« Je ne lâcherai rien tant qu’il n’y aura pas de l’eau au robinet de tous les Mahorais, mais ça prendra du temps. », tels sont les propos tenus par Philippe Vigier, ministre des Outre-mer, lors du premier jour de sa visite officielle à Mayotte le 1er novembre.
Mais que signifie « l’eau au robinet de tous les Mahorais » pour l’envoyé de Paris à Mayotte ? Sans doute faire la même chose qu’à La Réunion, où l’eau du robinet est la norme à quelques très rares exceptions près. Cela signifie l’importation dans un pays tropical du système de distribution en vigueur en France. Mais avec un climat différent, la consommation par habitant est mécaniquement plus importante compte tenu de la chaleur et de la disponibilité très facile de l’eau. Résultat : 180 litres d’eau potable par jour et par personne. Ce volume doit également passer par l’assainissement. Tout cela est payé par l’usager via les factures d’eau, et par le contribuable via les aides de l’Europe et de l’État versées pour co-financer les travaux.

180 litres d’eau potable par jour et par personne, objectif à atteindre ?

Malgré tous ces frais, près de 40 % de l’eau potable est perdue dans les fuites entre l’usine de potabilisation et le robinet du payeur. Plus de 5000 kilomètres de canalisations parcourent La Réunion, c’est un défi impossible à relever pour le moment de garantir le zéro fuite au profit de l’usager. Si 40 % de l’eau potable se perdait dans la nature dans un pays voisin, certains à La Réunion n’hésiteraient pas à parler de branchements pirates !
Les entreprises françaises qui gèrent majoritairement ce réseau sont des bénéficiaires de ce système : des profits considérables sont pris dans la poche des Réunionnais pour être rapatriés en France.
Ces 180 litres d’eau par jour et par personne sont un véritable filon pour les entreprises françaises qui ne manqueront pas de vouloir faire une OPA totale sur le réseau à Mayotte. Il n’est pas étonnant que le gouvernement français soit au service des entreprises privées de son pays, c’est la conséquence de son orientation capitaliste tendance « ultra-libérale ». Quelles peuvent donc être les effets pour Mayotte ?

Où trouver cette eau ?

La Préfecture de Mayotte estime à 42000 mètres cubes la consommation quotidienne habituelle à Mayotte. Rapporté à une population officielle de 250 000 habitants, c’est énorme : 168 litres d’eau potable par jour et par habitant. Compte tenu de l’incertitude sur le nombre d’habitants à Mayotte peut amener à réévaluer à la baisse : 140 litres d’eau potable par jour et par habitant si 300 000 habitants. Mais il ne faut pas perdre de vue que le taux d’équipement en eau du robinet à Mayotte n’est pas celui de La Réunion. Il est bien inférieur, les puits et les fontaines publiques sont encore utilisées. Ce qui veut dire que chez les abonnés à l’eau du robinet, la consommation journalière avoisine probablement celle de La Réunion, soit 180 litres d’eau potable par jour et par habitant.
Se pose alors l’inévitable question de la disponibilité de la ressource. Si les prévisions de l’ONU sont respectées, Mayotte comptera officiellement 410 000 habitants en 2050. Si l’eau du robinet est disponible chez 100 % des foyers, alors la consommation journalière sera de 73 000 mètres cubes. Où trouver cette eau ? Pour Paris, dessaler l’eau de mer est la solution. Une solution qui, compte tenu de la technologie actuelle, a un coût énergétique qu’il faut payer et qui est peu compatible avec l’objectif de réduire la consommation en énergie pour aller vers le développement durable.
Autrement dit, l’eau du robinet est impossible à Mayotte, à moins que Paris augmente considérablement les transferts publics pour dessaler chaque jour des dizaines de milliers de mètres cubes d’eau pour la potabiliser.
Bien entendu, qui dit eau potable dit assainissement et donc constructions de coûteuses stations d’épuration dans le système français.
L’eau du robinet pour tous à Mayotte, c’est un nouvel eldorado pour les majors françaises de l’eau. Ce sont elles qui seront les bénéficiaires de la promesse d’un ministre en visite à Mayotte, si jamais elle est tenue…

M.M.