Madagascar : des pauvres qui en veulent

8 juin 2008

Des petits paysans et paysannes malgaches, épaulés par une organisation de développement rural réellement à leur écoute, ont réussi en quelques années à sortir de la pauvreté. Témoignages de quelques-uns de ces miraculés.

Parmi les plus pauvres paysans de Madagascar, certains sont sortis de la misère en quelques années. Plus d’un visiteur de passage à Sahambavy, une commune rurale, à une dizaine de kilomètres de Fianarantsoa, sur les Hauts plateaux de Madagascar, n’en reviennent pas. « Sans terre il y a trois ans, propriétaires de leur maison aujourd’hui, cela relève du miracle », s’étonne l’un d’eux. Les enfants de ces heureux paysans, qui pour la plupart font partie du groupement Fitamiam, fréquentent des écoles privées tandis que des stocks de paddy sont disponibles dans leur grenier tout au long de l’année, jusqu’à la période de soudure. Rare dans la Grande île.

Benoît, un modeste apiculteur traditionnel du nord de Fianarantsoa, possède maintenant une vingtaine de ruches modernes. Son miel se vend dans la région et jusque dans les grandes surfaces de la capitale. Philbertine Razanamalala, mère de huit enfants, petite productrice de soie traditionnelle de la région d’Amoron’i Mania, dans les Hautes Terres, est devenue une habituée des foires nationales et c’est elle qui représentait Madagascar lors de la dernière foire internationale Slow Food en Italie. Quant à Germain Rabearimalala, père de cinq enfants, issu de l’Itasy, dans le Moyen Ouest, qui en 2003 n’arrivait pas à écouler ses tomates séchées, il les vend désormais à Tana et il prend des cours d’anglais pour, un jour, exporter vers l’île Maurice.

Pauvres parmi les pauvres

Trois mille organisations paysannes, éparpillées sur les trois anciennes provinces d’Antananarivo, Fianarantsoa et Tuléar, ont emprunté le même chemin que Fitamiam, appuyés par le programme Saha (Action pour le développement rural). Financé par la Coopération helvétique et mis en œuvre par la Fondation suisse Intercoopération, celui-ci cible uniquement les groupes défavorisés : femmes, mères célibataires, paysans sans terre... « Nous appuyons tout sauf les grandes filières, comme le riz, la canne à sucre ou le zébu... » précise Estelle Raharinaivosoa, directrice de Saha. Au total, près d’un demi-million de Malgaches parmi les plus démunis ont directement ou indirectement bénéficié de cet appui.

Au départ, Benoît, Philbertine, Germain ou l’association Fitamiam ont dû chacun identifier leurs besoins et monter un dossier. « Ce sont les paysans eux-mêmes qui conçoivent leurs propres projets », explique Mme Raharinaivosoa. « Nous sommes les mieux placés pour connaître nos besoins », confirme Michel Ramanana, président de Fitamiam. Une allusion à un ancien projet de la coopération britannique qui avait capoté faute d’avoir écouté la demande des bénéficiaires : « Nous avions besoin de filets de pêche et on nous a imposé l’élevage de poissons en cage », ironise-t-il. Quelques mois plus tard, les installations ont été abandonnées, car les pêcheurs n’ont pas donné suite au programme.

Une fois, le projet approuvé après plusieurs entretiens avec le demandeur, Saha met à sa disposition un technicien qui l’accompagnera pas à pas. Philbertine reconnaît a posteriori l’efficacité de ce coup de main : « Nous pouvions lui confier tous les problèmes susceptibles de bloquer l’avancement du projet ». Les bénéficiaires ne reçoivent pas directement de l’argent, mais ils sont mis en contact avec des institutions de microfinance locales. Le rôle de Saha est essentiellement de renforcer leurs capacités en matière de gestion d’une association, de leadership, de gestion de conflit ou de réalisation de petites infrastructures. « La formation nous a appris à gérer toute notre vie, jusque dans notre foyer », confie Henri Ratalata, chef de quartier à Sahambavy.

Ténacité

Aussi efficace que soit la démarche, la réussite repose d’abord sur la volonté des paysans à s’en sortir, estime Justin Ramanitriniaina, responsable régional de Saha à Fianarantsoa. « Avec les problèmes des uns et des autres, il n’était pas de tout repos de concevoir un projet, de négocier, de trouver un appui et de le mettre en œuvre », se souvient Michel Ramanana.

Aujourd’hui, selon le responsable régional, les témoignages mais surtout les activités ainsi développées font peu à peu tâche d’huile. À la tête d’une organisation paysanne, Philbertine Razanamalala partage à présent son expérience avec d’autres femmes bien décidées comme elle à vaincre la pauvreté. Elle n’oublie pas de leur rappeler que « c’est uniquement à la force de ses propres mains que l’on peut sortir de la misère. Les idées peuvent venir des autres, mais leur réalisation revient à soi-même. »

Mamisoa Tianamalala Ratrimoson & Mamy Andriamalala, Syfia International


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