Remous au sein du monde du travail

De notre correspondant à Madagascar

28 mai 2008, par Bernard Yves

La mise en place du nouveau Bureau du Sénat, présidé désormais par M. Yvan Randrianasandratriniony, le 2ème Congrès National du Parti Présidentiel TIM (Tiako Madagasikara) convoqué pour plébisciter le nouveau Bureau Politique du Parti, et confirmer, dans ses fonctions de Président du Parti, le Président du Sénat, tels sont les évènements politiques qui ont retenu l’attention des observateurs en ce mois de mai. Mais ils ont été supplantés dans l’actualité par divers remous qui ont surgi dans certaines entreprises, et qui ont mis en lumière la situation précaire des travailleurs malgaches.

Les représentants du patronat malgache dénoncent le projet de la société DYNATEC de faire venir 5.000 ouvriers Phillippins à Madagascar au vu des centaines de jeunes Malgaches affluant vers les centres urbains pour tenter de trouver un emploi aléatoire qui leur permettrait de survivre.

Pour la première fois depuis les mouvements populaires de la période post-électorale de 2001-2002, les employés de l’entreprise nationale de l’eau et de l’électricité (JIRAMA) se sont mis en grève. Ce mouvement qui a débuté le 21 mai était motivé par les nouvelles mesures de réorganisation mises en œuvre par la Direction générale de l’entreprise. Ainsi, la Direction a décidé que les agents technico-commerciaux (monteurs, dépanneurs, distributeurs de factures, releveurs de compteurs) seront mutés d’un poste à un autre, ou d’une zone à une autre, sans qu’il soit tenu compte de leur aptitude, sans avoir reçu de formation préalable et quel que soit leur lieu de résidence. Les délégués du personnel, porte-parole des 360 grévistes, dénoncent ces mesures comme des entorses à la convention collective co-signée par l’employeur. Ils prévoient, à la suite de ces mesures unilatérales, des baisses de recouvrement et un supplément de dépenses pour les travailleurs, sans aucune contre-partie.

Les grévistes se sont déclarés prêts à engager le dialogue avec la Direction générale de la JIRAMA, mais une semaine après le déclenchement du mouvement, la situation était encore bloquée.
Mais outre la JIRAMA, les regards des observateurs étaient également tournés vers la ville de Moramanga, plus précisément Ambatovy, où est installé le projet DYNATEC, qui sera, selon les médias, « une des rares productions indépendantes de nickel et de cobalt au monde, représentant respectivement 5% et 10% de la production mondiale », avec un investissement de 2,9 milliards de dollars.

A rappeler que sont actionnaires de DYNATEC, société canadienne, SUMITOMO (Japon), KOREA RESOURCES (Corée du Sud) et SNC LAVALIN (Canada).

Si une vive controverse vient de surgir à propos de la Société DYNATEC, c’est que cette dernière a annoncé récemment qu’elle allait faire venir des Philippines 5.000 ouvriers chargés de l’ensemble des travaux d’infrastructure, avant la mise en marche de l’exploitation. Des spécialistes de l’exploitation minière mentionnent que, en fait, le nombre des travailleurs philippins engagés sur ce chantier atteindra 10.000 à la veille du démarrage de l’usine. Le tollé soulevé par cette information est compréhensible lorsque l’on sait que chaque année, 400.000 jeunes Malgaches arrivent sur le marché du travail et affluent vers les centres urbains pour tenter de trouver un emploi aléatoire qui leur permettrait de survivre.

Les représentants du patronat malgache au sein du CONECS (Conseil National Economique et Social), les syndicats, notamment la FISEMARE, ont été unanimes à dénoncer ce recrutement « sauvage » de travailleurs étrangers, qui risque de créer des troubles sociaux.

Répondant à ses détracteurs, la Société DYNATEC prétend « qu’elle a déjà embauché à l’essai du personnel à Toamasina et Moramanga, mais que les intéressés ne présentant pas les compétences requises, il lui a fallu se rabattre sur les immigrés philippins » (!).

De son côté, le Gouvernement, montré du doigt par l’opinion pour avoir mal géré les termes du contrat avec DYNATEC, tente de se justifier en affirmant qu’on ne peut pas modifier un contrat à tout moment, mais « qu’il vaut mieux attendre et voir » les améliorations à apporter par la suite.
Ainsi, des questions cruciales interpellent tous ceux qui souhaitent un développement équilibré et équitable profitable au pays et à la population : ces questions ont trait à :
• La formation professionnelle des jeunes
• La transparence des accords conclus entre le Gouvernement malgache et les sociétés étrangères qui exploitent les richesses du sous-sol malgache (pétrole, cobalt, uranium, fer, charbon, pierres précieuses, etc...)
• Le respect du droit des nationaux à un travail normalement rémunéré.
• Le respect des lois du travail en vigueur.

Ces mouvements du mois de mai sont un premier signe du malaise social existant dans le monde du travail.

B.Y

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