« L’aide internationale serait intervenue beaucoup plus rapidement si on n’était pas Français »

Cyclone Chido à Mayotte : « on a tous les désavantages d’être en France »

23 décembre 2024, par Manuel Marchal

Paris a-t-il demandé l’aide de l’Union africaine et de l’ONU pour soutenir les sinistrés de Mayotte et la reconstruction des infrastructures et des maisons détruites par Chido ? Jeudi soir, Emmanuel Macron, président de la France, a dit publiquement que si les Mahorais n’étaient pas français, alors ils seraient 10000 fois plus dans la m… Une participante de la marche de solidarité organisée à Saint-Denis a répondu à ces propos paternalistes : « Nous avons tous les avantages d’être Français uniquement sur le papier, avec le rayonnement de la France à l’échelle mondiale. Mais, dans les faits, on a tous les désavantages d’être en France, car l’aide internationale serait intervenue beaucoup plus rapidement si on n’était pas Français. Il faut activer les aides ». Face à la destruction de services donnant l’illusion aux Mahorais qu’ils étaient Français à part entière, beaucoup ne croient plus au rêve vendu par le néocolonialisme français : les candidats à l’émigration vers La Réunion sont plus nombreux chaque jour.

Samedi 21 décembre 2024 à Saint-Denis, une marche de solidarité avec les sinistrés de Chido à Mayotte était organisée. Les propos tenus par Emmanuel Macron, président français jeudi dernier à Mayotte ont fait l’objet de commentaires. Le numéro un français avait déclaré que si les habitants de Mayotte n’avaient pas sa nationalité, alors ils seraient 10 000 fois plus dans la m… Interrogée par Réunion La 1ère, une des participantes à la marche de solidarité a notamment déclaré : « Nous avons tous les avantages d’être Français uniquement sur le papier, avec le rayonnement de la France à l’échelle mondiale. Mais, dans les faits, on a tous les désavantages d’être en France, car l’aide internationale serait intervenue beaucoup plus rapidement si on n’était pas Français. Il faut activer les aides ».

Paris a-t-il demandé l’aide de l’Union africaine et de l’ONU ?

En effet, aussi étonnant que cela puisse paraître devant l’ampleur de la catastrophe à Mayotte, Paris n’a pas immédiatement appelé à l’aide internationale pour accélérer la reconstruction des services de base. Nul doute que la solidarité internationale aurait permis de remettre sur pied les réseaux d’eau potable, d’électricité, de télécommunication ainsi que la reconstruction d’école grâce à des éléments préfabriqués envoyés par bateau.
Il est vrai que l’aide française est loin de répondre aux attentes. Pendant que le gouvernement des Comores envoyait 250 tonnes d’eau en bouteille, Paris en a adressé à peine la moitié par un « pont maritime » depuis La Réunion, distante de près de 1500 kilomètres à vol d’oiseau.
Pour régler l’urgence, Paris organise des transferts sanitaires depuis Mayotte vers La Réunion et un pont aérien et maritime depuis La Réunion vers Mayotte pour amener moyens humains et matériels. Mais la distance entre les deux îles est importante, bien plus qu’entre Mayotte et ses voisins de l’Union africaine, épargné par Chido sauf le Mozambique qui pleure des dizaines de victimes.
Le cyclone Chido n’a pas seulement détruit les maisons de la classe des plus pauvres. Il a également interrompu les services publics tels que l’eau et l’électricité installés avec l’argent public envoyé par Paris.

Plus d’électricité et files d’attente avec des bidons devant des fontaines

Depuis le maintien de l’administration françaises sur cette partie du territoire des Comores indépendant en 1975, Paris et des sociétés françaises ont beaucoup investi pour que les habitants de Mayotte puissent avoir des services considérés comme de base en Occident : routes goudronnées, aéroport, port en eau profonde, eau du robinet, électricité, écoles, hôpital aux normes européennes, réseau téléphonique mobile. Il s’agissait de répondre à l’attente d’une population à qui on a affirmé qu’ils étaient des Français. En retour, cette population s’attend à vivre comme en France avec l’eau potable qui arrive directement dans plusieurs pièces d’une habitation, la lumière qui s’allume chaque fois que l’on rentre chez soi ou la 4G partout.
Mais le cyclone Chido a balayé tout cela. De ce confort découlant du néocolonialisme français, il n’y a plus rien pour la majorité de la population. Ainsi, comme dans de nombreux pays du monde, des Mahorais doivent faire la queue pour remplir des bidons d’eau à une fontaine publique. D’autres doivent réapprendre à vivre sans l’électricité et le téléphone en permanence. De plus, la société de consommation importée par le néocolonialisme français est totalement désorganisé : l’aéroport est fermé et les communications entre le port et les autres régions de l’île sont perturbées.
A cela s’ajoute un grave problème sanitaire.

