Retour sur les élections législatives à Maurice

Un tsunami populaire a balayé le gouvernement de Pravind Jugnauth

19 novembre, par Joël Toussaint

Directeur du journal en ligne Indocile à Maurice, Joël Toussaint présente une analyse du résultat des élections législatives à Maurice qui se sont tenues le 10 novembre dernier et qui ont abouti sur l’élection des candidats de l’Alliance du Changement dans les 20 circonscriptions. La majorité sortante n’aura aucun député. C’est le scandale des conversations téléphoniques attribuées au Premier ministre et d’autres personnes influentes dont un commissaire de police voulant maquiller un meurtre qui a été un élément important du choix des électeurs, souligne-t-il.

L’Alliance du Changement obtient la majorité absolue

C’est un raz-de-marée qui porte au pouvoir l’Alliance du Changement. Dans chacune des 20 circonscriptions, les Mauriciens ont voté en faveur des trois candidats de cette alliance composée du Parti Travailliste du Dr Navin Ramgoolam, du Mouvement Militant Mauricien, le MMM de Paul Bérenger et de Rezistans ek Alternativ, un mouvement grassroot dirigé par le syndicaliste Ashok Subron.

Dans les rues à Maurice, c’est la liesse populaire. Sur les réseaux sociaux, les internautes Mauriciens parlent d’un vent de liberté et de pouvoir s’exprimer sans contrainte. En fait, ce sont les révélations de conversations téléphoniques, avec des voix attribuées au Premier ministre et des personnes de son entourage, dont son épouse et le commissaire de police, qui ont fait basculer la balance en défaveur du Premier ministre sortant, Pravind Jugnauth.

Avec ces révélations émanant d’un certain Monsieur Moustache, un personnage de type Anonymus, les Mauriciens étaient confrontés à ce qui relevait jusqu’ici de la rumeur, à savoir que Kobita Jugnauth, l’épouse du Premier ministre, s’ingérait dans les affaires de l’État, exerçant une influence indue sur des exercices de recrutement en scrutant aussi bien les allégeances en faveur de son camp politique que les profils ethniques des postulants.

Le plus troublant aura été le cas des conversations téléphoniques attribuées au commissaire de police. Authentifié par le langage grossier qu’il tient avec ses proches collaborateurs, il aura été question d’instructions au chef du département médico-légal pour maquiller un cas d’homicide suite à des brutalités policières. Une autre conversation avait trait aux arrangements pour que son fils bénéficie de la grâce présidentielle afin de ne pas effectuer sa condamnation à la prison.

Face à cette avalanche de fuites sur YouTube et relayé ensuite sur Facebook, le régulateur Internet optait pour la censure des réseaux sociaux pendant toute la semaine jusqu’au lendemain du scrutin. Erreur fatale ! Tous les internautes mauriciens se refilaient des liens pour télécharger des VPN et décidaient de réagir à cette privation de leur droit à l’expression.

La réaction aura donc été des plus vives et s’est exprimée fortement dans les urnes. Ce vote de rejet massif dote le parlement d’une majorité absolue. C’est la troisième fois que cela se produit dans l’histoire politique du pays et cela montre une grosse faiblesse du système électoral actuel.

Est-ce que ce nouveau gouvernement profitera de sa majorité absolue pour amender la Constitution afin de procurer au pays un système électoral qui pourrait garantir le débat contradictoire ? Cette majorité totale ne risque-t-elle pas de provoquer des dérives totalitaires ?

Pour le moment, les Mauriciens ne se posent pas ces questions. Ils sont très nombreux à s’être habitués à la dictature du nombre et pour eux c’est ainsi que fonctionne une démocratie. L’alternance, c’est comme chez les Romains, qui changeaient régulièrement de dictateurs.

De Port-Louis
Joël Toussaint

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  • Pour permettre à l’opposition d’être représentée à l’assemblée nationale , même lorsque la majorité absolue des citoyens votent pour une tendance politique , il faudrait opter pour un scrutin à la proportionnelle ou permettre qu’une partie des députés soit élue à la proportionnelle . Et pour éviter les alliances contre nature à un deuxième tour il faudrait prévoir qu’il n’y ait qu’un seul tour pour les deux modes de scrutin des élections , mais en instituant un seuil minimal de participation électoral pour valider les résultats des élections Le seuil minimal pour valider les élections devrait un taux de participation supérieur à 50% sur le plan national . Et dans le cas où ce taux n’est pas atteint on devra recommencer l’élection avec possibilité de nouvelles candidatures dans un délai de 1 mois , le délai de dépôt de candidature étant fixé à 8 jours après la première élection . Mais pour cette deuxième élection à un tour les résultats seront acquis quelque soit le taux de participation .Les candidats du scrutin majoritaire ayant obtenu le plus grand nombre de voix seront élus et les candidats du scrutin à la proportionnelles seront élus en répartissant les voix obtenus à la proportionnelle avec répartition des restes à la plus forte moyenne .