Mayotte : l’appel au sens des responsabilités

8 février, par Ary Yée-Chong-Tchi-Kan

Le 22 décembre 1974, la France, sous la présidence de Giscard d’Estaing, consulte les habitants de l’archipel des Comores par la question suivante : « Souhaitez-vous que le territoire des Comores devienne indépendant ». La consultation donne 94,57 % pour l’indépendance. La suite est la conséquence de cette décision politique et du traitement politique de ce résultat électoral.

Le 19 décembre 2024, la France, sous la présidence de Macron, apostrophe les habitants de Mayotte en ces termes : « Si c’était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde ». Le représentant suprême de la France a fait un voyage de 10 000 km pour humilier des gens meurtris, ayant tout perdu dans le cyclone et, en colère, devant l’absence de réponse à leur malheur.

Entre ces 2 présidents, il s’est écoulé 50 années. Le constat est que la France n’a pas de politique cohérente. De retour à Paris, Macron déclare devant les diplomates réunis, le lundi 7 janvier 2024, « on a oublié de nous dire merci ». Cette appréciation vise les dirigeants africains des anciennes colonies. Autrement dit, Français à Mayotte ou indépendants au Sahel, ils manquent « d’ingratitude » ! Ils sont tous pareils ?

La liberté de circuler

Examinons la relation de la France aux Comores, la contradiction principale est la suivante. L’absence de cohésion politique au sommet de l’État Français a brisé la libre circulation entre les familles qui se déplaçaient naturellement, à l’intérieur de l’archipel, pour des besoins multiples.

Le Premier ministre Balladur a fait mieux. Le 18 janvier 1995, il instaure un visa, censé contrôler l’entrée et la sortie de Mayotte. La décision est prise 3 mois avant la présidentielle d’avril, un scrutin où il est candidat ! Depuis cette date, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont été noyés dans la mer comorienne, en tentant une approche hasardeuse des côtes de Mayotte. Par ailleurs, la Préfecture annonce que le nombre de personnes reconduites à la frontière dépasse certaines années 20 000 personnes ! La décision de Balladur est donc un échec. La logique aurait été qu’au bout de 30 années, le 18 janvier 2025, la France mette fin à cette expérience malheureuse. Hélas !

L’indépendance contrôlée

Le 28 septembre 1995, la France, sous la présidence de Chirac, organise la déportation du président des Comores Saïd Mohamed Djohar, vers La Réunion, en pyjama, par avion militaire. A 80 ans, il sera en isolement à Salazie, sans famille. Il sera libéré, en février 1996, après avoir signé l’engagement d’abdiquer le pouvoir constitutionnel. A ce moment de l’Histoire, la France dirige l’ensemble de l’archipel. Elle exerce toujours un contrôle par l’intermédiaire du Franc-Comorien. Elle amuse la galerie en montant les uns contre les autres.
Ainsi, par le choix de ses dirigeants au sommet de l’État, la France est responsable de la situation dans l’archipel des Comores. A plusieurs occasions, elle avait la possibilité d’être positive. Elle a laissé pourrir la situation. Devant ce laxisme, La Réunion sert de territoire de déstabilisation, au risque d’être emportée à son tour. Mais la situation s’éclaire. A Mayotte, le cyclone Chido a tout rasé. Il n’y a plus de clandestins. La France ne peut plus continuer à entretenir les désordres créés par ses présidents successifs. Ces derniers jours, les mesures votées en urgence vont alimenter des frustrations, car elles n’offrent aucune perspective durable.

Anticiper l’Agenda 2063

Les autorités réunionnaises et les parlementaires devraient soutenir un mémorandum pour exiger de Paris des solutions durables, sur place, au cœur de l’Union africaine. Le bon sens doit remplacer l’appel au crime et à la haine. Le Ghana se donne en exemple. Le pays a décidé d’exempter de visa tous les Africains détenteurs d’un passeport. Les Seychelles le font déjà. Ils ne craignent pas l’invasion « des étrangers ». Ayons à l’esprit que l’Union africaine progresse dans la réalisation de son « Agenda 2063 », d’un continent intégré et interconnecté. Il faut anticiper cette grande ambition à 2 milliards d’habitants. La Réunion doit pouvoir discuter directement avec ses voisins, sans être comptable des propos et postures qui divisent. Est-ce difficile de faire appel au sens des responsabilités ?

Ary Yee-Chong-Tchi-Kan

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Messages

  • Il me semble que les Mahorais ont répondu majoritairement en 1976 qu’ils souhaitaient conserver leur statut colonial de l’époque et la France a respecté leur choix malgré certaines contestations internationale car Mayotte était considéré comme un territoire français depuis 1841..Ce choix des mahorais de rester Français a été confirmé à plusieurs reprises par la suite, ce qui a permis à la France de donner à l’ile de Mayotte le statut de département français , ce qui implique pour les mahorais un engagement à respecter les lois de la république française et pour la France un engagement de leurs faire bénéficier de la protection et de la solidarité quelle accorde à tous ses citoyens .
    Si les mahorais n’avaient pas le statut de Français ,, l’aide de la France après le cyclone Chido aurait été beaucoup plus réduite , et ce n’est pas auprès de la République des Comores .ou des états voisins que les mahorais auraient trouvé toute l’aide qu’ils ont besoin pour reconstruire ce qui a été détruit . Ce serait à mon avis une erreur de remettre en cause le choix des mahorais et de les réintégrer dans la république des Comores .
    Si dans un avenir plus ou moins proche les réunionnais étaient appelés par leurs responsables politiques locaux ou nationaux à assumer eux mêmes leurs responsabilités en renonçant à leur statut de Français nous serions dans le même cas que les mahorais lorsqu’ils ont été appelés à choisir entre la république française ou celle des Comores et nous ferons surement le même choix queux , le choix de rester français , et même si la majorité du peuple Français était favorable à notre indépendance ce choix ne donnerait pas à la France le droit de nous abandonner à notre propre sort si nous ne souhaitons pas changer de statut, compte tenu des problèmes auxquels nous devrions faire face . Pour que le changement de statut soit possible il faudrait qu’il soit voulu non seulement par la majorité des réunionnais , mais aussi par la majorité de tous les citoyens français de métropole et d’ailleurs . Peut être que c’est cette solution qui aurait du être adoptée en 1976 , mais n’étaient ils pas déjà français à cette époque puisque le territoire de Mayotte appartenait déjà à la France depuis plus d’un siècle ? et la question qui leur était posée était : voulez vous renoncer à votre statut de français . et ils ont eu raison de répondre NON
    Si un référendum était organisé demain sur l’ensemble du territoire national pour demander aux français de confirmer l’intégration de Mayotte dans le territoire national français je pense que le résultat de ce référendum confirmera cette intégration malgré les obligations que cela implique . Désolé monsieur le président Macron, quand des français sont dans la merde , le devoir de la France c’est de les aider à s’en sortir même si ça coûte cher . Notre devise nationale ,ne l’oublions pas, c’est : Liberté , égalité et fraternité pour tous les citoyens qu’ils soient mahorais , réunionnais ou parisiens . et sur ce plan il faut bien admettre qu’il y a encore beaucoup de progrès à faire . Certes le monde n’est pas parfait mais Il faut continuer d’avancer plutôt que de reculer .


Témoignages - 80e année


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