Plus de toilettes et le difficile enterrement de toutes les victimes

Tout d’abord, de nombreux Mahorais doivent déféquer à l’air libre et n’ont que très peu d’eau pour se laver. Les habitants des dizaines de milliers de maisons détruites n’ont plus de toilettes, de douche et d’accès à l’eau courante et il est difficile de croire que l’aide française est capable de régler ce problème en quelques jours.
Ensuite, le nombre des victimes restera indéterminé. Au lendemain du passage du cyclone, le préfet de Mayotte a indiqué que le nombre de morts pourrait être de plusieurs centaines, voire milliers. Or, le bilan officiel fait état de moins de 50 victimes. C’est une différence énorme. Il n’est pas exclu que de nombreuses dépouilles puissent encore être prisonnières des décombres ou dans la nature.
Tout cela n’est que la réalité, et elle est bien loin du rêve vendu par Paris qui veut faire croire que Mayotte est française et le restera.

Paris a-t-il l’argent nécessaire pour reconstruire ?

Il est en effet clair qu’il est impossible que tous les habitants de Mayotte puissent disposer des services existant dans un pays comme la France. Et eu égard à l’état des finances de la France, il est tout aussi difficile de croire que Paris aura les moyens de reconstruire rapidement Mayotte. Les demandes d’émigration à La Réunion de ressortissants français vivant à Mayotte sont d’ailleurs révélatrices : beaucoup ne croient plus au rêve vendu par le néocolonialisme français dans cette île de l’archipel des Comores.

M.M.

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Messages

  • En cas de catastrophe naturelle , tout le monde devrait pouvoir venir en aide aux sinistrés et notamment à ceux qui ont tout perdu . Le fait que les sinis
    trés soient de la nationalité d’un pays puissant et riche ne devrait pas empêcher aux pays voisins plus pauvres d’apporter leur aide . Pourquoi faudrait il que la France sollicite l’aide de L’union Africaine ou de Madagascar pour aider les mahorais , et pourquoi celle ci devrait refuser leur aide si elle était proposée ?
    L’aide humanitaire ne devrait pas avoir de frontière .Ceux qui veulent apporter leur contribution à ceux qui sont dans la souffrance et qui ont tout perdu à la suite d’un cyclone ou d’un tremblement de terre d’une inondation ou encore d’une éruption volcanique, devraient pouvoir le faire sans difficulté . Certes il faut bien entendu organiser la collecte de cette aide venue d’ailleurs et veiller à sa bonne utilisation mais elle doit être accueillie avec bienveillance .

    Nous devrions pouvoir être tous des bons samaritains quelque soit notre notre nationalité, et aussi quelque soit notre religion . Le devoir d’aide à ceux qui souffrent et on tout perdu est un devoir universel envers la vie , que nous devons respecter que l’on soit riche ou pauvre , blanc ou noir .....
    L’ONU est concernée par ce devoir d’aide internationale , mais personne ne parle de ce qu’elle fait pour les mahorais .? La France aurait elle mis son véto à l’aide internationale pour une partie de sa population .?

  • À MAYOTTE COMME PARTOUT : MEPRIS DE CLASSE ET POLITIQUE DE DIVISION

    « Vous êtes contents d’être en France ! Parce que si ce n’était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde ! » : voilà la réponse pleine de mépris de Macron aux habitants de Mayotte qui réclamaient de l’eau, des vivres et des secours après le cyclone Chido qui a dévasté l’île.

