Mobilisation pour les déchets urbains

29 décembre 2006

La gestion des déchets urbains, notamment ceux des ménages ou des déchets verts, s’arrête souvent à la pré-collecte ou à la collecte. En fait, elle dépend de la volonté des autorités communales, régionales, voire nationales, à prioriser l’assainissement. Néanmoins, quelques exemples d’activités de valorisation de la matière (tri, recyclage, compostage) commencent à voir le jour.

Dans les 6 arrondissements de la capitale, les ménages produisent, selon les saisons (période de fête et saison des fruits), entre 500 à 700 tonnes de déchets par jour, chiffre sensiblement inférieur dans les 17 communes périphériques. Dans les autres villes à forte potentialité économique comme Nosy-Be (tourisme) ou Taolagnaro (exploitation minière et tourisme), les quantités sont moindres, respectivement 55 et 35 tonnes par jour. Quelle que soit la quantité produite, leur éparpillement sur les voies publiques devient problématique comme en témoignent les épidémies de choléra en 1999 et 2000 à Madagascar. Holy Rasolofojaona, responsable technique du projet d’aménagement marin et côtier au sein de l’association SAGE (Service d’appui à la gestion de l’environnement), sous la tutelle du ministère de l’Environnement, est optimiste : « la situation va évoluer d’ici peu, dans la mesure où 8 villes ont bénéficié d’une réactualisation de leur plan d’urbanisme. Mais tout cela reste une utopie, d’une part s’il n’y a pas de volonté politique, et d’autre part, s’il n’y a pas, de la part de la population urbaine, un changement de comportement et un réflexe d’hygiène et de propreté ». D’autant plus que la population malgache ne cesse d’augmenter. D’ici 15 ans, dans l’agglomération d’Antananarivo, 3 millions d’habitants produiront 2.200 tonnes par jour, dont 1.340 tonnes de matières organiques, une matière première pour l’agriculture.

Le compostage : une solution de proximité

En effet, les déchets ménagers sont riches en matière organique fermentescible. Christine Aubry, du laboratoire de l’INRA et coordinatrice du programme sur l’analyse de l’agriculture durable dans l’agglomération d’Antananarivo, pense que « à part les ordures ménagères, tester les déchets de marché ou les boues de curage des réseaux d’assainissement sur d’autres cultures, fourragères, forestières ou industrielles (coton ou tabac) est faisable ». Pour l’instant, les expériences concluantes menées conjointement par les laboratoires français (INRA, CIRAD) et malgaches (Fofifa, service agronomie du laboratoire des radio-isotopes et des Facultés des Sciences d’Antananarivo et de Mahajanga), n’ont porté que sur la valorisation par compostage des déchets ménagers de décharge : 10 à 20% de rendement supérieur qu’avec des engrais ou du fumier sur les tanety, sols dénudés et appauvris, pour la culture maraîchère. Dès lors, l’INRA, en collaboration avec la Communauté urbaine d’Antananarivo (CUA), lancera des études de marché concernant ce compost et éventuellement d’autres. Le produit serait aussi certifié par un laboratoire agréé. La décharge de la capitale serait alors délestée : depuis 40 ans et tous les jours, 500 à 700 tonnes de déchets y sont déposés. Par ailleurs, le prix au kilo des engrais chimiques (NPK ou urée) dissuade son utilisation. En 2005, le prix au kilo était de 1.000 ariary, 50 fois plus cher que le compost naturel de cette décharge (20 ariary/kg).

Le tri-compostage

Avec un compost de bonne qualité issu d’un tri soigneux, et composé de 60 à 80% (14% sur les décharges) de matière organique fraîche d’origine domestique ou autre, le rendement ne peut qu’être meilleur. L’expérience est en cours à Antananarivo et à Mahajanga. Selon les estimations, la quantité de composts produite dans la capitale avoisinerait 30.000 tonnes par an, de quoi subvenir largement aux besoins des 16.000 maraîchers de l’agglomération. Et, pour mener à bien un plan d’élimination des déchets, des ONG locales et étrangères, en partenariat avec le secteur privé, s’attellent en ce moment à des actions de sensibilisation au tri à la source. Un autre facteur important : « la pré-collecte, surtout dans les bas quartiers inaccessibles aux camions-bennes de la ville, est indispensable. D’ailleurs, la pré-collecte pourrait être professionnalisée », commente Gérald Razafinjatovo, conseiller technique du Service autonome de maintenance de la ville d’Antananarivo (SAMVA). L’année prochaine, l’Agence française de développement (AFD) financera des programmes d’assainissement avec une grande partie sur les déchets.

