Mayotte

La ’nouvelle approche’ du Président de l’Union des Comores pour régler le litige franco-comorien sur Mayotte : un dialogue direct entre Comoriens et Mahorais

14 mars 2012

Après avoir vu dans notre édition de lundi que, d’une part, un rattachement de Mayotte aux Comores décidé par un traité franco-comorien sans l’agrément des Mahorais constituerait une violation de la Constitution de la Vème République, hier nous avons vu, d’autre part, que Mayotte étant devenu département français, la loi relative au ’Département de Mayotte’ confirme le droit pour ses habitants de décider de leur destin par la voie du référendum local, condition également précisée par le Président Ikililou Dhoinine, selon lequel « ce combat par la voie de la négociation » doit y associer « nos frères et sœurs mahorais, car il ne peut y avoir de solution réaliste et durable à ce contentieux sans leur implication ».

Cependant, la confédération bilatérale ne procède jamais d’un phénomène de génération spontanée. C’est dire qu’un accord de principe entre les Comores et Mayotte est nécessaire pour la concrétiser. Mais cet accord ne saurait être qualifié de traité puisque Mayotte n’est pas un État souverain. Par suite, l’accord comoro-mahorais pourrait prendre la forme d’une résolution commune ayant au moins, pendant une période indéterminée, une valeur politique et morale pour les deux Parties concernées. Librement consentie entre les Comores et Mayotte, cette formule d’association inédite n’est pas en soi figée. À plus ou moins long terme, elle pourrait se métamorphoser en un système fédéral classique. À cet égard, les exemples historiques des États-Unis et de la Suisse sont là pour en témoigner. Après la Deuxième Guerre mondiale, l’Union européenne met aussi en œuvre ce processus qui doit permettre à ses souveraines volontés étatiques de passer progressivement d’une phase de coopération à une phase d’intégration. Ainsi, la confédération d’États apparaît-elle souvent comme l’antichambre de l’État fédéral. Elle est une étape sur la route qui devrait notamment conduire à la réunification politique et juridique des diverses composantes de l’archipel des Comores. Mais pour être crédible, encore faut-il que cette forme d’association entre deux communautés si dissemblables respecte trois principes.

D’abord, la création d’une confédération bilatérale comoro-mahoraise devrait permettre aux Mahorais français de discuter sur un strict pied d’égalité avec leurs cousins comoriens indépendants. En vérité, rien de positif ne pourra se faire en dehors du respect de la règle cardinale de l’égalité entre les Parties qui est l’une des caractéristiques essentielles de la confédération dont — faut-il le rappeler avec Jean Combacau et Serge Sur ? — « les membres restent (toujours) maîtres de leurs décisions ».

Ensuite, les représentants officiels des Comores indépendantes et ceux de la collectivité départementale de Mayotte devraient pouvoir dialoguer dans le cadre d’institutions communes. Les uns et les autres devraient pouvoir le faire au sein de commissions mixtes paritaires comoro-mahoraises. Mixtes et paritaires afin de respecter le sacro-saint principe d’égalité entre les membres de la confédération bilatérale, ces structures auraient intérêt non seulement à être permanentes pour éviter la prise de décisions hâtives, mais aussi plus ou moins spécialisées pour des raisons évidentes d’efficacité.

Enfin, le dialogue entre Comoriens indépendants et Mahorais français aurait vocation à intervenir dans les domaines les plus divers. Après une longue période de cohabitation et de rodage, il devrait inclure la question la plus importante qui est celle du statut institutionnel pour l’ensemble des "îles de la Lune". À cet égard, on pourrait reprendre ici — toute proportion gardée — la Déclaration faite à Paris le 9 mai 1950 par Robert Schuman. Convaincu que l’unité politique de l’Europe ne pourra pas être réalisée d’un coup de baguette magique, mais seulement après la création d’une Europe « fonctionnelle », viable au plan économique, le ministre français des Affaires étrangères déclarait : « L’Europe ne se fera pas d’un seul coup, ni dans une construction d’ensemble. Elle se fera par des constructions concrètes créant d’abord une solidarité de fait ». De même, la réunification d’Anjouan, de la Grande Comore, de Mayotte et de Mohéli dans le cadre d’un État souverain unique ne pourra être qu’une œuvre de longue haleine. En vérité, seules des réalisations communes aux Comores indépendantes et à Mayotte française, palpables pour le commun des mortels à Moroni et à Mamoudzou, nombreuses et surtout durables, auraient des chances de rapprocher des points de vue qui semblent aujourd’hui inconciliables.

