Echec de Maputo II

Pourquoi la Communauté internationale veut-elle décider ce qui est ’bon’ pour les Malgaches ?

1er septembre 2009

La rencontre à Maputo (capitale du Mozambique) des délégations des quatre mouvances politiques malgaches, initiée par le Groupe International de Contact–GIC (Union Africaine, Nations Unies, OI de la francophonie, SADC), s’est terminée au petit matin du vendredi 30 août sans qu’aucune décision n’ait été prise après deux jours de débats ardus. Rappelons que ce deuxième “round” de Maputo faisait suite à la première réunion tenue au même endroit (8-9 août) qui débouchât sur la signature par les chefs de file des quatre mouvances (Andry Rajoelina, Didier Ratsiraka, Zafy Albert, Marc Ravalomanana) d’une “Charte de la transition” et de quatre accords complémentaires.

La frustration de l’opinion publique au lendemain de la réunion Maputo I a déjà été évoquée dans ces colonnes, et avant même Maputo II, les observateurs annonçaient son échec car il s’agissait de mettre en place les structures institutionnelles prévues par la Charte de la Transition et d’en designer les responsables. Or, arriver à un “consensus” dans la désignation de hauts responsables du pays, compte tenu de la situation complexe que traverse la Grande Ile, était un pari difficile à tenir.

Les débats firent apparaître clairement que les trois anciens chefs d’Etat ne veulent pas qu’Andry Rajoelina continue à exercer la Présidence de la Transition. Il s’agissait de le priver de l’appui de son compagnon de lutte de la première heure, en l’occurrence le Premier ministre Monja Roindefo. Au final, ils proposèrent à la mouvance Andry Rajoelina de choisir entre l’un de ces deux postes ; ce qui fût catégoriquement rejeté par les intéressés.

Désaccord de fond

Il ne s’agissait pas de « partage de gâteau », contrairement aux analyses superficielles de certains observateurs, mais d’un désaccord de fond qui oppose deux camps. Celui de ceux qui sont convaincus que le temps du changement est venu pour Madagascar et que les fondements de la Quatrième République souhaitée par tous doivent refléter dans la mesure du possible les aspirations profondes du peuple malgache à la démocratie politique et sociale, à la justice et à l’équité, au progrès. En face, le camp de ceux qui sont accusés de défendre en priorité leurs intérêts personnels et n’envisagent qu’un changement de personnel politique, tout en gardant les anciennes méthodes de gouvernance et une politique étrangère dépendante de l’étranger pratiquées depuis un demi-siècle. Cette orientation a contribué à maintenir le peuple malgache dans la pauvreté et le sous-développement que l’on connaît.

Pourquoi vouloir décider à la place des Malgaches ?

Mais le constat le plus important qui soulève la réprobation de la majorité de l’opinion malgache lors des réunions de Maputo I et II a été le comportement scandaleux de la Communauté internationale et de ses représentants au sein du GIC qui, sans honte, ni vergogne se sont arrogés le droit de designer les participants aux rencontres, de fixer les objectifs à atteindre, d’élaborer un projet de Charte de la Transition, et même de choisir tel ou tel dirigeant des futures institutions de la Transition !

Toutes ces manœuvres expliquent qu’à Maputo, ces médiateurs très “spéciaux” aient été (selon le constant des journalistes présents) en contact permanent avec leurs “conseillers” à l’étranger (France, Etats-Unis) et n’aient pas hésiter à brandir la menace de sanctions politiques, économiques, financières pour obtenir la signature des participants. Si ces manœuvres ont partiellement réussi lors de Maputo I, la ferme condamnation de ces ingérences contraires au respect de la souveraineté nationale, exprimée par la majorité des forces vives du pays, a largement influencé la rencontre de Maputo II qui, on l’a vu, s’est soldée un par échec.

Sommet de la SADC le 6 septembre

Le 6 septembre prochain doit se réunir un Sommet spécial de la SADC qui décidera, entre autres, de lever ou de confirmer la suspension de Madagascar et prendra les mesures en conséquence. De leur côté, les bailleurs de fonds tels que la Banque Mondiale, le FMI, l’Union Européenne suivent de près l’évolution de la situation malgache, en sachant qu’en octobre prochain devrait être élaboré le Budget 2010 de l’Etat malgache qui, depuis bien longtemps, est financé largement par l’aide étrangère.

Andry Rajoelina a demandé aux médiateurs de la Communauté internationale un délai de réflexion, en fixant la date du 4 septembre pour leur faire connaître la décision finale des dirigeants de la Transition, après consultations avec les composantes des Forces de changement et de la société civile. Cette décision est attendue avec intérêt par les Malgaches qui sont de plus en plus nombreux à exprimer leur refus de toute ingérence étrangère dans leurs affaires intérieures.

De notre correspondant permanent
Bernard Yves


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