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par le Dr Raymond Vergès

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L’Ile Soeur : si proche et encore trop loin...

De La Réunion à Maurice : Ki kréolité ?

jeudi 7 décembre 2006


Réfléchir sur la créolité, c’est aussi se poser la question des rapports que nous entretenons avec les sociétés créoles. Faire vivre la créolité dans ce qu’elle a de plus singulier et pluriel, c’est favoriser l’appropriation de ce concept, né d’une émulation intellectuelle fondée sur la revendication identitaire, pour qu’au fil des rencontres et des océans il soit suffisamment palpable et évident pour que les créoles se reconnaissent et partagent l’originalité d’une civilisation nouvelle.


Les festivals organisés aux Antilles, aux Seychelles et dernièrement à Maurice en sont l’occasion, le prétexte. L’opportunité d’un échange ouvert avec les Mauriciens permet de nous confronter à leur réalité quotidienne, le vécu ou la non-révélation de leur créolité. Mais tous les Réunionnais se rendent-ils à Maurice avec cet objectif d’ouverture et d’échange avec la population, de cette île si proche qui porte le doux nom d’île Soeur. À 30 minutes d’avion, elle est plus souvent l’occasion de week-end de détentes à petits prix avec la qualité d’un service assuré. L’occasion de bonnes affaires, de repartir avec une cargaison de vêtements dont les prix défient toute concurrence. Mais au détour de ces achalandages, combien de Réunionnais discutent vraiment avec les Mauricens, s’intéressent à leur mode de vie, leurs aspirations, leur créolité ? Comme à La Réunion, les prix flambent. Le riz, le lait, l’essence et le gaz... difficile pour un travailleur de sortir la tête de cette eau si bleue et limpide qu’elle nous écarte du sens des rapports humains. Un Réunionnais dira que les Mauriciens ont voulu l’Indépendance et un Mauricien que les Réunionnais ont préféré la Départementalisation pour détourner son regard de ce que la vie de l’autre peut nous apprendre. Le statut serait-il donc un frein à l’émergence de ce qui nous unis : la rencontre des hommes, des langues et des cultures ? Serait-il une entrave à l’expression commune de notre créolité ? Avec un passeport en règle, un point de chute dans l’île : le touriste réunionnais est accueilli à bras ouverts. Mais dans ce rapport, la transversalité domine. Pour obtenir un visa via Réunion, les Mauriciens ont toutes les peines du monde. Et pourtant cette terre qu’ils voient avant tout française avant d’être réunionnaise, car donnée à voir ainsi, les interpelle et les questionne. Nous, Réunionnais, qui avons hérité de cette France le défaut de l’orgueil et de la suprématie, accueillerions-nous les Mauriciens avec autant d’égard ? Les questions défilent, peut-être stériles, mais ce sont ces regards, ces sourires, ces attentions puis ces discussions qui dépassent le cadre de la courtoisie de l’ôte qui les imposent. Ce sont ces échanges ouverts de créole mauricen au créole réunionnais qui me font dire que même si elle est géographiquement toute proche de nous, peut-être passe-t-on à côté de quelque chose... Pour que de mains en mains vive la créolité, son souffle et son énergie pour aujourd’hui et vers demain vers la reconnaissance et l’affirmation d’une modernité sans pareille construite par l’Homme.

Stéphanie Longeras


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