améliorer la culture du riz et son rendement à Madagascar. L’occasion de manifester une solidarité concrète avec un projet de culture biologique réputé efficace.

Hamon Randriamahary est, à Madagascar, le fondateur et directeur de la Laulanié Green University (Antananarivo), qui forme des cadres en agro-tourisme et en développement rural. Il s’active également dans une université rurale et est le fondateur de l’ONG “Green Madagascar”. Il est dans notre île pour encore une semaine, en compagnie d’un environnementaliste français, Frère Michel Hubert, qui vit depuis une quarantaine d’années à Madagascar, où il a introduit des techniques agrobiologiques et fondé en 1990 avec le Père de Laulanié, l’association Tefy Saina. Il a également créé, à 10 kms d’Antananarivo, un centre d’expérimentation, d’enseignement et de publication : le Taoezaka.
Ils sont venus faire connaître à La Réunion le Système de riziculture intensive qu’ils promeuvent auprès des paysans malgaches et lancer ici un appel à la solidarité des Réunionnais car la faiblesse de leurs moyens, dans la Grande Ile, est un frein puissant à l’expansion d’une technique pourtant avérée, adoptée et pratiquée dans une trentaine de pays rizicoles dans le monde mais encore assez peu répandue à Madagascar.
La Grande Ile compte environ 1.721.000 riziculteurs, dont seulement 65.000 (environ 3,5%) pratiquent cette technique, faute d’une vulgarisation suffisante. Or le système de riziculture intensive présente un enjeu crucial pour l’autosuffisance alimentaire de Madagascar, qui doit encore importer 200.000 tonnes de riz tous les ans. Sa production rizicole s’est élevée à environ 3 millions de tonnes en 2007, avec un rendement de 2 tonnes par hectare.
Madagascar pourrait faire beaucoup plus. Le leader mondial dans cette production est d’ailleurs un Malgache de la région de Fianarantsoa qui a obtenu, en 2003, un rendement de près de 24.000 tonnes par hectare (en équivalence, et sur une seule moisson, les surfaces cultivées selon cette technologie n’excédant pas 80 ares). A titre de comparaison, les Japonais produisent 8 tonnes à l’hectare et un agronome de l’université de Kyoto, impressionné par les résultats du SRI à Madagascar, a proposé depuis 2005-2006 un jumelage avec une équipe de l’Association Tefy Saina (ATS), avec le projet d’expliquer scientifiquement le succès du SRI par une analyse des sols.

Le SRI repose sur des principes simples : il faut repiquer les plants très jeunes (10 à 20 jours, selon l’altitude et la température), les repiquer en ligne pour assurer une bonne respiration des racines et surtout ne pas noyer les plants. « Le riz n’est pas une plante aquatique ; elle a besoin d’humidité mais s’il y a trop d’eau, le système racinaire est étouffé et produit moins de talles (tiges) » explique Christian Briand, correspondant de l’expérience SRI à La Réunion.
Les promoteurs de cette technologie soutiennent que Madagascar pourrait tripler, voire quadrupler sa production, en généralisant ces pratiques respectueuses de l’environnement et de la paysannerie, qu’elles ne pressurent pas en l’endettant avec l’achat d’intrants coûteux (pesticides ou herbicides). La technique du SRI se déploie avec pour seuls engrais des composts naturels.
Le projet initié en effet par le père Henri de Laulanié de Sainte-Croix, un Jésuite agronome arrivé en 1961 à Madagascar, était d’appuyer les pratiques des petits paysans malgaches. Il était lui-même paysan originaire du Poitou, ingénieur agronome INA et enseignant à l’école d’Agriculture d’Angers.
Le plus grand risque que court cette pratique culturale, aujourd’hui, est - selon Christian Briard - d’être dénaturée par les lobbies de l’agro-industrie chimique, voire des OGM. Le SRI a fait la preuve de son efficacité avec les moyens les plus simples. Ses promoteurs ont seulement besoin de plus de moyens pour en vulgariser les techniques, multiplier les publications et toucher par la formation une plus large part de la paysannerie malgache. Un programme de conférences et de rencontres a été planifié jusqu’au dimanche 15 juin. C’est le moment de manifester la solidarité réunionnaise (1) et d’apprendre de ces amis malgaches les bénéfices de ce type de culture - dont on ne voit toujours pas pourquoi elle ne serait pas introduite à La Réunion, grande consommatrice de riz.

