Cyclone Chido : un bilan impossible des victimes, comment en est-on arrivé là ? -1-

Pourquoi et comment la France acheta Mayotte et ses habitants en 1841

18 décembre 2024

Le cyclone Chido a fait d’importants dégâts à Mayotte. L’administration française est dans l’incapacité de donner un bilan et son chef, le préfet, annonce que ce sera impossible. L’existence à Mayotte de zones d’habitats précaires densément peuplées a amplifié la catastrophe. Des bidonvilles aussi densément peuplés sont une spécificité dans notre région. Or, l’expansion considérable de ce type d’habitat précaire est le résultat d’une histoire. Elle trouve son origine dans la volonté de Paris de disposer d’une plateforme d’invasion pour conquérir Madagascar. En 1841, les dirigeants français ont sauté sur une opportunité en or : un roi déchu devenu sultan usurpateur leur offrait d’acheter l’île de Mayotte et ses habitants contre une rente annuelle viagère de 10 000 piastre, et la scolarité payée par la France de deux de ses enfants à La Réunion.

En 1841, l’esclavage était encore légal dans les colonies françaises comme La Réunion, appelée alors Bourbon. Durant cette époque, la France continuait de caresser un rêve datant du 17e siècle : coloniser Madagascar. En 1841, le Royaume de Madagascar existait depuis une vingtaine d’années. La Grande île était unifiée et l’État malgache était reconnu internationalement. C’est ce que rappelle notamment le mobiliser de maisons royales du Rova d’Ambohimanga, décorées de dons de l’Angleterre, du Japon et de la France notamment.
Pour faire tomber Madagascar, la France avait besoin de points d’appui dans la région, mais La Réunion ne suffisait pas. C’est alors qu’elle saisit l’opportunité qui lui était offerte d’acheter l’île de Mayotte et ses habitants pour une rente annuelle de 10 000 piastres versée au roi déchu du Boeny, province de Madagascar, qui usurpa la fonction de Sultan de Mayotte avec le soutien de la France.

Acte de spoliation orchestré par des intérêts coloniaux

L’histoire du sultanat de Mayotte est souvent déformée, occultant un point essentiel : pour être reconnu sultan de Mayotte, il fallait auparavant être adoubé par le sultan d’Anjouan, autre île comorienne. Ce protocole n’a pourtant jamais été respecté lors de l’intronisation d’Andriantsouli, roi malgache déchu. Ce dernier fut désigné « sultan » par le capitaine Passot de la marine française, dans une mise en scène arrangée pour légitimer la signature du traité de cession de l’île en 1841.
Cette manipulation historique, souvent présentée comme une « donation » de Mayotte à la France, relève davantage d’un acte de spoliation orchestré par des intérêts coloniaux. Les archives révèlent que le véritable souverain de Mayotte, le sultan Combo, fut trahi par Andriantsouli, qu’il avait pourtant accueilli généreusement. En retour, ce dernier l’évince, usurpant son titre avec l’appui de la France.

Acte de vente daté du 25 avril 1841

Loin d’être accepté par les Maorais, Andriantsouli fut rejeté, malgré sa conversion à l’islam pour tenter de gagner leur faveur. Incapable d’obtenir l’appui du sultan d’Anjouan, il finit isolé et marginalisé. Pendant ce temps, son compatriote malgache Ramanetaka réussit à se faire introniser légitimement à Mohéli en tant que Sultan.
Face à cet échec, Andriantsouli se tourne vers la France. Le 25 avril 1841, il conclut un accord secret avec Passot : il cède Mayotte en échange d’une rente viagère et de l’éducation de deux de ses enfants à l’île Bourbon, aux frais du gouvernement français. Cette transaction, privée et contestée, scella pourtant le destin de Mayotte.

(à suivre)

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Messages

  • L’histoire du monde nous montre que de nombreux territoires ont été vendus par leurs souverains , souvent pour des raisons futiles , et à un prix dérisoire. C’est le cas de la Louisiane qui a été vendue par Napoléon 1er aux USA pour quelques millions de francs de l’époque sans consultation de leurs habitants qui étaient à l’époque des citoyens français , c’est le cas l’Alaska qui a été vendue également aux USA par l’empereur Russe pour quelques millions de dollars .
    Ces ventes qui ont été actées officiellement ont donné de plein droit aux habitants des régions concernées la nationalité des pays qui les ont acheté . Cela a été le cas pour les français de Louisiane et pour les Russe d’Alaska qui sont devenus des citoyens américains , mais c’est aussi le cas pour les mahorais qui sont devenus français par l ’approbation de l’achat achat de Mayotte par les autorités officielles de la France et notamment par l’assemblée nationale de l’époque .
    Cette reconnaissance de la nationalité Française à l’ile de Mayotte a été ensuite confirmée par les lois et décrets d’application de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises des Antilles de la Guyane de la Réunion et de l’ile de Mayotte . il suffit de consulter nos archives pour voir que l’île de Mayotte est bien mentionnée dans les textes législatifs français pris pour sur l’abolition de l’esclavage en 1848.

    Peut être que les conditions dans lesquelles l’ile de Mayotte a été vendues à la France en 1841 n’ont pas été tout à fait honnêtes pour le peuple comorien et pour la France , mais dès lors que la France a considéré que l’ile de Mayotte lui appartenait , les mahorais sont devenus français et ont eu raison de confirmer qu’ils souhaitaient conserver leur nationalité françaises en 1976.

    Ce qui est condamnable c’est la façon dont ils ont été traités par la France depuis 1841 et encore plus depuis 1976 dans la mesure où elle n’a pas forcément appliqué aux mahorais tous les droits que leur confère leur nationalité française et que les mahorais sont resté pendant longtemps des français un peu étrangers .
    Mais la loi c’est la loi et doit s’appliquer de la même manière pour tous les français , et tant que les mahorais exprimeront clairement leur choix de rester français, la France devra respecter leur choix et respecter les principes de la devise française Liberté égalité fraternité qui implique aussi une solidarité entre tous les citoyens. Aucun Français ne devrait être privé de son droit à la nationalité française s’il ne commet pas un crime sanctionné par la perte de sa nationalité .


Témoignages - 80e année


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