    Plus de 100 000 personnes, et pas seulement des étrangers sans-papiers, vivaient dans des bidonvilles qui ont été emportés comme des fétus de paille. Combien n’ont pas survécu ? 1000 ? 10 000 ? Dix jours après le cyclone, les autorités sont incapables d’annoncer un bilan car des zones entières n’ont pas vu le moindre secouriste. Qu’ils soient Français ou étrangers, la vie des pauvres ne compte pour rien !

    Mayotte est française parce qu’il y a 50 ans, la France a manœuvré pour qu’elle se détache des Comores qui accédaient à l’indépendance, coupant un même peuple en deux par une frontière artificielle. L’impérialisme français voulait conserver une base militaire dans cette zone stratégique de l’océan Indien mais n’a jamais voulu mettre les moyens pour développer l’île.

    Si Mayotte est un peu moins pauvre que les pays voisins, les Comores ou Madagascar, pillés pendant des décennies de colonisation française sans le moindre développement, la moitié des habitants y vit avec moins de 300 euros par mois. 

    Si une petite couche de notables a trouvé son compte avec la départementalisation, les classes populaires n’ont pas les mêmes droits qu’en métropole : le Smic est amputé de 300 euros ; le RSA est deux fois plus faible. Il manque des logements, des écoles. Avant même le cyclone, l’eau était coupée plusieurs jours par semaine. Le seul hôpital de l’archipel était saturé. 

    Alors que Chido était annoncé, le gouvernement n’a préparé aucun plan d’urgence, avec des bateaux, des engins, des secouristes, des maçons prêts à débarquer dès la fin du cyclone. Voilà l’apport d’un pays qui a été capable, comme s’en vante Macron, d’organiser des Jeux Olympiques. Et il faudrait que la population dise « merci la France » ?

    Peu pressé d’organiser les secours et la reconstruction mais craignant une révolte, l’État a été rapide pour envoyer des renforts policiers, des militaires et même des blindés. Pour tenter de détourner la colère vers des boucs émissaires, Retailleau puis Macron, derrière les politiciens locaux, ont dénoncé « la pression migratoire » qui pèserait sur Mayotte. 
    Alors que les survivants s’affairent pour reconstruire leurs maisons de fortune, Macron annonce une loi spéciale pour détruire les bidonvilles, traquer et déporter les étrangers « plus vite, plus fort » !
    Mais en chasser les Comoriens ou les Africains ne rebâtira pas Mayotte. Si des coupures d’eau frappent l’île tout au long de l’année, ce n’est pas parce qu’il y a trop d’immigrés. C’est parce que la filiale du groupe Vinci, chargée de distribuer l’eau, encaisse les millions de l’État sans assurer la production ni développer les réseaux. Si la vie est chère à Mayotte, c’est que deux groupes, Carrefour-Hayot et Sodifram, se partagent 84 % du marché de l’alimentaire de l’archipel tandis que le géant du transport maritime CMA CGM impose des prix de monopole. 

    Le mépris d’un Macron pour Mayotte n’est pas seulement du mépris colonial. C’est le mépris de classe de ceux qui gouvernent au service des capitalistes pour tous ceux qui font marcher la société sans arriver à en vivre.

    Même dans les métropoles impérialistes, enrichies par le pillage des pays pauvres, les budgets de l’État ne sont pas destinés à faire fonctionner au mieux les hôpitaux, les écoles, les secours et autres services vitaux pour la population. Ils sont destinés à permettre aux Vinci, CMA CGM, Carrefour et autres capitalistes d’accumuler toujours plus de profits. 

    Les lois sont faites pour faciliter l’exploitation des travailleurs, les licenciements et le pillage des ressources. Et tant pis si cela provoque des crises, des catastrophes humaines, sociales ou environnementales.

    Ici comme à Mayotte, les politiciens cherchent à semer la division entre les exploités pour faire oublier la responsabilité des capitalistes dans ces catastrophes. Ils cherchent à dresser les travailleurs nationaux contre les étrangers, ceux qui ont un emploi contre ceux qui en sont privés, les salariés du privé contre les fonctionnaires. C’est un piège dans lequel il ne faut pas tomber.

    Pour enrayer le désastre vers lequel nous entraine cet ordre social révoltant, il faut au contraire que tous les exploités s’unissent et s’organisent pour renverser la dictature des capitalistes.

    Nathalie Artaud, porte parole nationale de Lutte ouvrière, le 23 décembre 2024