P. David


Conférences-débats avec l’association TEFY SAINA :
- Lundi 9 juin à l’Etang Saint-Paul à 18h, salle de la Démocratie participative, 3 rue Flacourt (0262.28.41.08)

- Mardi 10 juin au lycée agricole de Saint-Paul de 9h à 12h : Rencontre avec des enseignants agricoles et des agriculteurs

- Mardi 10 juin à Saint-Denis à 18h - Salle de la Résidence Concorde (1bis, rue Sainte Anne)

- Mercredi 11 juin à Saint-Benoît à 18h, à la Médiathèque : 18, rue Montfleury

- Jeudi 12 juin à Saint-Joseph à 18h - Salle municipale de Manapany-les-Bains

Théâtre et Printemps Bio :
Vendredi 13 juin au PORT à 20h
Soirée au profit de l’association Opération SRI Madagascar avec la participation d’un trio de clowns, d’Aduna (danse africaine), de Didier Makaga et Lionel Guillemin (duo jazz), du mime Pato & Cie Acta, de Nadjani danse et plus encore ...
Tarif unique : 10 euros
Dimanche 15 juin - Matinée au Théâtre en Plein Air de Saint-Gilles. SRI Madagascar sera présent dans un stand et interviendra, à 12h, dans le cadre du Printemps Bio.

(1) Pour les dons : Association Opération SRI MADAGASCAR : 35 chemin des Bois de Lait - 97436 Saint-Leu, ILE DE LA REUNION (0262.27.72.91)

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Messages

  • N’y aurait-il pas une erreur lorsqu’il est écrit qu’un Malgache a obtenu un rendement de 24 000 tonnes à l’hectare. Ne s’agit-il pas plutôt de 24 000 kg, donc 24 tonnes ce qui parait plus probable ?

    La revue "l’Ecologite" a publié dans son N° 14 de nov/déc 2004 un article de 3 pages sur la méthode SRI. (pour info)

  • Justement ! Le SRI constitue une réponse durable à la menace alimentaire. Durable en ce sens que le SRI fait appel à du composte. C’est donc un système intégré. Et tant que les producteurs vont continuer à fabriquer du composte, c’est qu’ils sont obligés de recycler certains déchets d’origine animale et végétale. Ce faisant, ils limiteraient la dépendence recherchée vis-à-vis des firms producteurs d’Angrais chimique. Et je pense que briser un tel lien infernal va être salutaire pour tout le monde. Ces angrais chimiques étant une menace pour l’humanité toute entière sur plus d’un plan.
    Alors, vivement tout le monde adopte le SRI et surtout l’Afrique. Celà lui permettrait de cesser d’être le dépôtoire des grandes puissances.
    Toute l’Afrique pour le SRI !!!!!!!

  • Bonjour Chers Responsables,

    Je suis Bienvenu Adjé depuis la Côte d’Ivoire. Ingénieur en protection de l’environnement à la base je me suis spécialisé en développement local durable. Je viens respectueusement par la présente demander une collaboration et si possible une assistance (quelle qu’elle soit) auprès de votre structure.
    Toujours en quête des alternatives durables mais efficaces, je suis tombé sur la séduisante SRI que je désire ardemment expérimenter sur mon site de production. Pour se faire je ne chercherai pas très loin pour mes aménagements, je compte simplement utiliser quelques étangs vidangeables (précédemment installés pour la pisciculture). Cela me permettra d’avoir une maitrise de la gestion de l’eau dans mes casiers. Je connais bien quelques variétés de riz cultivées dans notre pays et j’espère avoir théoriquement bien compris les principes et méthodes du SRI.
    Cependant, le fameux outil de désherbage n’existe pas ici. Je crois bien en l’ingénierie de nos artisans mais je pense qu’avec un prototype ils auront à fournir beaucoup moins d’efforts pour la confection des sarcleuse à poussette.

    Je vous écris pour solliciter auprès de vous haute personnalité une aide pour défaire mon nœud.

    Avec beaucoup de considérations,
    Bienvenu ADJE

    Bienvenu ADJE Chabi
    Ing. Environnement/Développement local durable
    Spécialiste UICN Crocodiliens/Membre African Birds Clubs
    Gestionnaire CHM Convention sur la BioDiversité


Témoignages - 80e année


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