Alors que les bandits continuent de faire la loi après Wuambushu 1

Wuambushu 2 à Mayotte en avril

1er mars 2024, par Manuel Marchal

Une nouvelle opération Wuambushu est prévue le mois prochain. Tirant les leçons en matière de communication, le but officiel n’est plus la chasse aux personnes considérées par Paris comme « étrangères » mais de lutter contre la délinquance. Or, après Wuambushu 1, les bandits faisaient toujours la loi sur les routes de Mayotte ce qui a amené un collectif de citoyens à barrer les routes, menaçant les profits de la classe dominante.
Un rapport de la Chambre régionale des comptes sur la commune de Kani-Kéli montre que par manque de moyens financiers, l’accès des plus pauvres à l’école est compromis. Ce cas est sans doute loin d’être isolé. Ceci découle du refus de Paris de débloquer les moyens financiers pour que les habitants de Mayotte puissent accéder aux mêmes droits élémentaires qu’à La Réunion ou en France.
Pour régler la crise à Mayotte, Paris préfère envoyer des militaires plutôt que construire des écoles.

En visite à Mayotte le 27 février, la ministre déléguée aux Outre-mers a rencontré les élus. Elle a annoncé le lancement d’une nouvelle opération Wuambushu en avril. Cette fois la communication est différente. Il ne s’agit plus de faire la chasse aux personnes sans visa, mais de lutter contre la délinquance.
Les représentants des Forces vives, ceux qui organisent des barrages, ont été reçus par la ministre puis le 28 février par le préfet. Ce 29 février, les Forces vives ont annoncé la levée des barrages.
L’insécurité à Mayotte n’arrive pas à être jugulée par l’État. L’an dernier, une première opération Wuambushu avait été lancée, soulevant la désapprobation de tous les personnes attachées aux droits humains dans notre région et bien au-delà.
En ciblant sur les personnes considérées comme étrangères, Paris lançait une énième diversion pour tenter de masquer son refus de débloquer les moyens financiers suffisants pour qu’à Mayotte, les droits humains élémentaires soient les mêmes qu’à La Réunion ou en France.
Des hôtels de luxe furent réquisitionnés aux frais du contribuable pour loger de nombreux militaires venus spécialement de France.
Le bilan de cette opération est le suivant : les bandits font toujours la loi sur les routes à Mayotte. Par conséquent, un collectif de citoyens a choisi lui aussi de barrer les routes. Ces barrages des Forces vives ont duré plusieurs semaines. Ils menaçaient les profits de la classe dominante, débordée par ce qu’elle a créé : la diversion contre les frères et sœurs des îles voisines.

Les plus précaires exclus de l’école

Les causes de la crise à Mayotte sont toutes autres. Un rapport de la Chambre régionale des Comptes donne un aperçu de la situation dans une commune, Kani-Kéli :
« La commune comprend sept établissements scolaires, tous classés en réseau d’éducation prioritaire (REP) ou renforcée (REP+), nécessitant dans ces conditions un dédoublement des classes. Toutefois, cette obligation n’est pas respectée en raison de l’insuffisance du bâti scolaire face à l’augmentation de la population scolaire communale (+ 9 % depuis 2018) et conduit la commune à imposer des conditions d’inscription restrictives et discriminatoires, en contradiction avec la réglementation en vigueur, au détriment des plus précaires. » Pourtant, un tiers du budget d’investissement de la commune est consacré aux écoles.
La CRC note également « Un déficit de compétence a, par ailleurs, pu être constaté au sein des services de la commune, s’agissant de la commande publique, en recourant à des bureaux d’études pouvant être négligents » ainsi que « des carences (...) dans l’information budgétaire ainsi que dans la sincérité des comptes de la commune ».

Moins cher pour Paris d’envoyer des militaires que de construire des écoles

Nul doute que ces remarques ne concernent pas seulement une seule commune à Mayotte.
En France, la quasi-totalité des écoles a été construite par l’État avant que la compétence soit transférée aux communes par les lois de décentralisation. A Mayotte, ce transfert a eu lieu alors que peu d’écoles étaient construites. Ce sont donc les communes qui doivent faire ce que l’État a fait en France. Mais compte tenu de la pauvreté de la population à Mayotte, les recettes issues des impôts locaux sont bien plus faibles qu’en France.
Manifestement, Paris ne dégage pas les moyens suffisants pour que tous les jeunes puissent aller à l’école à Mayotte. Dans le même temps, les inégalités sont criantes. Paris trouve sans doute meilleur marché d’envoyer des militaires lutter contre un phénomène découlant de l’aventure comorienne d’un gouvernement français en 1975.

M.M.

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