Un représentant du gouvernement de la « Patrie des droits de l’Homme » propose de renforcer la répression

Mayotte : le gouvernement veut-il mettre fin aux noyades des réfugiés ?

2 janvier 2023, par Manuel Marchal

Si la France est la « Patrie des droits de l’Homme », alors son gouvernement doit tout mettre en place pour mettre fin aux noyades de réfugiés au large des côtes de Mayotte et aux inégalités responsables d’une insécurité grandissante. Mais plutôt que de miser sur la coopération avec les voisins de Mayotte, Paris fait le choix d’amplifier la répression alors que cette politique a montré son inefficacité.

Gérard Darmanin en visite à Mayotte a promis le renforcement de la répression contre les réfugiés. L’île sera un terrain d’expérimentation de technologies militaires de surveillance par la France, comme des drones. Manifestement, le gouvernement parisien mise donc sur l’usage de la force pour régler un problème créé par un de ces prédécesseurs en 1975. Le ministre de l’Intérieur a souligné que les effectifs des forces de répression de l’État ont doublé à Mayotte. Mais dans le même temps, le sentiment d’insécurité a augmenté, favorisant une émigration de Mahorais et de fonctionnaires, notamment vers La Réunion.
Ceci montre l’échec d’une stratégie. En effet, Paris ne met pas au coeur de sa politique la recherche de solutions aux raisons de la situation actuelle. Chaque année, plus de 20.000 personnes sont expulsées de l’île, car considérées par la loi comme indésirables. Cela fait largement plus de 5 % de la population. Si la France expulsait chaque année plus de 5 millions de réfugiés, mènerait-elle la même politique qu’à Mayotte depuis longtemps ? Si en France, les habitants risquaient d’être rackettés à des barrages sur le chemin du travail, le gouvernement traiterait-il ce problème comme à Mayotte ?

Une politique favorisant les inégalités et les violences

L’arrivée massive de réfugiés à Mayotte et les violences n’en sont que des conséquences de la profonde crise dans cette île. Au coeur du problème résident les inégalités entre habitants de Mayotte d’une part, et entre Mayotte et les îles voisines d’autre part.
Paris et ses alliés à Mayotte ont intégré cette île à marche forcée dans la République avec le statut de département sans que ses habitants soient traités à égalité avec les départements français. L’arrivée de la société de consommation permet aux patrons français de bénéficier d’un marché pour faire des profits grâce aux exportations vers Mayotte. Mais le pouvoir d’achat de la plupart de la population ne suit pas. Les perspectives sont les suivantes : la croissance démographique avec plus de 400 000 habitants dans moins de 30 ans, la moins grande disponibilité de ressources essentielles comme l’eau, et le besoin toujours plus important de services publics, notamment l’éducation, sont des réalités qui doivent être prises en compte, faute de quoi les violences causées par les inégalités vont encore s’amplifier. Paris se doit de mettre les moyens pour faire baisser la tension entre Mahorais, sinon La Réunion sera face au risque d’une vague migratoire en provenance de Mayotte.

Un des plus grands cimetières marins au monde

La décolonisation inachevée des Comores et de Madagascar fait que la France revendique la souveraineté sur une grande partie du canal du Mozambique, une route stratégique et aussi une région au riche potentiel en ressources naturelles, notamment les hydrocarbures. Pour verrouiller sa position à Mayotte, Paris a injecté d’importants fonds publics pour en faire une vitrine de l’Occident, tandis que d’anciens militaires de l’armée française contribuèrent à entretenir l’instabilité des autres îles comoriennes. L’immigration était inévitable. Paris a ensuite créé les conditions d’une catastrophe en pénalisant la circulation sans visa en provenance des voisines de Mayotte. Le prix payé par la population est considérable. Plusieurs milliers de personnes sont mortes noyées en cherchant à rejoindre clandestinement Mayotte. Éviter les noyades entre Anjouan et Mayotte devrait être la priorité d’un gouvernement à la tête d’un pays présenté comme « Patrie des droits de l’Homme ». Sur cette question essentielle pour un État démocratique, le représentant de son gouvernement n’a pas présenté de solution, à part la répression qui a montré son inefficacité depuis des décennies.

La coopération économique pour sortir de la crise

Les solutions sont pourtant connues. Elles résident dans l’intégration de Mayotte dans sa réalité géographique et culturelle. L’accord entre Mayotte et plusieurs régions de Madagascar pour l’importation de légumes montre la marche à suivre. Renforcer une telle politique de coopération entre Mayotte et ses voisins peut contribuer à apaiser les tensions. Au lien d’injecter massivement des fonds publics pour financer la société de consommation et la répression, Paris serait bien inspiré d’utiliser cet argent pour aider au développement de l’Union des Comores, et de Madagascar. Ainsi le gouvernement montrerait qu’il veut résolument s’impliquer dans la cause de l’arrivée massive de réfugiés à Mayotte. Ceci permettrait alors de mettre fin aux noyades au large de Mayotte.

M.M.

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