Succès annoncé des ordures

En partenariat avec la ville, l’Université, et avec un financement international, l’association Gevalor, située à Orléans en France, associée au Gret, a mis en place un plan de valorisation des déchets ménagers de la ville de Mahajanga. Dès réception sur la décharge installée en 2003, les déchets sont triés et valorisés sous forme de compost par leur relais local, l’association Tananamadio (ville propre) créée en 2002 : 200 tonnes ont ainsi été produites l’année dernière et commercialisées au prix de 16 euros la tonne. « Les clients sont des particuliers. Pour leur jardin de leur villa ou pour leur concession, des ONG, la municipalité ou l’université ; la clientèle pourrait s’élargir », explique Bruno Rakotonirina, Directeur administratif et commercial de Tananamadio. Cette production pourrait intéresser les maraîchers (les légumes proviennent de la capitale), les riziculteurs, les arboriculteurs, la grande agriculture (coton, noix de cajou ou coprah) ou les industriels pour les refus de compostage en vue de les utiliser en combustibles. La démarche est encore expérimentale et ne traite qu’une fraction des déchets, soit 80 tonnes par jour contenant 80% de matière organique fermentescible dont seulement le tiers est collecté. D’ici 3 ans, en parallèle à une extension de la collecte, 5 unités de compostages pourraient en produire environ 12.000 tonnes par an avec une création d’une entreprise locale de 50 personnes (contre 5 actuellement). L’équipe de Gevalor explique la démarche : « une mécanisation partielle des opérations de tri-compostage est nécessaire ; la plupart des équipements seront fabriqués sur place. Pour le tri, il se fera sur le site de la décharge, évitant ainsi une coûteuse collecte sélective. Un concept qui a fait ses preuves sur les sites de compostage à Alexandrie en Egypte ».

Et les sacs plastiques ?

Aucune statistique n’existe encore sur les quantités de sacs plastiques rejetées. Néanmoins, la Société malgache de transformation de plastique (SMTP) transforme depuis l’année dernière près de 3 tonnes par semaine de sachets plastiques en polyéthylène en sandales (38 paires par mois), dont 70% destinées à l’export régional (La Réunion et Maurice), en flotteur pour la pêche, en capitonnage, en semelles de chaussures ou en fonds de sacs fabriquées localement. « Suite à mon déplacement en Chine pour voir le procédé et les matières premières utilisées, la société a investi dans l’achat de machines de transformation en adoptant la technologie chinoise », explique Danil Ismael, Directeur général de la SMTP, occupant un site de 3 hectares dans la banlieue proche d’Antananarivo. Les sans-abris les vendent à 200 ariary le kilo et, une dizaine de personnes est chargée de faire tourner l’extrudeuse et le broyage. Coût de l’investissement : 500 millions ariary (186.000 euros), élevé car la société recycle tout : des sachets les plus fins (0,30 microns) aux plus épais (80 microns) sauf les emballages plastiques pour le ciment ; celui-ci s’y colle et abîme très vite les machines. « Tana sans sachets en perspective », ils sont non biodégradables et abandonnés facilement dans la nature. Pourquoi pas ? Mais, Danil Ismael regrette le coût élevé de l’énergie : « les différents process, notamment la granulation et l’extrusion, en consomment énormément. Alors qu’on pourrait augmenter la capacité de production en installant des unités dans le pays ». Pour promouvoir la filière de recyclage et pour financer des fabrications de sacs biodégradables comme ce qui se ferait chez les Kenyans, une augmentation de la taxe sur les produits finis qui est actuellement de 10% pourrait y contribuer.

Loi ou décret ?

Des normes et des plans d’action sur la gestion des déchets ont été étudiés. Mais, à ce jour, les autorités hésitent entre une loi et un décret. Toutefois, la gestion des déchets industriels (solides ou liquides, banals : assimilés aux ordures ménagères ou spéciaux) est une des préoccupations que les entreprises doivent intégrer dans leur processus de développement durable pour être plus compétitives sur le marché international. Selon l’Office national de l’environnement (ONE), « il existe de plus en plus d’entreprises qui investissent dans les mesures environnementales car elles savent que dans cette course qu’est la mondialisation, il faut être parmi les premières ». Dans certaines régions de Madagascar, les investisseurs se plaignent de la disponibilité des compétences nécessaires (bureau d’études ou conseil) qui leur permettent de se mettre en conformité (pour les installations existantes) ou d’appliquer le décret de mise en compatibilité des investissements avec l’environnement (pour les nouveaux projets). Dans les 2 cas, il faut les informer : « par exemple, réduire les déchets à la source, qu’est ce qu’on peut réduire, traiter ou trier en bout de chaîne de la production. Autrement dit, produire plus propre pour un gain économique avec moins de gaspillage », explique Perlive Rabenitany, Présidente de la fondation Apromo, une ONG partenaire de l’ONE dans les campagnes de sensibilisation et de formation des entreprises à travers le programme Qualité/Environnement. Les outils techniques existent (guides d’étude d’impact et d’audit environnemental, et de mise en conformité), mais les coûts d’évaluation des dossiers sont encore prohibitifs, du million au milliard d’ariary selon l’envergure des risques. Ces frais peuvent être provisoirement financés par les bailleurs de fonds du PEIII3 ou par les ressources de l’Etat.

Voahirana Rakotosson


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  • Je voudrai me mettre en contact avec des investisseurs, ONG, ou des PME à madagascar qui sont actuellement à la recherche de technicien ou conseil technique dans le secteur de valorisation des déchets ménagers. Je pourrais leurs apporter une aide précieuse car je suis un technicien de maintenance dans une usine de méthanisation.


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