Les solutions ainsi suggérées, librement négociées et adoptées sous forme de résolutions dans le cadre de la confédération bilatérale comoro-mahoraise, devraient être concrétisées dans les meilleurs délais. Elles pourraient l’être par le vote de textes législatifs et règlementaires français et comoriens ainsi que par des conventions bilatérales franco-comoriennes avec le soutien de la France. Pour éviter un nouvel afflux prévisible et très important de clandestins comoriens à Mayotte à la suite de la récente mise en œuvre de la départementalisation, la France devrait assurer — en parallèle —, un développement économique et infrastructurel de l’État comorien dans le cadre d’un véritable "plan Marshall".

Conclusion : le pari de la réunification d’Anjouan, de la Grande Comore, de Mayotte et de Mohéli dans le cadre d’un seul État souverain par un dialogue direct entre Comoriens et Mahorais

Dans son discours onusien du 23 septembre 2011, l’actuel Président de l’Union des Comores a bien indiqué que le règlement du contentieux territorial sur l’île de Mayotte implique des négociations avec la France. Mais il a innové par rapport à tous ces prédécesseurs dans la mesure où il est le premier chef d’État comorien à faire preuve d’une réelle empathie à l’égard de la communauté mahoraise. Ikililou Dhoinine a en effet tenu à préciser que les négociations sur « cette épineuse question » doivent désormais prendre en considération les aspirations de « nos frères et sœurs mahorais avec lesquels nous avons des liens communs, tissés par l’Histoire, le sang, la langue, la religion et la culture »  [1].

C’est dire ainsi avec le Président comorien que l’avenir institutionnel des diverses composantes de l’archipel des Comores n’est pas un destin aveugle et pétrifié. Il est bien placé sous la responsabilité de tous ceux qui sauront faire preuve de réalisme et surtout de bonne volonté — non seulement du côté français et du côté comorien, mais aussi du côté mahorais —, car là où il y a des volontés politiques, il y a généralement des solutions. Certes, la stratégie de la persuasion que nous suggérons ici implique le facteur temps. Sa mise en œuvre risque en effet d’être très longue et les résultats escomptés ne sont pas garantis d’avance. Il faut en être parfaitement conscient. Mais la patience n’est-elle pas l’art d’espérer ?

Fin

Par André Oraison,
Professeur des Universités

Ile de Mayotte

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Messages

  • Intégrité territoriale des Comores : La rupeisation de Mayotte peut et doit être arrêtée
    Par Ahmed M. Thabit
    Nous avons des arguments solides et cohérents qui vont sans aucun doute faire réfléchir nos partenaires européens et refuser la balkanisation définitive de l’Etat comorien composé des îles de Maore, Ndzuwani, Mwali et Ngazidja et admis comme tel à l’unanimité à l’Onu le 12 novembre 1975. Je suis persuadé que les pays membres de l’Ue ne vont pas se déjuger et ne vont jamais admettre la balkanisation de notre pays. Par conséquent nous devons agir et agir vite. La balle est dans votre camp.
    Dans les colonnes (http://wongo.skyrock.com/3069309831-COMORES-Contre-la-rupeisation-de-Mayotte-le-Mirex-ne-doit-pas-trainer.html) d’Al-watwan numéro 1901 du lundi 13 février 2012, j’avais attiré l’attention de mes collègues du Mirex sur le danger imminent de la rupeisation de l’île comorienne de Mayotte. J’avais formulé quelques propositions qui pourraient nous aider dans la sensibilisation des Etats membres de l’Union européenne (Ue) et ses parlementaires pour qu’ils renoncent et rejettent le projet des autorités françaises visant à faire de l’île comorienne de Mayotte une Région ultrapériphérique de l’Europe.
    Nous avons des arguments solides et cohérents qui vont sans aucun doute faire réfléchir nos partenaires européens et refuser la balkanisation définitive de l’Etat comorien composé des îles de Maore, Ndzuwani, Mwali et Ngazidja et admis comme tel à l’unanimité à l’Onu le 12 novembre 1975.
    Je ne sais pas encore ce qui a été fait par la partie comorienne pour empêcher cette rupeisation d’une partie de notre territoire mais je sais que les autorités françaises ont accéléré leurs démarches frénétiques pour atteindre leur objectif en juin prochain.
    Les européens à Mayotte
    Lire la suite ici : http://wongo.skyrock.com/3081181557-Integrite-territoriale-des-Comores-La-rupeisation-de-Mayotte-peut-et.html


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