Stop Opération Wuambushu

170 membres de la communauté médicale sont inquiets de la situation

23 avril 2023

Dans une tribune adressée à François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer, Thierry Suquet, le préfet de Mayotte, et Olivier Brahic, directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, 170 membres de la communauté médicale ont souhaité «  exprimer [leurs] plus vives inquiétudes sur l’impact sanitaire de ce projet  ».

Retrouvez le courrier envoyé ci-dessous :

Nous, soignants de Mayotte, apprenons dans la presse, la planification d’une opération de grande envergure, baptisée Wuambushu. Elle aurait pour but la lutte contre l’immigration illégale, l’insalubrité publique et l’insécurité sur l’ensemble du territoire de Mayotte.

Proposée par le ministre de l’Intérieur et validée en conseil de Défense par le président de la République, l’opération débuterait le 20 avril 2023. Rassemblés autour de cette problématique, nous souhaitons exprimer nos plus vives inquiétudes sur l’impact sanitaire de ce projet.

En effet, le bilan des précédentes interventions de grande ampleur en matière de lutte contre l’immigration ou l’insécurité impliquait des conséquences dramatiques :

  • génération de situations à risque infectieux épidémique dans les zones d’hébergement d’urgence (promiscuité, rupture d’approvisionnement en eau potable, forte incidence des pathologies hydriques et des maladies à prévention vaccinale)  ;
  • limitation de l’accès aux soins, quels que soient les individus soit à cause de la destruction de leur habitat, soit à cause des contrôles d’identité exacerbés, soit par l’effet indirect des blocages et des violences  ;
  • ruptures et retards de prise en charge : décompensation des pathologies chroniques, retards diagnostiques, isolement des enfants malades sans parents, abandon des patients avec handicaps majeurs et décès à domicile  ;
  • majoration des coûts économiques pour le service public, due notamment aux effets collatéraux pour les patients graves décompensés à court et à moyen terme  ;
  • restriction de l’offre de soins : déprogrammation de la réserve sanitaire en appui sur le territoire, effet délétère sur l’attractivité des personnels soignants dans le département  ;
  • retentissement structurel sur la société civile : surcharge des infrastructures sanitaires en aval des opérations et dépassement des capacités de prise en charge, déficit d’hébergements avec précarisation secondaire, surrisque épidémique, violences (physiques et psychologiques subies), préjudices moraux et psychologiques irréversibles notamment chez les enfants, augmentation du nombre de mineurs isolés.

En tant que soignants, nous devons garantir la santé de l’ensemble des personnes sur le département, quelle que soit leur situation administrative (Français, étrangers en situation régulière ou irrégulière). Notre engagement auprès de la population de Mayotte n’a pas changé et ne changera pas.

Néanmoins, nous appréhendons les effets directs et collatéraux de Wuambushu sur nos patients. C’est pourquoi nous demandons à être informés des détails de votre projet afin d’en limiter les répercussions négatives sur le système de soin. Pour cela, nous souhaitons :

  • prendre connaissance de la procédure d’hébergement et de mise à l’abri des personnes en cas de déplacements de populations afin de connaître le devenir social de nos patients  ;
  • partager avec vos services, les modalités de protection des personnes vulnérables nécessitant un suivi médical rapproché et régulier par nos soins, avec une attention particulière pour les mineurs et les personnes requérant un accompagnement par un tiers (aidant).

Cela passe par la prise en compte systématique des certificats médicaux établis par nos soins, pour n’importe quel patient atteint d’une maladie chronique grave et leurs aidants (père, mère ou accompagnant désigné).

  • Permettre à nos équipes de soignants et aux acteurs associatifs locaux de poursuivre toutes leurs actions de protection des personnes fragiles, sans restriction horaire, de jour comme de nuit, dans les lieux d’hébergement et de rétention prévus par vos soins.
  • Avoir la certitude qu’aucune intervention ne soit opérée dans les lieux de soin (structures hospitalières, centres de protection maternelle et infantile, cabinets de professionnels de santé, locaux des associations du secteur sanitaire et social).

Dans l’intérêt de la santé publique, nous espérons que ces mesures pourront être mises en œuvre rapidement, en bonne harmonie avec vos services. Nous sommes engagés sous serment et par conviction à soigner quiconque le nécessite sur le sol français.

Profondément investis dans le 101ème département, nous portons par ailleurs des projets destinés à développer la prise en charge de la population de Mayotte en respectant les valeurs de la République qui prônent l’équité et la solidarité.

C’est dans une totale indépendance que nous accomplissons chaque jour notre mission. Pleinement conscients de la complexité de la situation politique et sociale du territoire de Mayotte, nous venons aujourd’hui vers vous dans la plus sincère objectivité médicale. Dans notre État de droit, l’unique objectif qui nous anime est de permettre à chacun, de bénéficier d’une prise en charge médicale nécessaire à un bon état de santé.

C’est pourquoi nous sollicitons votre éclairage sur les garanties relatives à la continuité de l’accès aux soins pour la population de Mayotte avant, pendant et après Wuambushu.

Dans l’attente d’une réponse favorable de votre part, nous vous adressons l’assurance de nos meilleures salutations. 


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