Les conditions de vie de la population se dégradent toujours plus chaque jour

Crise de l’eau à Mayotte : conséquences à La Réunion

6 décembre 2023, par Manuel Marchal

Selon « le Monde », la crise de l’eau à Mayotte pousse des « mineures mères de famille » à se prostituer pour « acheter à manger à leur bébé », faute d’eau pour cuisiner. Pour le moment, pas de solution immédiate à la crise de l’eau, les distributions d’eau en bouteille gratuite ne peuvent suffire. L’État et les collectivités de Mayotte sont visées par des procédures judiciaires. Des victimes de la crise de l’eau s’organisent et demandent à ceux qu’elles estiment responsables de rendre des comptes.
Cette crise de l’eau n’est pas le résultat de l’insécurité, l’opération Wuambushu lancée par le gouvernement ne réglera pas ce qui est devenu le principal problème de la population à Mayotte.
Paris comprend-il que les moyens ne sont pas suffisants pour permettre l’accès à l’eau du robinet 24 heures sur 24 et 7 jours du 7 à Mayotte ?
La France fait partie du G7, et donc du groupe des pays les plus riches du monde. Mais la crise de l’eau à Mayotte n’arrive pas à être résolue.
Ces événements pourront avoir des conséquences sur La Réunion. Des habitants de Mayotte émigreront vers La Réunion pour fuir des conditions de vie plus difficiles que dans notre île.

« « La situation s’aggrave de jour en jour et c’est pire que ce que l’on peut imaginer », alarme Racha Mousdikoudine, présidente du collectif Mayotte a soif. Elle raconte ces « vies humaines en danger » : des « enfants qui boivent de l’eau des puits », des personnes handicapées exclues de la distribution des bouteilles gratuites, ou des « mineures mères de famille qui se prostituent pour acheter à manger à leur bébé », car dans l’incapacité de se servir de l’eau pour leur alimentation », c’est un extrait d’un article du « Monde » paru le 3 décembre dernier sous le titre « A Mayotte, la crise de l’eau se déverse dans les tribunaux ». Les propos de Racha Mousdikoudine avaient pour cadre l’audience du tribunal administratif de Mamoudzou. « des procédures sont lancées devant des juridictions différentes. Elles mettent en cause les défaillances des collectivités publiques locales et de la Société mahoraise des eaux (SMAE), ainsi que le manque de vigilance et d’anticipation de l’Etat. », explique « le Monde ».

Eau en bouteille gratuite payée par l’État

Afin de limiter la pression sur une ressource devenue rare à Mayotte à cause de la sécheresse, l’État a imposé des délestages dans la distribution de l’eau dans les différents quartiers et villages. L’eau du robinet n’est accessible qu’un jour sur trois. Face à la crise et à l’indignation et aux abus qu’elle suscite à Mayotte, l’État a pris notamment les engagements suivants. Tout d’abord, la paiement par l’État des factures d’eau de tous les abonnés au réseau d’eau potable, et cela jusqu’à la fin de l’année 2023. Ensuite, l’État s’est engagé à fournir de l’eau en bouteille à chaque habitant de Mayotte. Jusqu’alors, l’eau en bouteille gratuite était offerte à des familles répondant à des critères sociaux et de santé. En effet, le prix de l’eau en bouteille a flambé à Mayotte. Il est bien plus élevé qu’à La Réunion, alors que les revenus des ménages à Mayotte sont plus faibles que dans notre île.

Pas de solution immédiate

Mais l’opération de distribution d’eau gratuite à toute la population ne peut répondre à l’attente immédiate de près de 300 000 personnes du jour au lendemain. Il s’ensuit un sentiment de désorganisation, malgré les moyens importants mis en œuvre par l’État pour mener cette mission. L’armée française stationnée à Mayotte est en effet impliquée dans ces opérations de distribution de bouteilles d’eau à la population.
Manifestement, pour le collectif Mayotte a soif, ces actions ne suffisent pas à compenser l’ampleur de la crise. Pour cette ONG, l’État est donc un des responsables de l’impossibilité de donner accès à l’eau potable 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, à tous les robinets qui sont connectés au réseau : fontaines, lavoirs, robinets des particuliers et des entreprises.
Mais les communes, les collectivités et donc leurs dirigeants portent une lourde responsabilité car elles eurent jusqu’à récemment la compétence de gérer, entretenir et construire des réseaux d’eau potable. L’État est accusé d’avoir laissé faire et de manquer d’anticipation.

180 litres d’eau potable par jour par habitant : possible à Mayotte ?

La situation à Mayotte rappelle que la gestion de l’eau propre à un pays situé en Europe ne peut être importée dans un pays tropical, gravement touché par la crise climatique. En France, le modèle est l’accès à l’eau potable dans plusieurs pièces d’une maison, avec une seule utilisation de l’eau avant une évacuation vers un dispositif d’assainissement. La station d’épuration pouvant traiter les effluents de plusieurs dizaines de milliers de familles est le dispositif privilégié.
C’est ce modèle qui est appliqué à La Réunion. Il a conduit au résultat suivant : la consommation quotidienne est de 180 litres d’eau potable par habitant. Ceci est intenable à Mayotte, en raison de la baisse de la ressource causée par la sécheresse persistante. Or, cette sécheresse devient la norme en raison de la crise climatique.
Face au changement climatique, Paris met-il en face les moyens nécessaires pour que l’eau du robinet coule 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 dans tous les quartiers et villages équipés de Mayotte ?
La France fait partie du G7, et donc du groupe des pays les plus riches du monde. Mais la crise de l’eau à Mayotte n’arrive pas à être résolue.

La Réunion concernée

Ces événements pourront avoir des conséquences sur La Réunion.
Pour le moment, le lien le plus visible est la livraison de centaines de milliers de bouteilles d’eau importée de La Réunion par bateaux. Car, un autre lien se renforcera, faute de solutions à court terme pour l’eau, mais aussi face aux nombreux problèmes structurels : manque d’écoles, manque d’hôpitaux, manque de services publics en général et coût de la vie trop élevé...
Des habitants de Mayotte émigreront vers La Réunion pour fuir des conditions de vie plus difficiles que dans notre île.
Mayotte compte aujourd’hui environ 300 000 habitants. Selon l’ONU, sa population sera supérieure à 400 000 habitants d’ici 2050. D’ici cette date, les effets du changement climatique ne s’atténueront pas à cause de l’importante quantité de gaz à effet de serre déjà présente dans l’atmosphère. La tentation d’émigrer vers La Réunion sera donc présente. Elle sera d’autant plus forte tant que l’égalité sociale avec la France ne sera pas appliquée à Mayotte.
La crise de l’eau à Mayotte interpelle également sur le modèle de l’utilisation de l’eau à La Réunion. Comme à Mayotte, la sécheresse devient la norme à cause de la crise climatique. Jusqu’à présent, les délestages sont limités. D’où l’importance d’anticiper pour protéger les Réunionnais d’une crise de l’eau aussi dramatique qu’à Mayotte.

M.M.

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